Les « cités mères »

Si je m’intéresse tant aux Celtes et à leur mythologie c’est sans aucun doute tout d’abord parce qu’ils sont mes ancêtres. Les Gaulois vivaient sur toutes les zones d’où sont originaires les membres disparates de ma famille. Il fut un temps où je désirais savoir d’où je venais et quel chemin avaient parcouru les générations qui m’ont portée là. Mais tout aussi vrai et de façon plus assidue, ils m’intéressent car ils sont pour moi, dans notre aire culturelle, la dernière porte, les derniers représentants d’une autre manière de voir et de vivre. Je veux dire que leur culture et leurs mythes (donc leur psyché) gardent des traces très nettes d’une autre attitude envers la vie. En quelque sorte ils portent encore d’autres valeurs et ces valeurs sont d’un grand intérêt : un système de pensée qui nous est étranger mais soulève bien des questions, qui peuvent, si l’on cherche un peu nous porter à la réflexion sur ce que nous sommes devenus et sur ce que nous pouvons devenir. Il y a bien sûr le rapport au sacré engendrant un système de société particulière, qui s’il n’est plus possible aujourd’hui nous invite à la réflexion. Et il y a le rapport au féminin, thème par lequel j’aborde mes recherches qui par évidence ne peut que me parler, mais aussi tellement révélateur d’un autre possible qu’il me semble peu sérieux d’en occulter les traits. Ce féminin, différent du masculin, mais semblable, apparait de façon explicite dans la société et dans la mythologie. Chaque type, chaque « fonction » y est à une juste place, sans suprématie de l’un ou de l’autre. Et cela pose question. Nous avons là sous nos yeux les dernières traces de sociétés matristiques, je dis bien matristique et non matriarcal. Matriarcal ne serait que le pendant de patriarcal, juchant les femmes sur un pouvoir dominateur au détriment des hommes. Rien de cela n’apparait dans la culture celte. Par contre, cette égalité, cette reconnaissance mutuelle s’y trouve foisonnante. Reprenant les termes de Marija Gimbustas j’utilise donc le terme de « matristique », et non matriarcal, parlant des sociétés mésolithique d’avant – 3000 ,  » parce que matriarcal réveille toujours des idées de domination et est comparé au patriarcat. Mais c’était une société équilibrée, les femmes n’étaient pas vraiment si puissantes qu’elles auraient usurpé tout ce qui était masculin. Les hommes étaient à leur position légitime, ils effectuaient leur propre travail, ils avaient leur propre travail. »

caralUne société où le genre ne donne pas prédominance et pouvoir, où les « activités » féminines sont aussi valables que les masculines, se fait jour via la découverte de la « ville mère » (tiens donc, pas ville « père ») de Caral au Pérou[1]. Voilà des êtres humains qui pendant plus de 1000 ans ont vécu d’activités féminines et masculines en toute harmonie, et – sans guerre ! Voilà qui doit nous interpeller, car enfin nous avançons, tous, avec tellement de certitude sur la volonté guerrière inhérente à l’être humain, le légitime instinct de sa violence. Ne devons-nous pas nous demander pourquoi, et comment 1000 ans peuvent se passer sans guerre ? Est-ce à dire que cet instinct naturel ne le serait pas tant ? Est-ce à imaginer qu’il se serait développé avec l’émergence du patriarcat ? Je n’ai pas la réponse, pas encore. Cependant je soutiens que cette question est vitale, dans la mesure où si nous posions un autre regard sur la véritable nature de l’être, sur le rapport féminin/ masculin, nous pourrions peut-être découvrir, en nous même, un autre possible. Cet autre possible ne peut que venir d’un autre axe de rapport entre les humains, d’une autre fierté de notre genre et de nos fonctions respectives.

Des êtres humains ont su pendant plus de 1000 ans vivre en jouant de la flute, cultiver le coton, pécher et échanger la pêche avec des voisins sans passer par les bains de sang et de tueries : comment nous, civilisés ( ?), n’y arrivons nous pas ? Cette énergie de bataille n’est –elle pas une simple croyance, ne peut-elle pas être utilisée d’une autre manière ? Car l’énergie existe, c’est un fait, cette pulsion, cette « chaleur » qui envahit le héros chevalier pour partir à la guerre, n’est-elle pas à l’origine une énergie fabuleuse que d’autres que nous ont su mettre au service de leur société « autrement » ? Un peu d’Eros donnera sans doute la réponse.. A Caral, il semble qu’ils savaient danser …

 

[1] http://www.histoire-pour-tous.fr/civilisations/112-caral-ou-la-civilisation-sans-la-guerre.html

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