Enheduanna, un genre d’écriture

Lien vers l’article de May Makarem paru sur l’Orient le Jour le 14 décembre 21

Voilà bien notre société ébahie de découvrir qu’une femme ait pu être auteure, bien avant le Livre pour sortir au jour (Livre des Morts) Egyptiens ou le Yi King ! Est-ce le simple fait d’avoir été femme qui permit à Enheduanna d’écrire ces premiers textes d’une importance capitale pour la société dans laquelle ils furent déployés, tant sur le plan religieux que politique ? Devons-nous nous poser la question en termes de genre, à savoir lequel détient le pouvoir des mots quand nous ne pouvons que constater aujourd’hui combien ce point de vue est nocif ?

Ne devons-nous pas, plutôt, être interpellés de découvrir, encore une fois, qu’une société humaine peut ne pas se poser la question du genre de l’être qui œuvre ? Il semble bien que dans ce contexte ce qui prime ce sont les qualités, les compétences de la personne. Le rang, qui donne accès à la culture, car Enheduanna n’est pas fille de rien, issue du peuple, elle est fille de roi.

Il existe partout dans la plus haute antiquité une différenciation claire des genres, mais cette différenciation apparait dans un besoin de complétude, qui évite absolument une différenciation des fonctions accessibles. Plus « récemment » des femmes furent Pharaon, reine et si besoin chef de guerre défensive comme Boodicea chez les Celtes.

Mais ce n’est pas tant cette question de savoir qui de nous deux détient le pouvoir qui me fait réagir à la parution de cet article, c’est la stupéfaction de découvrir que les premières traductions datent de 1969, qu’elle est l’une des 1038 femmes dont le nom figure sur le socle de l’œuvre contemporaine  The Dinner Party de Judy Chicago et que malgré cela les seules traductions sont américaines, quand elles sont accessibles. Que nous nous tripotons le nombril féminin de cette information sans aller en chercher les fruits, sans nous jeter dessus, sans les traduire, sans en parler à nos enfants comme d’un fait naturel : une femme écrit des textes religieux et politiques !

Film Agora retraçant la vie d’Hypathie

L’histoire d’Enheduanna est tout aussi éloquente que celle d’Hypatie d’Alexandrie, à savoir une naissance dans une société où le genre seul ne donnait pas accès au pouvoir. L’époque trouble où commence une autre histoire qui mettra quelques milliers d’années à s’installer. Ce n’est pas sans rappeler les thèses de Françoise Gange[1] qui analyse les textes sumériens comme la longue et douloureuse chute des anciennes sociétés, pour qui les Femmes et les Hommes apparaissent souverains dans leur face à face, leur rencontre et leur complicité.


[1] Avant les Dieux, la Mère Universelle

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