Marie – Laure Colonna, Les facettes de l’âme ou la fusion entre l’esprit et la matière, Dauphin, 2014.
Souvent, quand il m’est demandé « quel est le meilleur livre pour commencer à lire Jung ? » je reste balbutiante, je ne sais pas quoi dire. Je cherche dans ma mémoire ce qui permettrait d’entrer dans le domaine d’une façon claire et vulgarisée, dans le sens noble du terme. Les ouvrages de Jung lui –même, sauf si l’on « tombe « dessus parce qu’il est l’heure, sont assez ardus à suivre. Il existe d’autres travaux qui permettent de synthétiser, approcher, voir apprendre les termes « concepts » par cœur sous la forme d’un dictionnaire, animus = masculin de la femme, anima = féminin de l’homme etc., mais même sous cette forme, si l’on n’a pas la sensibilité déjà un peu orientée, le discours reste difficile. Ils sont nombreux, à essayer de comprendre, tenter puis laisser tomber … « On » me ramène le livre prêté et « on » me dit « je n’y arrive pas ! ».
Mais il existe un livre qui me semble pouvoir répondre à ce besoin de première lecture, c’est l’ouvrage de Marie – Laure Colonna, les Facettes de l’âme et pour deux raisons majeures.
La première est que le fond couvre d’une manière originale le plus important de l’approche jungienne et la deuxième c’est la forme de l’écriture.
Si l’ouvrage nous permet de faire un tour, non exhaustif, mais suffisamment vaste, pour se faire une idée du « monde » selon Jung, il nous propose de le faire d’une manière fort divertissante et riche. Je veux dire que l’on y trouve des pensées copiées/collées, de manière à rester fidèle à l’original, mais en même temps foisonnent des exemples clairs, touchants, émouvants. Nous pouvons naviguer entre la théorie et le vécu personnel, cela est particulièrement rare pour sortir l’ouvrage du lot. Il nous est possible de faire un lien entre la théorie, la pratique et – la vie – on voit ce qu’il advient des gens ! Souvent nous pouvons lire de merveilleuses choses, expliquant, associant, analysant, explorant, mais rarement en rapprochement avec la vie. Pour le lecteur extérieur, cela implique qu’il doit savoir lui-même faire le lien et par évidence être en plein travail intérieur tout en ayant des bases solides de la pratique, ou bien tout cela dégage une aura mystérieuse inaccessible. Nous nous mettons à parler des archétypes et de l’inconscient collectif comme appartenant à une non réalité. C’est particulièrement vrai avec les archétypes. Comment peut-on parler d’archétypes comme nous énumérons une liste de courses ? Parce que nous les lisons dans les livres comme une liste de courses ! Il faut avoir la culture et l’expérience pour en saisir la quintessence. Mais si l’on veut « découvrir » cela est d’une approche difficile, hermétique. Pour transmettre l’histoire de Ces choses il est nécessaire de les relier à du concret, à quelque chose qui a du sens, en quelque sorte faire preuve de pédagogie et Marie – Laure Colonna s’en sort parfaitement bien. À lire son ouvrage, par exemple, nous commençons à entrevoir que l’archétype en action, le dieu agissant, n’est pas qu’une Image mais se trouve là dans nos quotidiens, dans nos affres et nos joies parce qu’elle trace parfaitement le lien entre le Nom archétypique et le vécu d’un être humain dans lequel chacun, ou presque, peut se reconnaître. Oui cela s’appelle la pédagogie. Elle prend le temps, minutieusement, de couvrir au maximum l’ensemble jungien, de la petite vie quotidienne aux grandes idées se société, sans oublier le questionnement religieux. Sous cet angle d’approche, ce livre est une réussite.
Mais il en est un autre. La forme en est particulière, Marie – Laure Colonna tout en livrant des « thèses » et des synthèses, hautement intellectualisées, le fait d’une manière très sensitive, très inspirée, à la manière d’une femme ! Cette manière d’écrire n’est certainement pas celle d’un animus trépignant mais celle d’une femme dont l’animus complice accompagne chemin faisant. Le sérieux est tout en douceur et tout en délicatesse, c’est une âme qui parle, encouragée par l’esprit. Et comme c’est une âme qui parle, bien sûr, ça parle à l’âme aussi. Ce livre me fait un peu l’effet de La Beauté de Psyché de James Hillman dont l’anima glisse ses doigts de fées entre les lignes. Quelque part ça nous touche, non pas avec les mots mais avec les images et ça, que nous soyons « initiés » à Jung ou pas, fait que cet ouvrage s’adresse à toute âme désireuse d’écouter.