Les prêtresses d’Okinawa

Le Japon est réputé pour ses déesses, mais aussi pour le statut de la femme qui n’est pas à l’image de la dévotion qui leur est accordé. Cependant en y regardant de plus prêt nous pouvons observer des traces d’un « vécu » féminin, sans doute héritier d’un très lointain lignage, voire, témoigner d’un ancien système matristique qui d’après les dernières études va de pair avec les spiritualités à teneur d’un Féminin Sacré.

1618495800_9653fe12df_oOn attribue à Okinawa, d’être le lieu où l’on trouve la forme la plus archaïque et la plus pure de la religion Shintô japonaise. On y trouve sa pratique au travers d’un chamanisme local, pratiqué par des femmes prêtresses, encore aujourd’hui très respectées par la population locale, appelées noros  ou  tsukasas  1. Ces particularités ont aussi été observées par un de nos plus célèbres voyageurs, habitué à identifier les particularités marquantes des sociétés : Claude Lévi-Strauss lui- même. En effet lorsque celui – ci visita le Japon entre les années 1977 et 1988, il fit plusieurs découvertes qu’il prit le temps d’exposer à travers différentes conférences.

1977 et 1988 ce n’est somme toute pas si loin dans le temps, ce qui veut dire que ni l’ouverture du pays, ni les ravages de la guerre n’ont totalement bouleversé ce modèle, démontrant par là sa forte imprégnation dans les communautés.

Claude Lévi-Strauss remarque dans l’île d’Okynawa, le statut particulier des femmes et plus exactement des prêtresses. Il remarque que toute la vie religieuse des Ryûkyû est entre les mains des femmes. Lorsqu’il visite le village de Kudaka-Jima il découvre que sur un total de 300 habitants, il s’y trouve 56 prêtresses et que ce système fonctionnait sur les interrelations frères – sœurs :  il assure l’autorité séculière, elle assure la relation spirituelle. Ce fait n’est pas sans évoquer toutes les sociétés marquées par l’antériorité matristiques qui font au frère une place particulière, l’oncle maternel, que l’on retrouve très présent tant chez les Celtes de l’antique Europe que chez certains Amérindiens par exemple.

Ces prêtresses avaient hérité de leur fonction tantôt de leur mère, tantôt de leur belle-mère, c’est-à-di7124_01re que le privilège des rapports avec le surnaturel appartient au sexe féminin en tant que tel et non pas à une femme désignée par la place qui lui revient dans une lignée déterminée. Lévi-Strauss note aussi que l’exercice du culte est « humble et rustique ». La prêtresse communiquait avec les dieux en pénétrant, seule, dans le ashage, petite hutte carrée ou rectangulaire. Mis à part ces petites cabanes, il n’existait pas de temples ou de sanctuaires, les lieux sacrés, appelés utakis, étaient totalement immergeant de la nature. On les trouve principalement sous forme de caverne, dont l’archipel regorge, mais ils peuvent prendre des formes très diverses comme un tas de pierre, une source, une paroi rocheuse, un espace délimité par une murette de pierres sèches, identifiables aux offrandes qui y sont déposées : baguettes d’encens, coraux …

spec_rel01Vieilles pour la plupart, les prêtresses « imposent une distinction naturelle, une dignité, une autorité exempte de toute arrogance.2 » Pour elles la connivence avec les forces surnaturelles est une chose toute simple. Ce constat de l’âge des prêtresses corrobore aussi les préceptes de nombreuses peuplades primitives dont les femmes n’accédaient à la prêtrise (dans le sens large du terme) qu’à l’âge de la ménopause lorsque le « pouvoir » du sang peut alors être totalement dédié au spirituel, n’étant plus réservé à l’enfantement …

Les mères, sœurs, filles et épouses célébraient chaque mois (sauf en octobre) des rites pour assurer la santé et la prospérité, la protection, dans des lieux écartés. Les hommes ne participaient pas à ces rites. Cependant certains d’entre –  eux accédaient à la prêtrise, par exemple quand le munchu, ou le frère devenait l’adjoint de sa sœur, ou bien s’il était préposé dans sa jeunesse à la chasse aux serpents. Mais même dans ce cas ils ne pouvaient pas pénétrer dans les bois sacrés où se déroulaient les rites d’initiations des femmes.

 

 

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