Dans les forêts de Sibérie – Sylvain Tesson – folio

Diantre ! Que voici de la belle ouvrage. Comme je me suis trouvée moi aussi auprès de ce lac, à contempler les cimes, à crapahuter sous les grands arbres … Soit ! De ma vie j’ai préféré voyager à travers d’autres contrées, plus intérieures, mais j’aurai pu et j’ai souvent rêvé escalader ce genre de passage entre deux mondes, ou plus encore être totalement connectée à ce monde sauvage. Je sais, parce que je l’ai senti dans ma chair, combien s’imprègne en soi la beauté d’un paysage intouchable. Alors j’ai pu communier, ici à travers le verbe, à ses étendues d’eau, de terre, de vent et de feu.

Je ne cours pas après les prix littéraires, qui trop souvent me font l’effet du toujours plus, toujours mieux à défaut de l’authentique. Mais là, je reste coite. Une belle écriture, ciselée comme le paysage, pointue comme les cimes, claire comme de l’eau. Mais plus encore j’ai pu voir de mes yeux, les couleurs et les formes, sentir les odeurs et les textures. Un voyage de sens. Sans oublier ce mélange de rythme, de fond et de forme, se trouvant ponctué de quelques vérités puisées à l’expérience, donc vraies.

« Le bonheur d’avoir dans son assiette le poisson qu’on a péché, dans sa tasse l’eau que l’on a tirée, dans son poêle le bois qu’on a fendu : l’ermite puise à la source. La chair, l’eau et le bois sont encore frémissante ».

Vivre une telle expérience est un luxe inouï, rare et précieux. Car enfin il faut être pécheur, garde forestier, explorateur ou écrivain pour se permettre ce voyage intérieur dans l’extérieur. A moins que l’on renonce une bonne fois pour toute à la communauté et que l’on devienne « ermite », mais, et c’est bien ce qui transparait dans l’ouvrage, il y a une différence profonde entre l’ermite et l’ermite. L’ermite de ce livre a la générosité de nous donner un peu de son espace- temps, dans toute sa vérité, sa réalité, c’est ce qui rend l’ouvrage si précieux et si beau.