Il est des Histoires qui narrent la création de l’homme et de la femme d’une façon bien différente de celle que nous connaissons et qui tracent pour nous des situations que nous croyons indélébiles. Mais « dieu » n’a pas forcément créé l’homme avant la femme et les Peuples Premiers sont là pour nous le rappeler. Voici un conte Lakota qui nous propose une toute autre version, le conte du fils caillot de sang :
Au début la femme était seule sur cette terre qui venait d’être créée. Elle était d’une grande beauté et aucun homme ne l’avait encore touchée. Elle reçut la visite d’un esprit puissant originaire de la lune et qui portait en lui les ferments des générations. Il eut une telle influence sur elle, que, pour la première fois, elle commença à saigner comme une femme. Elle étancha le sang qui coulait entre ses cuisses à l’aide de mousse retenue par une peau de lapin. Sitôt que l’esprit quitta son corps et que le cycle naturel de la femme commença en elle, elle s’endormit. Le lendemain au réveil, elle ressentit une envie pressante d’uriner, retira sa couche de fortune et s’accroupit ; alors une goutte de sang tomba sur la terre. Mushtinchala, le lapin, qui passait par là, commence à jouer avec ce minuscule caillot, lui donnant la vie par ces coups de patte. A force d’être bringbalé de – ci de – là, la petite boule de sang prit forme et se transforma peu à peu ; apparurent d’abord de minuscules membres, une tête, suivis bientôt d’une paire d’yeux et d’un cœur. Alors le caillot commença à se mouvoir de façon autonome et à grandir jusqu’à devenir We Ota Wishasha, le Premier Homme.
Nonobstant le fait qu’il est clairement signifié que l’homme fut créé après la femme, qu’elle n’est pas faite de la côte d’Adam, mais que c’est Lui qui est fait du sang de la Dame, ce conte dévoile une autre lecture proche de celles qui peuvent être faites des déesses solaires et des dieux lunaires.
Comme dans de très nombreux mythes archaïques la femme est là dès le début et comme toutes les déesses premières elle est « seule », perdue en quelque sorte dans ses rêves et ses attentes. Il est nécessaire que quelque chose se passe pour que la vie jaillisse. Ce quelque chose est, encore une fois, une énergie masculine et cette énergie masculine se trouve signifié par la lune, blessant (fécondant) la femme, comme dans de très nombreuses mythologies animistes. C’est cette blessure, cette fracture, cette coupure engendrée par « le » lune sur le féminin qui provoque la mise en marche du temps, de la vie, des cycles et … des menstrues. « La lecture des mythes abordant cette blessure génitale nous permet de comprendre la réalité de cet événement et de lui redonner le sens ׅ“sacré” de son essence. Si nous le lisons sous l’angle du féminin solaire, cela paraît encore plus évident. Il nous suffit pour cela de lire la lune comme masculin, celui qui met les cycles en marche. C’est lui qui naît, qui mature, et qui meurt. C’est bien ainsi qu’apparaissent de très nombreux héros mythiques. […] En conséquence, nous pouvons rattacher le cycle menstruel de la femme à l’effet que la lune a sur lui, et non pas l’identifier à la lune 1 » …
Quant à ce lapin, (qui souvent est un lièvre), lié à la divinité Terre – Mère, « au symbolisme des eaux fécondantes et régénératrices de la végétation, du renouveau perpétuel de la vie sous toutes ses formes » 2, il est tellement célèbre auprès des divines que nous le rencontrons jusque sous les jupes de la déesse celte Bouddica. Il est dit lunaire, parce qu’il dort le jour et gambade la nuit …. Mais peut-être danse-t-il car il sait ce que va engendrer Le Lune …. Peut -être ne danse-t-il pas vraiment, mais joue avec les caillots de sang de la déesse rependus sur les champs endormis ?
1) Le Féminin Solaire dans la mythologie
2) Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, 1982, p.571