La Grande Déesse

image001Lorsque nous nous penchons avec attention sur les grandes figures qui émanent du divin féminin dans les mythologies de la vieille Europe, et du monde, nous ne pouvons être que subjugués par les correspondances que nous pouvons identifier avec les conclusions de Marija Gimbutas.  Les détracteurs de son œuvre sont assez nombreux et c’est vrai que parfois nous restons un peu perplexes devant ses propositions qui vont à l’encontre de biens d’autres points de vue. Cependant lorsque les mythes corroborent les objets il nous faut repenser les choses. La majorité des grandes figures que Marija Gimbutas identifie sont les mêmes que ceux qui ressortent majoritairement des mythes, à savoir : la déesse oiseau et la déesse serpent, l’onde, les yeux, la protectrice des arts, le bélier, le filet, le deux, le trois, la vulve, l’ours, la terre mère, la colonne de vie, le bateau, le taureau, l’abeille et le papillon, la brosse et le peigne … Sans rentrer dans le détails, l’étude mériterait un ouvrage entier, nous pouvons survoler rapidement ces figures et constater les corrélations.

La déesse oiseau

isis-ailc3a9e

Le lien du Féminin sacré et de l’oiseau est une évidence tout autour de la terre. Isis et le milan, Nekhbet et le vautour, Morrigane et le corbeau ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Les cygnes et les petits oiseaux accompagnent toujours la Femme dans sa course divine. Les canards, les oies, les grues, mais aussi les faucons, les éperviers, sans oublier la chouette qu’est Blodeuwedd la femme « visage de fleurs » dans les Mabinogion de la tradition celtique. Ce lien omniprésent de l’oiseau et de la Déesse signe son appartenance céleste.

La déesse serpent

Tout aussi rependue est la femme serpent. Cela va des statuettes de déesses tenant des serpents dans leurs mains à celles de Marie dont les pieds ont parfois hérité de serpents, en passant par Ouadjet l’égyptienne. Mélusine est une figure familière de nos vieilles campagnes, la Vouivre tout autant. Nous ne pouvons oublier la Morrigane qui sous la forme d’une anguille serpentine se faufile entre les pieds du Héros celte Cuchulain. La déesse accompagnée du serpent c’est aussi Hygie, Cybèle ou encore Isis lorsqu’elle lui fait mordre le talon de . Ce serpent si aisément rattaché à la Grande Dame atteste de sa manifestation terrestre et magique.dc3a9esse-mc3a8re-serpent-de-cnossos

Les yeux

Les yeux sont peut-être moins évidents à identifier dans la mythologie et la statuaire que nous connaissons, cependant nous avons l’exemple du Uræus, ce serpent sacré sur le front des pharaons qui  peut prendre l’apparence d’une femme ou d’une lionne dangereuse et se trouve exactement à la place du « troisième œil ». Tout aussi vrais sont les trois yeux de la prophétesse  dans les textes mythologiques de l’Irlande ou encore les yeux de la chouette irlandaise Blodeuwedd qui brillent dans la nuit de son exil.

La protectrice des arts

Elles sont célèbres ces gardiennes des arts comme Athéna chez les Grecs ou Brigid l’irlandaise. A travers leur patronage des artisans et des artistes elles continuent leurs œuvres pour aboutir à leur manifestation sous forme de Muses inspiratrices des poètes et des créateurs.

Le bélier, l’ours, le taureau

Le bélier est la monture de la déesse indienne Kuvera gardienne du Nord et des trésors. C’est le bélier que nous retrouvons sur de très nombreux chenets gaulois. Nous pouvons trouver étrange de trouver liés à la déesse des animaux comme le bélier, le bouc, l’ours dont la déesse gauloise Arduina est une célèbre représentante et le taureau. Cependant lorsque nous identifions cette Femme comme la Vache Céleste – et elles sont nombreuses, comme Boan « la vache blanche », la femme « Bison blanc » des amérindiens ou encore Ahet la vache égyptienne mère du soleil – alors il devient évident que ce taureau, ce bélier sont leurs fruits les plus éminents.

Le filet

Si le filet apparait dans les matières étudiées par Marija, nous le retrouvons souvent dans les mains des déesses fileuses et tisserandes. La majorité des déesses mythologiques sont patronnes du fil, que ce soit Amaterasu la déesse soleil japonaise qui file les habits des dieux dans sa salle de tissage, ou encore Brigid. Sans compter le célèbre « manteau » des déesses comme en porte Brigid lorsqu’elle crée le monde, celui d’Airmed la celte dans lequel elle range les plantes médicinales, ou encore celui d’Epona dont a hérité Saint Martin et Marie.

Le deux et le trois

Le trois rattaché aux Déesses est une évidence, de par les nombreuses représentations de trois matrones ou les trois muses, ou les triples Brigid, triple Macha, triple Morrigane en Irlande. Le deux semble moins évident, cependant à l’étude des mythes nous nous trouvons souvent devant la double manifestation du Féminin, céleste et terrestre (Aphrodite, Etaine), Mère et fille (Demeter et Koré), sœurs (Isis et Nephtys). Le deux signe aussi la carte La Papesse dans le Tarot divinatoire.

La vulve

Nous voici avec les célèbres Bobau, Uzumé, Isis qui montrent leur pubis, avec les Shella Na Gig de Grande Bretagne. Ce signe est par évidence lié à la Déesse. S’il est souvent le « signe » de sa sexualité et de sa fécondité, il va plus loin et génère le tressaillement archaïque de la Vie.

220px-La_Dame_de_Saint-SerninLa Terre-Mère

Cette facette féminine ne peut pas nous échapper tant il est encore omniprésent dans la psyché collective. Ce sont les Mères premières, Nerthus chez les nordiques,  Aditi en Inde,  Gaïa en Grèce, Dana en pays Celtes …les Déesses noires, de la Black Ana aux Vierges noires. Elles sont les mères de dieux, mais aussi les mères des hommes comme Banba fut le nom de la première femme qui s’empara de l’Irlande.

La colonne de vie

Plus étrange, mais pourtant tout aussi identifiable par quelques signes particuliers, la colonne suit la Dame dans ses pérégrinations. Sorte d’Animus magique il pointe sa réalité à travers la pierre noire archaïque du bétyle de Cybèle, dans les « statuts menhir » des déesses premières, comme dans la présence silencieuse entre les mains d’Athéna sous la forme d’une lance, lance que nous retrouvons sur le dos de Morrigane dans la Razzia des vaches de Cooley.

L’abeille et le papillon

L’abeille se retrouve parfois rattachée à Déméter et dans de nombreuses traditions, le papillon est le symbole de la femme. C’est ainsi que se présente Psyché, avec des ailes de papillon, comme Etaine la déesse irlandaise qui est à un instant de son histoire un papillon. Itzpapalotl chez les Aztèques signifie « Papillon d’obsidienne » ou « Papillon à griffes ». Sous cet angle il est le papillon sorcier tel que le décrit Marija Gimburas quand elle identifie le papillon dans le folklore comme une des nombreuses manifestations sous forme d’insecte de la déesse, et de continuer sur le rôle démoniaque de sorcière qu’il peut représenter.

La brosse et le peigne

Il est aisé d’identifier un peigne, ou une brosse, dans les lignes gravées des plus anciennes poteries et statues, et lorsque nous le retrouvons si souvent dans les contes et les mythes nous ne pouvons plus douter de sa fonction majeure au sein du Féminin sacré. Le peigne est souvent dans les mains des héroïnes, Etaine et plusieurs femmes celtes se peignent près des sources, comme les sirènes peignent leurs longs cheveux assises sur les rochers maritimes. Les déesses japonaises sont parées de peignes magiques qui se transforment suivant leur volonté.

L’onde

Marija Gimbutas identifie l’onde comme signe de la Déesse. Nous connaissons parfaiteceramiquement son lien avec les sources et les fontaines, les rivières et les fleuves. Bien sûr je pense à Boan qui fit naître la rivière Boyne en Irlande, mais nous ne pouvons oublier Sequana aux sources de la Seine, les rites de lustration pratiqués aux célébrations de Brigid au 1er février dans l’Irlande anciennes,  le lien du Nil avec Isis

Le bateau

La déesse gauloise Sequana apparaît sur une barque, et qui ne connait pas Morgane, cet avatar de La Morrigane, guidant la barque et son précieux voyageur, Arthur, vers l’île d’Avalon, l’île des femmes ? Isis se glisse sur le bateau, son manteau devenant même la voile, lorsqu’elle se transpose en Grèce. Le bateau n’est pas

Discovered in 1937, this bronze figure of the goddess Sequana, riding a duck-shaped barge, may have graced a temple built in Roman times at the source of the Seine River, where sick pilgrims journeyed in search of cures. The statue is some eighteen inches high.

l’image la plus évidente, mais il est toujours là et défie le temps …

Le poisson

Le poisson comme le bateau n’est pas la manifestation la plus remarquée dans la mythologie, cependant il n’est pas absent, ne serait-ce qu’à travers les femmes – sirènes et les iconographies de Mélusine qui font souvent de sa queue de serpent une queue de poisson.

Ces nombreuses similitudes ne peuvent être le fruit du hasard. Elles nous amènent à considérer ce Féminin comme une grande manifestation de vie – mort –régénération et renouveau. En quelque sorte, comme je l’analyse dans mon ouvrage La Femme dans la société celte  et dans mon étude sur la Femme Solaire, la fertilité, la sexualité, la maternité ne sont que des fonctions parmi d’autres, des manifestations de son pouvoir de métamorphose et de régénération. La Déesse des origines n’est pas seulement une Grande Mère, mais avant tout une Grande Déesse, qui n’est, comme le dit Marija Gibutas, ni une Vénus de beauté, ni l’épouse des dieux, mais l’incarnation du pouvoir de régénération et de transformation. Cela propose une amplification de ce Féminin sacré que nous cantonnons trop souvent à des forces de fertilité de la terre ou des jeux érotiques. En quelque sorte la Déesse est bien plus que cela, ou plus exactement elle est cela et bien plus encore. A travers ces projections attestées depuis la nuit des temps nous ne pouvons que contacter – en Soi – la gamme bien plus riche et nourricière de cette Déesse qui « s’agit » en chacun de nous.

Edith Hamilton, La Mythologie, Poche Marabout, 1997

Ella Young, Récits de la mythologie celtique, Triades, 1996

Esther Harding, Les mystères de la femme, Payot, 2001

J. Guyonvarc’h, Textes mythologiques irlandais, Ogam Celticum, 1980

Florence Quentin, Isis l’Eternelle, Albin Michel, 2012

Jean Markale, Mélusine, Albin Michel, 1993

Jean Paul Roux, La Femme dans l’histoire et les mythes, Fayard, 2004

Marija Gimbutas, Le langage de la Déesse, Des femmes, 2005

Pierre Yves Lambert, Les Quatre branches du Mabinogi, Gallimard, 1993

Sylvie Verchère Merle, La Femme dans la société celte, Le Cygne, 2014

Véronique Guibert de la Vaissière, Les Quatre fêtes d’ouverture de saison de l’Irlande ancienne, Armeline, 2003
© Sylvie Verchère Merle 2015

2 réflexions sur “La Grande Déesse

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s