La maison de Colette

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Il en est des écrits de Colette comme des bons fromages, on leur laisse une petite place. Comme des mets que l’on préfère, on en garde un peu pour la fin. Je veux dire que, volontairement, je n’ai pas lu, tout, Colette : j’en garde un peu et me délecte d’avance à savoir qu’ils me restent à lire …

Après avoir ingurgité ce que l’on « doit » avoir ingurgité, dans notre monde, pour sembler un minium instruit –difficile de ne pas avoir lu Hugo, Proust ou Molière, ils sont imposés à l’école – Colette, c’est pour le plaisir de la lecture, des mots, de la tournure et la jouissance de l’âme. Je ne dis pas que j’aime tout ce que Colette a écrit. Non, les Claudine me barbent, les romans me séduisent, mais, La maison de Claudine, Sido, la Naissance du jour, voilà qui se pose, tel un diapason sur les cordes de mon esprit. Dans le contexte de IMGP5348son temps ses écrits sont résolument modernes et provocants. Son texte est parfait, riche, érudit. Mais je crois que ce qui séduit encore et toujours chez Colette c’est qu’elle revivifie le lien que nous avons tous, quelque part, au plus profond de notre cerveau reptilien, avec la beauté et la magie de la nature. Ce qui plait, ce qui me plait,  dans les textes de Colette, c’est cette communion silencieuse qu’elle est capable de raviver avec la fleur qui s’ouvre, le chat qui dort, l’araignée qui descend du plafond, l’aube et les odeurs, les couleurs. Il y a à cet instant précis un goût d’éternité qui nous assaille. Ce n’est pas de la littérature, c’est de l’expérience. Alors vous pouvez imaginer ce que c’est de marcher sur les pas de Colette – et de Sido – dans cette maison de Saint Sauveur. Et ils ont bien œuvré, ceux qui ont rendu ce possible, il n’est pas ici besoin d’un musée (le Château voisin fait très bien l’affaire) mais de sentir et de humer l’esprit. Tout est là, ou presque, les papiers peints, la glycine si vieille, les jardins d’en haut, d’en bas, d’en face et l’on peut un instant renouer avec l’espace-temps de Colette tout en tissant nos propres fils à la souche du monde.IMGP5355

Dans la bâtisse, encore en travaux, on peut encore entendre le silence des enfants, voir un livre posé, resté ouvert sur une page, sentir l’odeur d’un repas, et recueillir le cri de la voisine «  Madame Côlèèèttteee ! ». On peut alors expérimenter tout en conscience ce que c’est de se pencher sur une corolle éclose, sous l’odeur d’un Lila. Ce n’est pas Colette l’héroïne, le modèle de femme. Colette peut-elle être un modèle quand on lit ses biographes ? Soit, elle fut une femme presque libre et indépendante, jouant de la morale comme on joue à la marelle. Soit, elle fut femme qui ose. Mais elle fut aussi celle qui répond aux dictas de son époque, épouse soumise et IMGP5351contrainte, éblouie par des fastes artificiels que ses parents ne lui avaient pas imposés. Mettant son enfant en pension au détriment de sa joie, comme « cela se faisait à l’époque »* … je n’aime pas la Colette conventionnelle, je l’aime rebelle, je lui préfère Sido, qui sans les écrits de sa fille serait restée une petite bonne femme, qui pourtant avançait libre et généreuse de ses choix. Mais je reviens toujours à Colette, car, avant tout, elle m’ouvre les portes vers ce lieu sauvage et posé qui glisse de ses mots à  mon âme. Je ne me cache pas lorsque je reste silencieuse et émerveillée sous le soleil couchant, devant les tâches de la mûre … Je sais qu’elle sait , elle l’a écrit, et je me sens moins seule ….

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La maison de Colette, rue Colette, Saint Sauveur

  • Colette, Herbet Lottman, Fayard

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