A chaque fois que je parlais du voyage au Japon que j’allais faire, tous me demandaient si j’avais lu Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb. Non je ne l’avais pas lu, mais je le mettais dans mon sac à dos, acceptable en cabine, pour le long voyage qui m’attendait. J’y ajoutais Le Sumo qui ne pouvait pas grossir d’Eric Emmanuel Schmitt. Il faut dire que le voyage est long et qu’il fait partie de ses rares moments privilégiés pendant lesquels on peut lire sans soif de lire, tout d’une traite, sans autre souci que de se laisser porter, sans culpabiliser d’avoir peut-être autre chose à faire. Je me jetais dans l’ouvrage et le lu d’une traite : je ne vis pas passer le vol Paris Moscou. Voilà un écrit, rapide, svelte, et tout en malice. On se prend au jeu, on veut savoir ce qu’il en advient de cette pauvre fille chef des toilettes.
Stupeur ! Sur la couverture je lisais que l’ouvrage avait reçu un grand prix du roman de l’Académie française. Quoi, pour moi un prix littéraire devait toucher plus avant mon âme. Il devait au moins me parler sur trois niveaux de lecture, mon intellect, mon esprit si ce n’est pas mon cœur. Quoi enfin, un prix littéraire devait sinon, faire frémir mes sens, me faire goûter, sentir, humer. Est – là la grandeur de l’écriture qui mérite l’estampille ? Non, le moins que je pouvais dire c’est que le délicieux moment passé à lire ne touchait pas les sommets de mes émotions littéraires comme peuvent les faire vibrer quelques Colette, Vincenot et autres Jim Harrison. C’est vrai que j’avais tenté sous les coups médiatiques de lire Une autre idée du bonheur de Marc Levy, qui par le nombre de ses ventes doit tout de même proposer quelque chose hors du commun. Je n’ai pas fini l’histoire, car il s’agit bien d’une histoire, simplement d’une histoire et face à mes attentes de lectrice cela n’a pas d’intérêt, me lasse et si je cherche juste à m’occuper l’esprit en ce sens je préfère regarder la télé. Dans l’écriture il me faut tout simplement la magie du mot et la profondeur de son sens. C’est un goût tout à fait personnel, mais ce goût fit que je restais perplexe devant le prix décerné à cet ouvrage, oui distrayant, dynamique, malicieux, mais juste ça. C’est assez rare la malice dans l’écriture et sans doute Amélie Nothomb détient ce rare privilège de savoir la poser sur le papier comme elle la distille dans sa vie médiatique. C’est juste délicieux oui … Mais …. Et … les tremblements me sont venus tout aussi vrais, car enfin j’allais bientôt rejoindre un fils qui vit depuis trois ans au Japon et travaille dans une firme japonaise. Subit-il ces humiliations, ces cris, est-il chef des chiottes sans me l’avoir dit ? Quel est donc ce pays horrible où les gens sont soit des titans manipulateurs soit des lavettes en péril ? Car enfin il ne donne pas vraiment envie d’aller à la rencontre du Japon ce livre, c’est le moins que l’on puisse dire. Et tout un chacun de me le présenter comme un exposé de la réalité japonaise. Amélie sait-elle ce que l’on fait de son ouvrage, nous les lecteurs toujours prêts à voir des vérités dans les lettres posées ?
Et le Japon est venu à moi, dans toutes ses folies et toutes ses merveilles. Comment vous raconter ma surprise, le jour du mariage de ce fils enjaponné, quand il me présenta son « boss » et que celui-ci fit un discours des plus respectueux envers ce nouvel employé qui se mariait ! Il est de coutume d’avoir à son mariage son boss et ses collègues m’expliquait mon enfant. Nous étions loin d’Amélie Nothomb.
Alors oui les Japonais ont un sens aigu de la hiérarchie et de l’honneur. Oui les Japonais pensent japonais et se rangent comme un seul homme dans les ornières de leur île. Mais les Japonais ont aussi l’esprit aussi sensible que le roseau sous le vent, le cœur aussi chaud que leur soleil d’été et une fraîcheur d’âme qui respire par tous les pores de leurs arts, de leurs politesses, de leur attachante nature.
Oui l’ouvrage d’Amélie Nothomb est un ouvrage à lire pour la malice, avec distance, pour le dynamisme de l’écriture, son humour très particulier, le schéma et la structure parfaire de l’ouvrage, mais rien que pour cela.
En repartant je remplissais de nouveau mon sac à dos, j’y mis Rashômon et autres contes de Ryūnosuke Akutagawa, j’y mis le Kojiki et le retour allait être une toute autre histoire …. Japonaise.