
En Grèce une déesse a développé une adaptation particulière au monde patriarcal qui la soutenait. Artémis, Ἄρτεμις / Ártemis, est la fille de Zeus et de Léto et la sœur jumelle d’Apollon. Pour Platon elle est ρτεμές / artémès, « intègre, sain et sauf ». Il est un fait qu’Artémis peut naître malgré la malédiction d’Héra, malgré le sort elle sera « saine et sauve ». Première à naître elle aidera sa mère à accoucher de son frère Apollon. En ce sens Artémis accompagne la naissance du masculin, d’un Animus qui est de même nature qu’elle-même, un frère jumeau.
D’autres ont rapproché son nom avec ἄρταμος / artamos, « boucher », Artémis est donc aussi « celle qui tue ou qui massacre ». La dichotomie de son nom parle du double profil : celle qui accompagne la vie et celle qui la prend. Voilà une des caractéristiques qui nous rapproche de la Grande Déesse des origines, comme l’écrit Marija Gimbutas « Celle qui donne la vie et celle qui donne la mort sont une même déité[1] » et nous allons voir comme la déesse donne la mort, non pas n’importe comment, ni à n’importe qui, mais dans une dynamique toute particulière, avec une grande force, dans une justice établie et divine, l’Ombre ancestrale de son aïeule.
Certaines versions disent que Zeus se désintéressa de Léto dès qu’il prit connaissance de sa grossesse et qu’elle se retrouva, en quelque sorte, bannie. Il est arrivé la même chose à Nout en Egypte. Ayant eu connaissance de la liaison qu’elle eut avec Geb le dieu de la terre, « Ré entra dans une grande colère et, lorsqu’il apprit qu’elle était enceinte, il lança contre elle une imprécation : il ne tolérerait pas qu’elle accouchât, ni dans les jours ni dans l’année qui suivraient. Or les jours passaient, le terme approchait, l’angoisse de Nout augmentait. Elle chercha où se cacher, mais ne trouva nul endroit où elle eût pu se réfugier et se soustraire, ainsi que sa progéniture attendue, à la vigilance implacable de Rê dont l’œil ne la quittait pas, relayé la nuit par celui tout aussi vigilant de la lune. C’est alors que Thot vint à son secours[2]. »

En Grèce, la version la plus courante est celle d’Héra en colère, « méchante », car jalouse et délaissée par son mari, qui va lancer la malédiction. Elle interdit à Léto d’accoucher sur terre ou sur mer ou encore elle demande à tous les dieux de ne pas l’accueillir. « Désespérée, elle erra, cherchant partout un refuge. Elle vit enfin une parcelle de terre qui flottait sur la mer ; ce fragment n’avait pas de fondation et dérivait de-ci de-là, au gré des vagues. C’était Délios, de toutes les îles la plus exposée au danger et, en outre, rocheuse et stérile. Mais lorsque Léto y mit le pied et demanda asile, l’îlot l’accueillit avec joie et, dans le même instant, quatre solides piliers surgirent du fond de la mer et la maintinrent à jamais fermement ancrée[3]. » Il est intéressant de voir que l’île n’est pas ancrée et stérile tant qu’aucune présence divine ne se pose sur son sol. De voir aussi comme elle est exposée au danger, tant que la Vie ne se propose pas, elle est comme un possible, un rêve, une promesse mais pourrait à chaque instant disparaître ou se dissoudre. Par contre, il suffit d’une

déesse prête à enfanter pour que non seulement elle fasse son ancrage et que « quatre piliers la maintiennent. » Comme dans les rêves, chaque détail compte et l’ancrage se matérialise par un symbole de projet d’incarnation car enfin, c’est dans l’inconscient que se prépare la conscience. Il est même rajouté parfois que Poséidon pose une voûte liquide afin de soustraire la mère et ses enfants du regard des dieux et en particulier d’Héra. Une île au milieu de l’océan protégée par le dieu de la mer est sans conteste possible assimilable au symbole du Soi dans l’inconscient. L’image est très forte et suggère que, quoiqu’il arrive, le Soi peut toujours, dans le secret de l’inconscient, générer une nouvelle essence de l’être, un nouveau possible, y compris du féminin. Cela nous ramène à Thot qui vint au secours de Nout, Thot étant le Dieu-Lune, le maître de la nuit, de l’inconscient.
Léta eut deux enfants, une fille et un garçon. Artémis, tout comme Isis avec son frère Osiris, est porté dans le sein de sa mère. Pour Isis, son frère est aussi son amant, son amour, pour Artémis son frère est son ami le plus sûr et le plus complice.
Sur le plan symbolique l’inceste divin exprime une union sacrée entre deux entités de même nature-sacrée, issus de la même source divine, le ventre de la Déesse. Apollon est le fils solaire des pères dominateurs. Lorsque le fils lunaire, tel Osiris ou Tristan, fait place au fils solaire, il perd ses prérogatives d’amant, mais reste un frère qui peut nous aimer, nous verrons qu’Artémis intègre l’Animus différemment des déesses et de leur fils/frère-amant. Artémis protège le féminin et toute son essence de ce monde hostile. Et son frère ne sera pas en reste pour l’accompagner dans ce périple. Nous ne devons pas oublier qu’Apollon est le dieu de la Vérité, de la conscience pure qui fait face et éclaire l’ombre. Nous oublions trop souvent qu’Apollon n’est pas le soleil, « précisons que le Dieu-soleil était Hélios[4] ». Cette vérité, cette lumière est « frère » de la déesse qui aida à sa naissance et qu’il protégera, aidera dans son combat pour la survie et la maintenance de son règne. De leurs combats et de leurs tueries nous retiendrons qu’ils protègent « la » mère et ce féminin archaïque, fécond, indépendant d’où le terme « virgo » affublé à Artémis sur lequel nous reviendrons.
Il est dit qu’à peine nés ils tuèrent un dragon venu les attaquer tous trois, ce dragon des fonds de l’inconscient collectif, cherchant à engloutir la conscience à peine éclose. Ce dragon, Mère Archaïque, omniprésent dans de si nombreux mythes menace le royaume conscient. C’est le premier monstre que combat Tristan sur la terre d’Iseult. Cette libido énergie archaïque ayant le pouvoir d’un seul de ses appétits de dévorer ses enfants. Lorsqu’un possible sursaut de la conscience, qu’elle soit collective ou personnelle, émerge, elle est menacée par les vagues surgies des profondeurs. L’élan de vie s’effondre, se dissout, est englouti. Pourquoi la Mère première ne dévore pas ses enfants, mais les couvent, alors que la Mère ultérieure devient ce dragon malfaisant ? La réponse est induite dans le personnage même d’Artémis, le féminin, comme le serpent bienfaisant, peut devenir destructeur lorsqu’un danger se présente, la justice, la sagesse du féminin originel qui est capable de tuer d’un coup de dents, d’une morsure venimeuse, le germe d’un processus qui pourrait être mortifère. Dans ce cas l’attaque n’est pas « méchante » par nature, mais « juste ». Lorsque les chevaliers des contes mènent un combat contre le dragon primordial, ils gagnent toujours s’ils ont le cœur pur…
C’est frère et sœur, qu’Artémis et Apollon tuent les enfants de Niobé qui « ordonna aux Thébains de lui rendre un culte au détriment de celui de Léto : « Vous brûlerez de l’encens à Léto » leur dit-elle « qu’est-elle auprès de moi ? Elle n’a que deux enfants, Apollon et Artémis. J’en ai sept fois autant. Je suis Reine. Elle n’était qu’une errante sans foyer jusqu’à ce que la petite Délos, seule de toutes les cités de la terre à consentir à la recevoir. Je suis une muse puissante et grande-trop grande pour que quiconque, hommes ou dieu, puisse me faire du mal. Offrez-moi des sacrifices dans le temple de Léto, qui sera désormais le mien et non plus le sien. » Les mots insolents proférés par l’arrogante conscience du pouvoir étaient toujours entendus dans le ciel et toujours punis. Apollon et Artémis, l’archer divin et la divine chasseresse, glissèrent rapidement de l’Olympe jusqu’à Thèbes, et décochèrent leurs flèches avec un art mortel, ils tuèrent tous les fils et toutes les filles de Niobé[5]. » Niobé veut prendre la place de Léto par fierté, par jalousie, les enfants divins ne peuvent l’accepter. Chaque fois que le féminin est en danger, menacé de blessure, de viol et de désacralisation, un tabou est transgressé. Chaque fois l’agression est commandée par une méchante sorcière ou un Senex, un dieu pour qui l’amour a fait place au pouvoir.

Il n’y a pas pour Artémis d’époux possible, dans son monde le masculin est unilatéral, patriarcal. Lorsque la conscience du temps présent n’offre pas au féminin un possible Animus fidèle à sa nature, il peut faire appel à ses ressources intérieures et archétypales, s’armer d’un Animus de la vérité, frère jumeau de sa naissance ou qui se manifeste dans son intériorité même : un arc et des flèches. Lorsqu’elle est cachée, reléguée dans l’ombre, elle peut encore briller de tous ses feux par son Esprit éclairé. C’est le feu antique, le soleil antique de sa manifestation qui glisse et œuvre à travers son essence. Artémis garde les traces du feu flamboyant de son origine et les feux gardés dans ses temples en étaient la preuve irréfutable.
C’est pourtant à son père Zeus, l’Animus hérité, qu’elle ira demander les armes qui seront siennes. À l’âge de trois ans, assise sur ses genoux, elle lui demande : de rester toujours vierge, et de porter assez de noms divers pour qu’Apollon ne puisse le lui disputer. Elle veut, comme son frère un arc et des flèches, tout en précisant que ce n’est pas à son père de lui donner, mais aux Cyclopes. Ce n’est donc pas de la conscience ambiante qu’elle aura ses armes défensives et guerrières, mais des strates les plus anciennes, plus archaïques, des strates prenant racine dans la psyché collective où la Grande Déesse règne en maîtresse. De son père elle obtiendra de pouvoir porter des flambeaux et de revêtir une tunique à franges qui ne lui descende que jusqu’aux genoux, pour ne point, l’embarrasser. Forte des puissances naturelles d’une Grande Déesse antique elle se pare d’attributs lui permettant d’être libre et mouvante, ayant la capacité de se défendre, de ne pas tomber dans la dépendance d’un patriarcat dominant. Pour renforcer son lien à l’origine première, elle s’assure d’être accompagnée de soixante filles de l’Océan, qui soient toutes à l’âge où l’on ne porte point encore de ceinture. Il n’y a pas, pour Artémis, de compagne entachée de suggestion, de malédiction, de « culture patriarcale », seulement des filles encore « sauvages » rodant dans l’inconscient.
Elle demande les montagnes sur lesquelles courent les forêts et les animaux sauvages. « Que toutes les montagnes soient les miennes », déclare-t-elle dans l’hymne de Callimaque de Cyrène. Elle s’y cache et s’y renforce, c’est Son Royaume, le royaume d’origine de la Grande Déesse des premiers millénaires. Elle erre aussi dans les agros, les terres en friches, incultes et peu fréquentées. Si elle ne demande qu’une ville, son père lui en offre trente, mais elle ne s’approchera qu’aux moments où les femmes, travaillées des douleurs aiguës de l’enfantement, l’appelleront à leur aide.
Pan lui donne les chiens de sa cour et elle capture quatre biches aux cornes d’or. En quelque sorte elle s’approprie ce qui lui revient, aidée du dieu le plus ancien, le plus obscur, le plus « naturel » qui soit, Pan, l’allié de toujours dont nous avons déjà parlé. Ici le féminin se relie à ses forces primitives, qui sont son essence, sa nature, la force instinctuelle et la con-naissance naturelle du monde. Elle nous guide sur le chemin qui est celui de notre nature, constamment entourée d’une troupe d’animaux sauvages, d’où son nom Ἡγημόνη / Hêgêmónê, « la Conductrice ». Pour ce faire nous voyons déjà avec Artémis que nous avons besoin de l’assistance d’un Animus sauvage mais généreux, confiant et sûr, qui lui donne accès à ce qu’Elle est, la maîtresse de la nature sauvage et des animaux, c’est-à-dire l’instinct. L’instinct n’est pas à prendre dans le seul sens moderne que nous lui donnons, ce n’est pas juste l’instinct animal, mais aussi l’intuition qui est un instinct psychique particulier. Ce n’est pas un hasard si le porte-parole « inspiré » d’Apollon était une femme, la Pythie de Delphes. C’est cette intuition, cet instinct naturel et sûr qui fait que Zeus ne peut pas lui refuser ce qui lui revient de droit, le monde sauvage et la protection des chemins et des ports, « Elle a sa place en bordure de mer, dans les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises. » Artémis porte aussi le nom de Trivia, « celle qui éclaire la route aux carrefours de la vie », lumière de la conscience à l’heure des choix dont l’intuition et l’instinct ne sont pas les moindres conseillers !
Déesse des carrefours et des frontières, elle est par analogie déesse à la frontière entre le monde sauvage et le monde civilisé où la culture prévaut, elle est la déesse du « passage », de l’initiation. κουροτρόφος/kourotróphos[6] qui préside à l’initiation des petits d’hommes et d’animaux et les accompagne jusqu’au seuil de la vie adulte. Cette capacité de ressource aux mondes sauvages, d’intuition, d’instinct et de vie, corrobore la fonction de porteuse de vie associée à Artémis. Si elle aide à la naissance, relie à la source vitale et naturelle, Artémis est aussi guérisseuse. C’est elle qui guérit Enée, fils d’Aphrodite, blessé à la guerre de Troyes.
Ces qualités, ces capacités du féminin, Artémis en est la dépositaire, et elle va les défendre corps et âme. C’est pour cette intégrité, cette entière réalité sauvegardée qu’Artémis est dite « vierge ». Il ne s’agit pas de vierge dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui et qui est entaché d’une vision patriarcale d’appropriation du féminin par le masculin, d’une vision qui fait de la sexualité féminine une pulsion démonique, une propriété du mâle. Nous devons pour comprendre le sens premier du terme faire l’effort de sortir de nos paradigmes et prendre le temps de percevoir le monde sous un autre angle. Le féminin est vierge lorsqu’il ne porte pas d’enfant, que son ventre est en attente d’accueil (consentant). Mais plus encore ce féminin Vierge est l’héritage direct de la Grande Déesse qui est capable de se suffire à Elle-même ; qui, s’il peut, veut et aime, va à la rencontre du masculin, ne s’assujettit pas à lui mais lui propose un face à face. D’ailleurs si Artémis n’est pas épouse, elle a cependant des amours et des amants, et des enfants. Endymion, champion de la course à pied est un de ses amants. Ils eurent cinquante filles, les Amazones voilà qui, pour une vierge, fait beaucoup d’enfants. Orion, lui, devenu aveugle suite à quelques confrontations avec Oenopion qui demanda à Dionysos de le punir, s’enfuit en Crète où il devint « le chasseur » d’Artémis.

Et nous avons vu comment cet homme sauvage, cet « Homme-Vert » est par nature et essence le compagnon originel de la Grande Déesse. Entre ces deux-là, il s’agit vraiment d’une histoire d’amour. Mais lorsqu’il délaisse sa bien-aimée pour une autre, et c’est Aurore qui sème le trouble entre Orion et Artémis, la Déesse n’hésite pas, elle décoche une flèche et tue. Il est dit d’autres fois qu’il aurait entraîné sa colère en la défiant à l’épreuve du disque où il aurait tenté de la violer, elle ou l’une de ses nymphes, Opis. Artémis ne prend pas de risque avec un Masculin qui peut à chaque instant se retourner contre elle. Et chaque fois que se présente un masculin renégat à sa cause, chaque fois que sa nature intrinsèque est malmenée, en danger, que la Nature est en danger, que les humains tuent « une de ses chères créatures sauvages[7] » elle n’hésite pas, elle donne la mort, comme le dragon des origines.
Au moindre irrespect, au moindre risque, elle frappe. Observée nue en train de se baigner dans un torrent par Actéon, elle le métamorphosa en cerf. Les chiens d’Actéon, ne le reconnaissant pas, se jetèrent sur lui, le déchirèrent, et le dévorèrent vivant sous le regard d’Artémis. Réponse brutale mais juste à la transgression du tabou, « laisser le féminin tranquille lorsqu’il se régénère et prend des forces », « ne violente pas ». Elle s’en prit à Héraclès qui captura une de ses biches aux cornes d’or pour la ramener à son cousin Eurysthée. Agamemnon aussi, orgueilleux après la chasse d’un cerf tint ces mots : « Artémis, elle-même n’aurait pu le tuer de la sorte! ». Pour se venger de cet affront, elle immobilisa sa flotte qui se dirigeait alors à la guerre de Troie, et exigea le sacrifice de sa fille Iphigénie. Sur le bûcher, elle l’échangea au dernier moment par une biche, et en fit une prêtresse dédiée à son culte dans un sanctuaire en Crimée. Elle ne passe rien, le moindre oubli engendre son courroux. À Calydon, le roi Oenée oublia Artémis et son sacrifice lors d’un culte. Pour se venger, elle envoya un énorme sanglier dans le pays qui ravagea les terres et tua le bétail. Otos et Éphialtès, les Aloades tentent de l’enlever et de la violer, elle leur donne la mort. Même ses nymphes ne sont pas épargnées, lorsque l’une d’elles est « souillée » ou risque de l’être, elle la chasse si elle a été séduite, comme lorsque l’une d’elles, séduite par Zeus, telle Callisto qui se retrouve enceinte, elle la chasse de sa suite ou comme Aréthuse qui, poursuivie par le dieu du fleuve Alphée, est transformée en nuage puis en fontaine. On ne rigole pas avec Artémis, on ne joue pas avec le Féminin et l’intégrité de sa personne. Elle intervient toujours lorsque le Féminin est « sali », forcé, désacralisé.

à la moindre velléité de porter préjudice au Féminin « l’archère » iokhéairê, la déesse « à l’arc d’or », khrysêlakatos, tire et tue. Son arc agit tel un Animus épée de lumière, portant la vérité Cette vérité est déjà ce que représente Apollon, frère jumeau, Animus inconscient dans une psyché féminine en cours de régénération. Au départ, l’Animus est ce père qui renie la fonction créative du féminin. Puis, dans une psyché en cours de métamorphose, il devient le frère aimé Apollon. Comme le dit Jung, « dans un clair-obscur[8] », un complexe autonome personnifié (Apollon !) pour finir par devenir une fonction psychologique avec laquelle nous agissons de concert : « une manière de passerelle qui mène vers l’inconscient[9]. » Cette fonction sûre lui permet de détruire tout ce qui pourrait porter atteinte à son essence divine. Avec Artémis, le ver n’entrera pas dans le fruit. Chez Homère, l’arc se dit βιός/biós, qui se rapproche de βίος/bíos, « la vie ». Artémis est celle qui protège la Vie dans son cycle et pour ce faire n’hésite pas à donner la mort, à tout ce qui représente un danger de distorsion, de perversion, de destruction. Ce n’est pas un hasard non plus si Écho, une de ses suivantes, babillante et volubile tombe dans les filets destructeurs d’Héra dans le mythe de Narcisse, le grand modèle de la perversion « narcissique ». L’essence d’Artémis, représentée par Echo, est ciblée par le féminin mortifère, car Artémis apporte la justice de la vérité, la vérité sur le féminin sacré. Elle porte la lumière, elle guide et son nom est parfois « la radiante », le feu divin, elle possède le qualificatif de phōsphóros « qui apporte la lumière ». Cette lumière est un trait de l’esprit, un Animus, une conscience éclairée capable d’irradier. Florence Quentin le note à propos de l’Egypte « On pourrait d’ailleurs s’interroger sur le fait que, dans la symbolique égyptienne, c’est le féminin qui transmet, bien plus que son pénis manquant, son phallus (symbolique) au masculin, tout autant qu’elle lui transfuse l’esprit[10]. » D’ailleurs en Egypte aussi se trouve une déesse qui tue les démons de ses flèches, Neith
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[1] Marija Gimbutas, Le Langage de la déesse, éditions des Femmes, 2005, p. 336.
[2] Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout, Kindle, 2005, emplacement 1307.
[3] Edith Hamilton, La Mythologie, Marabout, p. 384.
[4] Ibid. p. 32.
[5] Ibid. p. 311.
[6] Diodore de Sicile, V, 73.
[7] Edith Hamilton, La Mythologie, Marabout, p. 233.
[8] Carl Gustav Jung, Dialectique du moi et de l’inconscient, Folio, 1964, p. 140.
[9] Ibid.
[10] Florence Quentin, Isis l’Eternelle, Albin Michel, Kindle, emplacement 424-426.