La vérité sortant du puits, allégorie

imagesLa manière dont nous menons notre vie dépend de ce que nous percevons et comment nous le percevons. Or, ce que nous percevons dépend de ce que nous avons perçu dans notre enfance, comment nous avons été éduqués à percevoir. En ce sens tout est construction psychique, donc illusion. Ces constructions ont un tel impact sur notre comportement qu’elles en deviennent une réalité.  Le travail consiste alors à déchirer le voile et à « voir » le réel qui, lui, ne dépend pas de nos constructions mentales, de nos apprentissages faussés, de nos affects manipulés.

Tout véritable travail thérapeutique consiste alors à reforger autrement la perception que nous avons du monde, des affects et des relations. Il s’agit dans un premier temps d’apprendre à regarder le réel qui n’a la plupart du temps pas grand-chose à voir avec la réalité que nous nous sommes construite. Il s’ensuit un séisme de grande amplitude secouant toutes les fondations de notre être, la manière dont nous évaluons les dangers mais aussi les joies, la manière dont nous naviguons et réagissons, la manière dont nous posons nos actes.

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La vérité sortant du puits – Jean Léon Gérome

Il arrive un instant, dans le lent processus de réintégration du réel où la vérité, nue, sortant du puits, armée de son fouet, se révèle douloureuse. Elle est accompagnée, dans son dévoilement, d’un sentiment de libération. Le voile intriqué à nos chairs déchire au passage les fibres incarnées, mais l’âme libérée se trouve révélée. C’est l’instant fatidique où la force intérieure doit faire face et seul un moi suffisamment fort peut y survivre. Les énergies en présence ne sont pas les seules projections que nous en faisons (c’est l’autre, c’est le destin, c’est dieu …) mais le réel en mouvance en notre inconscient profond.

Nous ne pouvons pas faire ce travail seul, vivre c’est relier et séparer, vivre est relation. Il nous faut l’âme amie, qui regarde, qui nous reflète l’exact impact et l’exacte construction que nous nous acharnons à croire vraie. Alors sur la margelle du puits nous pouvons nous éveiller, sous l’œil  d’un « témoin »  bienveillant qui, dans son juste regard, sera pour nous comme un miroir reflétant le réel et notre réelle existence : vivre !

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Bouquets des moissons et chants dans la grotte

Le chant des oiseaux, la langueur du soleil caressant la peau : c’est le temps de l’été. Avoir cueilli sur un bord de chemin les blés mûrs, les seigles et les triticales, blondes, sèches et poilues. Assise sur une souche, sans mots dire, sans maudire, tresser les tiges, rajuster les plants, assembler les touffes. Bouquet. Ajouter par malice quelques brins de lavande, pour la couleur, pour la senteur, pour la joie exprimée. Tenir le tout ensemble par un ruban au couleur de juillet.

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Lorsque le soir tombe et que la nuit s’avance, descendre dans la cave. Vingt mètres carrés. La cave est délestée de ses tonneaux, de ses cuves, elle est vide, en attente, disponible, elle est Virgo. Descendre à petit pas, se mettre en rond. Éteindre les lumières qui sur le front des enfants nous ouvraient le passage. Noir complet. Silence.

C’est un havre, un ventre, c’est une grotte. C’est un ventre de Femme, c’est un Ventre, utérus. Seules les odeurs s’expriment, attisent les esprits, et les présences. Les présences attendent, sages, elles guettent, elles se cherchent et se rencontrent. Nous sommes bien là, nous nous reconnaissons. Apprendre à sentir sans voir, à voir sans yeux.

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Du silence émerge les voix mâles, un fil qui se tend, un bourdon. La résonance est forte.

Alors les voix femelles s’élèvent, menues d’abord, fluettes puis de plus en plus fortes. Elles partent à l’assaut, escaladent le fil tendu par les mâles soudés. Elles s’élancent telles les tiges souples des plantes grimpantes, elles se glissent, s’enflent, fleurissent. Elles se tournent et contournent le mat planté, s’accrochent et repartent. Volubiles. Le son se fait vibrant dans la nuit de la terre. La chair tremble, l’âme écoute. Tressaillements et transes. Les voilà en serpent, sifflantes, corolles évasées, toujours, toujours plus haut. Apprendre à se parler, s’écouter, se répondre, sans parler, juste en faisant des sons, des danses de la voix. Jouer avec l’espace, l’écho, la rondeur de la place. Sentir la joie, la profondeur en espace cosmique.

Ô quand le chant s’arrête, il n’y a qu’un espoir, c’est de recommencer.

 

Rencontre avec le dieu Amon…

Vue-aerienne-du-grand-temple-dAmon-Re-a-Karnak-Cnrs-Cfeetk-A-CheneJe venais de terminer la rédaction de Figures Symboliques du Féminin et du Masculin et m’avançais, enchantée, sur les rives thébaines. J’avais pendant des mois exploré la figure du « mâle ». Recherché dans les images et les mythes ce que « ça » dit de lui. Je lui trouvais deux visages. Le premier je le  connaissais bien, celui de l’homme défendeur de la loi, droit, sec, c’est-à-dire sans larme, celui qui épouse, impose son nom. Celui qui se doit de ne jamais faillir, de ne jamais chuter, de ne jamais pleurer. Celui qui ne peut pas se poser un instant et contempler le monde dans sa beauté de l’aube, dans sa nuit languissante, et surtout, surtout pas, être sensible aux courbes de l’âme amoureuse (une faiblesse, un danger !). Bref, celui-là c’est le guerrier d’abord, toujours un va-t-en-guerre, pour finir patriarche et seul devant sa table où se taisent ses ouailles.

100251304Mais j’en trouvais un autre, un autre mystérieux. Celui-là est plutôt Chevalier, il vient de la forêt profonde, il danse les pieds nus parmi les feuilles rouges. Il se laisse porter par la sueur du vent. Il se laisse guider par les odeurs des femmes. Il a surtout ce trait très caractéristique de succomber à l’amour et aux douceurs de l’âme, de percevoir le beau et d’y rester assis, devant… Cet Homme-là est l’Homme Vert des vieux contes écossais, le Fils-Taureau, le « Bélier »… On le trouve dès les premières gravures pariétales en forme de danseur sorcier, de bouc, de bête à corne, accompagné de son Serpent de femme. On le poursuit encore dans les plus anciens mythes sous le nom d’Enkidu à Sumer. On le rencontre sous les traits de Grown Pebyr dans le conte de Blodeuwedd au pays de Galles. On le trouve toujours au XIXe siècle dans les prières et contes de la tradition populaire orale de l’Ecosse, recueillis par le folkloriste Alexander Carmichael sous le titre de Carmina Gadelica :
« Ô douce Déesse, écoute ma prière,
Accorde-moi Ton attention,
Laisse mes incantations et mes charmes
Parvenir jusqu’à Toi. Viens à moi,
Ô puissante Mère de tous,
Pour me protéger, moi Ton enfant ;
Ô grande Reine de la Vie,
Ensemble et avec l’appui
Du Seigneur du Bois Sauvage,
Ton fils et Ton amant,
Pour me protéger en Ton pouvoir,
Toi douce Déesse
De la plus pure et plus noble beauté. »
Il se bat sans frayeur contre le nouvel homme. Descendu des forêts il cherche la promise, mais les nouveaux dieux ont envahi la scène et presque toujours il meurt. Cet Homme-là est celui qui dans les plus vieilles traces du monde détient le pouvoir de faire éclore la vie du ventre de La Mère, du ventre de l’Epouse, celui de générer par cycle la renaissance incessante du monde. Sans lui rien n’est possible pour la Reine du Ciel, la Mère du monde. Il est celui qui darde son vaillant devenir puis qui meurt afin de revenir au printemps jaillissant.

Il est Taureau puissant qui de sa corne effilée perce la nuit de sa courbe de lune (quand dans les anciens mythes la lune est masculine), il perce les eaux, il ouvre la membrane, il taille, il fait jaillir ! Celui-là est un compagnon, pas un maître. Sous sa forme Bélier il est omniprésent. C’est Pan, c’est Cernunos… C’est la laine des Béliers que Psyché se doit d’aller chercher, sur leur dos, à la tombée du jour…

C’est un frémissement profond qui pris soin de mon âme quand j’arrivais ce jour, à l’entrée du Temple de Karnac : une allée de Bélier… le dieu Amon !

44760771_2299505856944137_1966168021596635136_nS’envolaient en éclat tous mes apprentissages, les vieilles formules, les raccourcis rapides, Amon-Zeus ! Là, tout autour de moi ce n’était pas un dieu puissant haut perché dans le ciel et qui viole les filles comme le fait si souvent Zeus. C’était un dieu « caché », c’est son nom qui le dit. Si ce dieu se montrait c’était sous forme de Bélier, un dieu de la génération de la vie car « Le bélier symbolise la puissance génésique. Il est donc associé à tous les dieux en rapport avec la naissance ou la régénération […] celui-ci se présente comme un homme doté d’une tête de bélier[1]. »

Cette force mystérieuse émergeant de la nuit  avait pour habitude lors du mois de chémou, pendant la Belle fête de la vallée, de quitter son sanctuaire de Karnac, à la nouvelle lune, pour se rendre sur la rive occidentale du fleuve : « Il retournait au lieu des origines, sur la butte de Djêmé, là où étaient enfouies les forces vitales du serpent Kematef, “ Celui qui a accompli son temps”, en ses dix âmes ba[2]. » Plus haut, de l’autre côté de la mer, bien longtemps avant, déjà, un Bélier était représenté avec des serpents, c’est à  Gôbekli Tepe, nous raconte Klaus Schmidt, sur le pilier 1, qu’ « au-dessous de l’ “entrelacs de serpents” apparaît un quadrupède comparativement plus petit, peut-être un bélier[3]. »

Cornes-Coin-Maison-77-Catal-HoyukEt tous comme dans les temps les plus anciens, comme sur les gravures les plus vieilles, ce bélier est parfois un taureau « parmi les plus anciennes représentations du masculin sacré, parmi les Hommes Verts se tenaient des Hommes Bisons, “des hommes ithyphalliques à cornes d’animal ou à masque d’oiseau […] créatures mi-animal, mi-homme (les centaures)”[4]. » et « À Catal Yöyük des cornes de taureaux ornent l’intérieur des maisons, dans une organisation toute religieuse. Des crânes avec les cornes sont encastrés dans les murs ou délimitent l’espace. Déjà les grottes préhistoriques de Lascaux, en particulier, présentent une magnifique Salle des Taureaux. Elle doit son nom à quatre immenses taureaux sauvages (aurochs) peints sur les murs[5]. » Or ce taureau est lui aussi associé à Amon car « Amon ou Min, sont appelés “Kamoutef”, c’est-à-dire “Taureau de sa mère”[6]. »

J’étais stupéfaite ! Moi j’avais cru les histoires des hommes, le lien des dieux anciens entre Zeus et Amon, mais cette force était là, cette force latente émergente en croissant (de lune), en corne (bélier ou taureau). Il était là cet Homme Bélier, cette force sauvage qui vient du plus profond des forêts de l’âme du monde. A ce moment-là l’Egypte me proposait le Sorciers des Trois Frères, mais en le glorifiant plus encore, en l’approchant des hommes, reconnu, magnifié, en haute grandeur. Était-il sorti de sa caverne ? Pas vraiment, Amon est toujours « le caché »… J’étais subjuguée par l’amplification précise dessinant sous mes yeux ébahis la danse du Roi de la forêt, du Roi de l’obscurité, du Roi qui fait danser la Reine… Je n’ai pas vu de forêts en Egypte, pas de forêts sauvages et tempérées, mais il y a le dessous de la terre, le jeu des ombres et des lumières, le Fils du Ventre est là, il émerge… et ses cornes dressées pointent, animent la matière.

90606711_oPénétrant plus avant dans le temple la force fécondante, génératrice de vie, que les Béliers exercent dans leur danse symbolique apparaissait pareille sur les murs : il est aussi ce Dieu au sexe dressé qui promet la félicité et la vie, car Amon est aussi Min. Min n’est pas libidineux, il n’est pas agressif. Il ne traque pas une Daphné apeurée, ce n’est pas Zeus qui fait la femme à son idée, émergente de son cerveau, c’est le dieu ithyphallique qui désire ! Et le Désir est sacré ! Tel ce sexe dressé qui permet à la terre d’ouvrir ses ambages, il est le Roi et en terre d’Egypte il est Pharaon !

Amon n’est pas tout seul et sa compagne est Mout. Ils étaient là, sans violence, sans combat, juste en un face à face recelant tous les mystères du monde. Mout veut dire Mère et leurs amours portent le fruit lunaire en le dieu Khonsou. Ici pas de satyres, de trublions lubriques, Amon fait battre le cœur de la Déesse, lui promet du plaisir. Le Masculin quand il est ce masculin sauvage, archaïque, ne rejette pas la force féminine, il en fait une alliée, une aimante. Nadine Guilhou nous rapporte ce merveilleux texte qui décrit la conception d’Hatchepsout sensée être issue de l’union du dieu Amon avec la reine :

amon-mout« Pour séduire la grande épouse royale, Amon, le dieu vénérable, seigneur des trônes du Double-Pays, se rendit dans le palais royal où il prit l’apparence de Sa Majesté le roi de Haute- et Basse-Égypte, Âakheperkarê. Il trouva la reine qui se reposait au plus profond de son palais et se tint près de sa couche. Elle s’éveilla en respirant le parfum enivrant du dieu et sourit devant Sa Majesté. L’épouse du pharaon était belle, très belle. C’est pourquoi on l’avait appelée Ahmès, ce qui veut dire « la lune est venue au monde », car elle en avait l’éclat, à moins que cela ne rappelât le moment de sa naissance. Alors, s’approchant d’elle, Amon la désira ardemment, et il se montra à elle en sa forme de dieu, dans toute sa gloire et toute sa force. Étant venu tout contre elle, et tandis qu’elle se réjouissait en voyant sa beauté, œil contre œil, narine contre narine, il envahit de son puissant amour divin son corps de reine, inonda ses sens et sa peau de son parfum divin, composé de toutes les senteurs du lointain pays de Pount. Une langueur envahit la reine, la livra tout entière à cette beauté démesurée qu’elle s’attacha à servir. Sa Majesté – c’est-à-dire Amon – fit tout ce qu’il désirait auprès d’elle, et elle fit qu’il se réjouît d’elle, l’embrassant et le caressant[7]. »

Enivrance et volupté, érotisme et douceur, bienveillance et partage. Ce texte n’est pas sans faire penser aux textes trouvés sur les tablettes de Sumer, rapportant la rencontre entre le Dieu et la Déesse :

« Le roi s’approche, tête haute, de son giron sacré. Il s’approche, tête haute, du giron sacré d’Inanna. Amma-ushumgal-anna, s’allonge à côté d’elle, Il caresse son giron sacré. Lorsque la Maîtresse s’est étendue sur le lit, dans le giron sacré (du roi), lorsque la pure Inanna s’est étendue sur le lit, dans son giron sacré, Elle fait l’amour avec lui, sur son lit. Elle dit à Iddin-Dagan : “Tu es vraiment mon bien aimé ! ”. L’acte charnel accompli, on laisse entrer la foule chargée d’offrandes, ainsi que les musiciens. Un banquet est servi : “Amma-ushumgal-anna étend la main pour manger et boire, Le palais est en fête, le roi est joyeux ; le peuple passe la journée dans l’abondance[8].” »

Combien de société ont célébré l’amour et l’érotisme avec tant de force et de beauté ? Quelle vision, quelle perception du couple et de la hiérogamie ont émergé encore vibrantes en ces siècles antiques ? Pas de pornographie graveleuse, humiliante… Le message au peuple est bien autre que ce que nous voyons, nous, quotidiennement sur nos affiches et nos films… dans nos églises… tout métaphorique soit-il.

amon3Qu’Amon soit un Masculin autre que celui que nous connaissons et vénérons aujourd’hui, un Masculin à qui le Féminin ne fait pas peur, ou dégoûte, s’expose sous nos regards. Qu’il soit un Masculin entier, ayant bu la saveur de sa propre rondeur, de ses pans féminins intérieurs est gravé dans la pierre. Qu’il soit un dieu vivant, fécondant et aimant ne fait aucun doute,  car il existe un Amon prêtant une oreille attentive aux pauvres, aux malades et aux femmes enceintes, qui peuvent l’approcher lors des grandes festivités religieuses, « À l’est de son grand temple de Karnak, il possédait un sanctuaire d’“Amon qui écoute les prières”, où il répondait aux suppliques et rendait les oracles, comme en témoignent les “stèles à oreilles” que lui adressaient ses fidèles. Veillant sur la création et sur les hommes comme un berger sur son troupeau, il apparaît proche des humbles, ainsi qu’en témoignent plusieurs prières émouvantes qui ont été conservées[9]. »

Amon, amant délicieux, perceur de la matrice vivifiant, est à la fois le compagnon de la Grande Déesse, le bon père,  tout autant que garant de l’équilibre du monde, car dans son dévoilement, sous ses cornes de bouc, il détient en son sein la sagesse féminine de Maât. Il est son père, son fils et son amant, son porteur, celui qui agit la matrice. Le papyrus Berlin 3055 rapporte cette prière, ô combien profonde de sens : « Salut à toi (Amon) qui es pourvu de Maât, auteur de ce qui existe, créateur de ce qui est ! Tu es le dieu parfait […]. Tu jaillis avec Maât […]. Ta fille Maât, tu rajeunis à sa vue, tu vis du parfum de sa rosée. Maât est placée comme un porte-bonheur à ta gorge. Elle repose sur ta poitrine […]. Ton œil droit est Maât. Ton œil gauche est Maât, tes chairs et tes membres sont Maât ; les souffles de ton instinct et de ton intelligence sont Maât […]. Le vêtement de ton corps, c’est Maât. Ta nourriture, c’est Maât. Ta boisson, c’est Maât. Ta bière, c’est Maât. wp_20119L’encens que tu respires, c’est Maât […][10]. » Comment ne pas lire, ici, comme le Masculin émerge avec le Féminin (et nous retrouvons la gémellité d’Isis et d’Osiris), et son pouvoir d’agir pour Elle et son agir avec justesse pour Lui ? Cette symbiose parfaite est très exactement celle symbolisée par l’iconographie gauloise où le Serpent ondulatoire pour se mouvoir se pare de cornes.

Au sortir des allées, après le cercle déambulatoire de ma visite à Karnac, je repartais la tête dans les étoiles, le cœur vibrant, l’âme apaisée. Comment décrire ce que cette rencontre peut susciter de réflexion mais aussi et surtout d’énantiodromie de l’âme ? Alors que les lueurs de l’aube se taisaient, je me surpris moi-même à murmurer, en regardant partir les ombres de l’allée : « Ô mon dieu ! »

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[1] Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout, Kindle, emplacement 4881.

[2] Ibid. emplacement 6506.

[3] Klaus Schmidt, Premier temple, Göbekli Tepe, CNRS Editions, Kindle, 2015, emplacement 1409.

[4] Marija Gimbutas, Le Langage de la déesse, éditions des Femmes, 2005, p. 202.

[5] Sylvie Verchère Merle, Figures symboliques du Féminin et du Masculin, Editions du  Cygne.

[6] Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout, Kindle, emplacement 3275.

[7] Ibid.  emplacement 2537.

[8] Georges Roux, La Mésopotamie, éditions du Seuil, Kindle, p. 116.

[9] Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout, Kindle, emplacement 5400.

[10] Traduction de Fr. Daumas, La Civilisation de l’Égypte pharaonique, Paris, Arthaud, 1988.

Rencontre avec les Arts Primitifs

oceanie-nouvelle-guinee-trobriands-danse-prestige-verite-ocng249- 28J’aime marcher dans Paris, dans certains quartiers, quel que soit l’heure et le temps. J’aime ses lumières et aussi ses odeurs car je ne fais qu’y passer sans doute. J’aime les foules passantes, car je peux les fuir aussi quand je veux. J’aime le bruit silencieux de mon anonyme présence qui se noie, je me sens de la race humaine, ici et maintenant.

Qui suis-je, qui sommes-nous ?

Sans être aucunement prisonnière de son tumulte et de ses souffrances je peux m’y attarder, musarder, observer. J’aime observer, sentir, humer, ressentir, poursuivre mon chemin.

Il arrive parfois que notre humanité se trouve face à face avec quelque chose de soi, un écho projectif, qui nous parle de nous. Ce fut le cas il y a quelques jours. Transitant d’un endroit à un autre, imbibée des œuvres de Mucha que je venais de voir, entre deux cours, je marchais dans Paris. La pluie menue bruissait, je marchais. Je regardais les vitrines menteuses, amusée de leurs perfides attraits. En plein cœur du 6eme, alors que tout scintille de clinquants artifices, une devanture est presque simple, c’est un saut dans le temps ! Pas de néons, pas de fluo, rien de pimpant, du bois, du bleu. Un humain tout au fond s’activait lentement et dans la vitrine des formes qui parlaient. Jaillis du fond des temps les arts primitifs s’exposaient, leurs racines ancrées bien profond dans la terre, entortillées peut-être, vivantes sûrement. Dans cette ville aimant, la Paris millénaire s’offrait dans un recoin une valse d’amour avec l’éternité. Je marchais sur l’asphalte au son d’un siècle sourd et je nouais mon âme aux torsades gravées sur les bois séculiers.

Ce ne fut pas un choc, ni même une blessure, ce fut plutôt un voile qui s’écarte. J’étais cette femme du XXIe siècle qui marchait dans Paris. J’étais aussi cette âme liée au fond du monde, aux forêts sauvageonnes, aux danses et aux chants, aux dieux et aux déesses des peuples primitifs. Il y a en moi un être tribal, une sauvage, une danseuse qui tape ses pieds nus sur la terre de poussière, pose son masque gris sur ses paupières closes et chante au crépuscule. Regarder ces sculptures, des arts dit primitifs, nous rappelle à cela, nous relie à cela. Nous aurons beau construire tous les buildings du monde, voyager sur la lune, maîtriser Internet, un souvenir ancré dans la psyché sans âge nous ramène à cela, le primitif, la souche de notre humanité.

Qu’est-ce que l’art sinon la tentative d’exprimer l’indicible, le lien que  nous avons avec les Autres Mondes ou bien la tentative de voir « avant », « ailleurs » ? Je ne parle pas de l’art « conceptuel », cette course sans fin de faire toujours mieux, plus, jamais vu, je parle de cette tentative d’extirper de nos tripes psychiques la foisonnante forme de sa vivante esquisse. C’est sous cette forme que l’art expose le reflet de son temps, le précède et le rêve, le dénonce. Il nous permet de lire, et puis de ressentir, cette chaîne d’humains, leurs rêves, leurs fantasmes, leurs peurs et leurs visions, il nous relie à ce qui fait de nous des « Hommes ». L’art n’est pas l’apanage de l’humain certains oiseaux, comme le Jardinier Satiné,  décorent avec attention colorée les abords de son nid. D’autres le tissent d’une beauté extrême. La différence c’est peut-être notre conscience de « faire », qu’ils n’ont peut-être pas. La différence c’est cette longue chaîne, la différence c’est l’Histoire de l’art. Et cette histoire nous ramène au tribal, au Primitif, à l’essentiel en quelque sorte, à l’essence première de ce que nous fûmes, de ce que nous sommes. Dans cette boutique, créée par Suzanne et Pierre Vérité en 1931,  sont venus Picasso, Ernst, Lhote, Breton, Malraux… Est-ce un hasard ? Est-ce un hasard si les âmes les plus clairvoyantes de leur époque sont venues se nourrir aux sources que sont le « Primitif » ?

L’inconscient collectif est malicieux, sur la façade sobre se détache les mots « Archéologie », « Vérité » et « Arts Primitifs ». Si ce n’est plus Vérité qui dirige l’affaire, mais Stéphane Mangin, l’âme est toujours vivante et l’esprit bien gardé.

La vérité est là : je pouvais arpenter le temps qui est le mien tout en laissant jaillir de mes entrailles, le souffle primitif de mon essence humaine, j’étais réunifiée, entière.

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Galerie Antiquités – Arts Primitifs – Expertises —-> Kanaga 141 Bv Raspail 75006 Paris

La guérison par le mythe

225px-Ilya_Repin_-_Sadko_-_Google_Art_ProjectNous savons, depuis les travaux de C. G. Jung que les mythes sont des Images archétypiques. En quelque sorte ils sont les rêves des peuples. Cependant ils sont aussi l’Imaginal de chaque être humain. De cette manière nous pouvons les suivre dans les grands mythes de l’humanité, la psyché collective et tout autant dans la psyché personnelle.

Ces schèmes archétypaux s’identifient dans les rêves si nous savons prendre suffisamment de recul et ne pas vouloir absolument « voir » les Images telles qu’elles sont représentées dans l’iconographie classique. En effet, la manifestation de l’Archétype prend la forme la plus parlante pour nous, moulée à notre temps et à la culture dans laquelle nous baignons, à moins qu’elle n’y trouve son image proche dans quel cas elle va puiser dans l’inconscient collectif l’image la plus juste. Les Dieux et les Déesses des Grecs ou des Égyptiens sont habillés comme des Grecs et des Égyptiens et même les mythes chrétiens nous montrent des Figures vêtues tels que le furent les peuples de leur temps. Il peut donc sembler surprenant que nos dieux actuels soient couvert d’une toge quand ils devraient porter jeans et pull-over. C’est bien ce qu’ils font souvent dans nos rêves. Baubo peut prendre les traits de la voisine, comme Lugh apparaître comme le mécanicien du coin. Ce sont leurs gestes et le schéma mythique dans lequel ils se meuvent qui nous laisse deviner le mythe, l’archétype sous-jacent.fa9819b26e0cbbd4bba500aeeea69de709cbb102_keljob-reve

Les Images que nous en avons ne sont pas les archétypes mais leur manifestation, qui elle, est mouvante. Ils sont de l’ordre de l’Imaginal que nous ne devons pas confondre avec l’imaginaire. L’imaginaire est cette douce (ou violente) rêverie issue de notre imagination, induite pas nos peurs ou nos désirs. L’imaginaire peut être à l’Imaginal ce que la sensiblerie est à la sensibilité. L’imaginaire comme la sensiblerie sont les vivacités de l’âme rattachées à l’ombre et n’ont pas leur souche aux archétypes, ils flottent. L’Imaginal est, par contre, ce que nous pouvons voir de notre âme entière, reliée à la souche archétypique, multiple. L’Imaginal ne se laisse pas contrôler, il nous propose ce qui émerge de l’âme et que nous croisons dans nos rêves ou peuvent venir à nous dans les rêves éveillés. Ils correspondent rarement à ce que nous attendons, espérons. Surgit des profondeurs de l’inconscient, ils sont par essence « inconscients » et ne peuvent pas répondre à ce que nous connaissons en conscience. Je peux très bien « désirer » telle ou telle Figure, ce n’est pas Elle qui va se manifester, ce qui va se manifester c’est ce que je dois rencontrer et que je ne connais pas encore.

Le-reve-de-GiordanoPartir à la rencontre de ces Figures intérieures nous offre l’opportunité de rencontrer cette part de nous-même, qui s’agit en nous mais que nous ne connaissons pas.

Identifiant la Figure et le schème mythique nous prenons alors conscience de ce qui se projette dans notre vie, quel est le « drame » qui s’y joue. Par amplification, c’est-à-dire en parcourant les mythes de même nature, nous mettons des mots sur l’origine de la maladie et sur les manières dont nous pouvons « évoluer », libérer et « transcender ».

Jung a bien parlé de cette quête qui consiste à trouver quel est notre propre mythe, si tant est que nous n’ayons qu’un seul mythe à porter. James Hillman a été bien plus loin en qualifiant l’âme de polythéiste et en  identifiant, parmi les nombreux cas qu’il a traité, que chaque archétype possède aussi sa part pathologique, porte en lui sa propre maladie, que nous seuls sommes en mesure de guérir.

Ainsi ce n’est pas en inventant notre histoire avec toutes les forces de notre intellect, que nous trouverons les clés de notre délivrance, mais en observant les Images, en les accueillant comme notre réalité, en les rattachant à la grande danse des archétypes, comme le dirait Marie Louise von Franz, que nous pouvons guérir.317px-Le_Reve-Puvis_de_Chavannes-Orsay

Ne nous trompons pas, ce n’est pas parce que nous avons l’impression d’aller bien et de porter le divin en soi que nous n’avons rien à guérir. Nous ne pouvons d’un côté avancer que nous allons très bien que nous avons réglé tous nos problèmes intérieurs, et de l’autre affirmer que nous sommes tous liés, interconnectés. Interconnectés hors du temps et de l’espace, et la physique quantique approuve, cela veut dire que nous portons en nous, quelque part, les souffrances et les maladies du monde, du Cosmos. Interconnectés, cela veut dire que nous portons notre histoire familiale avec toutes ses joies mais aussi ses blessures, ses secrets, l’histoire de notre peuple et l’histoire entière de l’humanité. C’est en ce sens que nous pouvons espérer changer le monde, en nous changeant nous-même, en proposant la rédemption au cœur de notre âme pour que le suc gavé de notre joie inonde les radicelles qui nous lient indéfiniment à l’Âme du Monde.

(L’Âme du Monde, Manon Rousseau)Ame du monde Manon ROusseau

Porosités, Alice Heit

Magnifique catalogue présentant les œuvres d’Alice Heit, dont j’ai la joie d’avoir fait une préface. Ce travail, très inspiré, a pu être réalisé grâce au lycée agricole de Suscinio et l’association Les Moyens du bord de la région de Morlaix. Merci aux artistes qui partagent le fruit de leur travaux et merci à tous ceux qui permettent cette communication.

—>>>Le texte et le contact pour commander le catalogue

D’Avalon à Philae

20181018_155422J’avais l’habitude de cheminer sur les sentiers perdus de ma terre natale, arpenter ses forêts, toucher ses arbres silencieux, tremper mes doigts, le bout des ongles, dans les sources cachées sous les fougères. J’avais hanté les pics des Pyrénées, observé les isards, cueilli la rosée dans l’ambre matinale.

J’avais sillonné les monts d’Arrée, aux aubes tricotées des araignées velues. J’avais aussi guetté la bascule du soir sur le sommet pentu de Bibracte endormie. J’étais en quelque sorte partie à la rencontre de la terre qui vit naître mes ancêtres et qui nourrit mon sang chaque jour. La Gaule chevelue est mon royaume. A piétiner sans cesse sur les routes de France j’étais parvenue à rejoindre le Centre, l’île que les anciens appelaient Avalon. En Avalon Arthur est endormi. En Avalon dansent les femmes, espace féerique où se joignent les mains de ceux qui sont partis. Avalon, île parmi les îles, où se dresse le château de Morgane, les filles ancestrales, ce qu’encore plus avant les humains prénommaient le Sid. Le Sid est le nom spécifique de l’Autre monde et il veut dire « paix ». Il est une colline, une butte, au-delà de la mer, à l’occident. Il est une île au milieu d’un lac, d’un fleuve, d’une étendue liquide. Pour y pénétrer il faut prendre la barque. C’est un pays merveilleux, Mag Meld (Plaine de plaisir), Mag Mor (Grande plaine) Tir na mBéo (terre des vivants), Tir na nOg (Terre des jeunes), Tir Tairngire (terre des promesses). Mais c’est avant tout Tir na mBaân, la terre des femmes, ces femmes du Sid, magiciennes, fées, éternelles, envoûtantes.

Sur les côtes bretonnes nous rêvons Avalon. Les sept îles devant Perros Guirec se prêtent au jeu, il suffit de laisser parler les images sur les barques qui nous y traînent.avalon barque

Parfois c’est sous la terre que se trouve le Sid, car après sa défaite le peuple des Thuatha dé Dannann s’y réfugia : les enfants de la Déesse se sont enclos au creux de son ventre.

Dans les profondeurs aussi nous rejoignons le Sid, comme dans ces grottes pariétales, grotte de Trois Frères, Lascaux, quand l’humain a préféré plonger dans les flancs de la terre, ou bien à Barnenez, Gavrinis, quand il a modelé de ses mains sans outils une grotte, un ventre obscur, invitant à la renaissance.

Le bout du chemin se trouve là, dans les bras des fées, des déesses, sur l’île sainte, au creux du ventre de la mère. Je m’y roulais sans cesse, comme un jeune chevreau dans l’herbe du printemps. Y puisant l’eau de vie je m’abreuvais à ses sources et dans un chant de joie j’y psalmodiais « maman » !

avalon ileJ’appris que tous les humains de la terre gardaient dans leur mémoire la plus ancienne des traces de ce lieu, cet espace tranquille, où comme des enfants nous pouvons rejaillir. Mais que pouvait bien être le lieu de renaissance dans un espace où ne coulent pas les sources parmi les herbes folles, les arbres centenaires, la fraîcheur de la nuit, les saisons aux quatre coins posées ? J’étais, je suis fille de l’Europe de l’ouest, j’aime les étés chauds et les hivers gelés, la douceur d’un printemps est aussi bienvenue que la froidure de neige d’un janvier finissant.

Vint octobre 2018. Il me fut proposé le voyage en Ėgypte. Un élan vivifiant souffla dans mon âme curieuse et c’est dans l’enthousiasme primitif d’un besoin de rencontre que j’acceptais de m’éloigner de mon Sid pour découvrir les longs passages étroits qui mènent à Kheret-NetjerRo-SétaouDouât ou Neferet Imentet

J’avais gardé de mon adolescence, l’image d’une Ėgypte grandiose, Ramsès II, Hatchepsout, Néfertiti, Cléopâtre et Marc Antoine… Occultant les Gaulois l’école de mes jeunes années nous parlait de l’Ėgypte ancienne, semant sans le savoir quelques graines d’éveil pour une civilisation lointaine et mystérieuse. La volupté, l’érotisme de l’Ėgypte n’avait d’égal que ses mystères, ces mystères qui fascinent, qui aimantent.

Et aujourd’hui toujours les mystères égyptiens posent sur nos fantasmes le voile d’un attrait. Que n’a-t-on dit de l’Ėgypte ? Que des extra-terrestres ont façonné la pierre d’un laser percutant. Que la magie des signes donne tous les pouvoirs…

Comme nos Dames Blanches les Figures égyptiennes semblent braver le temps et l’espace. Elles apparaissent aussi dans nos rêves nocturnes. Parfois je fus saisie d’une surprise extrême de croiser dans mes nuits des dieux de leur royaume, moi qui n’avais foulé ni leur sol, ni leur rêve, sans connaitre parfois le nom des visiteurs. Qu’allait-il advenir d’une rencontre diurne, d’une confrontation aux images gravées de ceux qui noctambules hantaient ma psyché ? Je partais donc curieuse, de mon saut de cabri, prête à tous les éveils, peut-être les écueils.

20181012_091336L’air épicé du soir embaumait le jardin où nous fumes arrivés. De la fenêtre de ma chambre j’écoutais la nuit. Louxor. Mais je regardais Thèbes, je revoyais en songe tout ce que j’avais lu des Reines et des Rois qui avaient gouverné ici et comme moi sentaient la douceur nectarine. Qu’avaient-ils pensé, dit, qu’avaient-ils senti dans la moiteur du soir ? Je ne pouvais pas mesurer la distance, les temps sont différents, aujourd’hui la Mosquée chante sa dernière plainte du jour et les calèches attendent encore si quelques touristes désirent les héler.

Mais c’était ici la ville sacrée, le centre de ce monde, là que les scribes assis comptaient jour après jour, que les bateaux partaient pour les pays d’où ramener l’encens, là que les médecins, les fermiers, les voyageurs traînaient leurs pieds dans la poussière. Les images des livres prenaient vie dans mon rêve… J’avais déjà rêvé ces humains ressurgis sur les chemins de terre de mes rives natales. Combien de pas sur cette pierre usée ? Combien de mains sur ce caillou dressé ? Au musée de Bibracte un anneau d’or avait surgi de son écrin pour me montrer la main qui l’avait portée. Anneau d’amour ? Quel secret, quelle émotion, quel sentiment avaient accompagné ce cercle ? Ici aussi le rêve cherchait, de son nez fouisseur, les effluves anciens des peuples de ces temps. Je m’endormais et ma nuit fut noire, sans image et sans songe…

IMG_0344Les temples se sont dressés devant moi ! allais-je oser pénétrer dans le saint des saints, dans ces espaces enclos que les profanes souillent ? Dans ces géants de pierres, ces forêts sculptées, allais-je me sentir petite, insignifiante, oppressée, soumise à une volonté divine, une volonté politique, une manipulation ?

Le pas posé sur le seuil, je contemplais de l’âme, non encore du regard, car je baissais les yeux à l’instant de « passer », le front courbé devant tant de beauté, devant tant de silence.

Alors, combien de mains, de pieds, de regards appliqués, de sueur et de fatigue pour élever ces temples ? Combien de réflexions, de calculs ? Combien d’amour ? Offrir ce que l’on a meilleur est un acte d’amour et je pouvais errer entre les troncs de pierre, d’où jaillissait les plus beaux savoir-faire de l’humanité.

Cet instant étrange de mon premier pas dans un premier temple faisait comme un écho que je connaissais bien. Ce que je ressentais c’est ce que j’avais ressenti à Stonehenge. Ces êtres d’un autre temps avaient usé leur corps, sué le sang, pour mettre en bonne place le message de l’au-delà, pour honorer les dieux, pour s’attirer leur grâce. Il fallait tant d’amour pour tant de courage. Mais plus que ça, ils avaient déplacé et façonné des pierres immenses pour les siècles des siècles, dans l’éternité, pour que chaque humain qui les croise les voit et que je les vois moi. Ils n’étaient pas partis dans l’oubli, sans nous laisser des traces, des livres grand ouverts. Ce que faisaient les mythes, transmettre d’âme à âme, la pierre le gravait.

Égrainés tout au long du grand fleuve sacré, les temples se déploient. Ils tissent. Poser sur le chemin des jalons de beauté, planter sur le sentier des bâtons de sagesse, des Images de joie, c’est le geste des bons parents. C’est comme dire « je t’aime », « je te donne mon âme ». Et ils nous l’ont donnée. Je me sens aimée quand les gestes anciens tracent encore sur ma route des fils vers le soleil, la lune et les étoiles.

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Des lunes et des soleils, des étoiles, les traces égyptiennes en proposent des milliers. Des béliers, des grenouilles, des serpents. Des vaches, des poissons, des chiens, des chats… Et puis voilà aussi, le dieu dressé, le grand dieu des mystères, Amon. Voilà la bien-aimée, Mout, et leurs plumes, tant figées dans la pierre, semblent bruisser, trembler au moindre coup de vent. Au fondement de la culture égyptienne se mouvait devant moi l’ancienne hierogamie, qui fait de Mout la mère et Amon le secret, et leur enfant lunaire, Konsout, éclaire aux carrefours les nuits obscures. C’est que puisant aux plus anciens mystères du monde Amon est ce secret et la lune est son fils. C’est que ramifiant ses racines aux confins de l’histoire humaine Amon porte les cornes du bélier. Je n’avais plus besoin des mots qui dansent dans la tête, de l’effort d’imager, ils étaient là, ils me disaient quoi dire :

A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Le radieux, seigneur des devenirs, multiple d’aspects,
Les cœurs sont rassasiés de ton amour ! [1]

20181013_130337Tous les sanctuaires, tous les temples, proposent au monde entier un chemin, un parcours, qui traverse le fleuve et la forêt, de pierres ou végétale, vers le Centre, le Cœur. Le temple nous enivre, le temple nous apaise. Ici quelque chose tremble, quelque chose frémit. Il est une Figure que mon âme apeurée cache sous un linceul, mais les Figures ondulent et se glissent. Peu à peu s’anime en moi sa voluptueuse présence, Sa présence, toujours, partout, toujours glorieuse et rayonnante. Elle, sous toutes ses formes, Aneket, Héqet, Mout, Nout, Rénénoutet, Satis, Serket, Shou, Sekmeth, Neith, Hathor, Nephtis, Isis… Elle est là. Elle danse, elle protège et elle défend, elle nourrit et elle guide. Comment peut vivre un peuple qui honore La Femme ? Comment l’âme peut-elle agir quand dans son quotidien, quand sous ses yeux sans cesse, Elle se présente ? Plus de peur, plus de honte, de blessure, de limite, d’hésitation, de sujétion. Pas de sorcières, d’oiseaux de malheur : Elle est là rayonnante, lumineuse, forte et douce et juste, jusque dans ses colères.

Il n’y a pas que les Déesses, quelques reines ont su porter les deux couronnes et si l’histoire a tenté de leur ôter le sceptre, leur renommée flamboie. Mi reines, mi déesses, Néférousobek, Merytaton, Taousert, Cléopâtre et la grande Hatchepsout. Hatchepsout nous impose son temple merveilleux, sublime des sublimes, à Deir el-Bahari.  Avec la reine pas de guerre, des bateaux de commerce, pas de sang dans le rang des armées, une femme se dresse debout en Pharaon. Elle a marché ici et j’y pose mon pied.

 

IMG_0304Je n’attendais des tombes que le recueillement, le silence, la mémoire des morts, le voyage fut autre. A l’ombre d’Hatchepsout, ma divine marraine, dans la vallée des rois, Qurn veille, en gardien silencieux aux berceaux de ses morts. Les bouches béantes des tombeaux en attente, guettent nos pas fiévreux. Le petit roi est là dans son écrin. Lui, mort si jeune, a la chance de dormir dans son lit au lieu de reposer dans les couloirs stériles d’un musée où les lumières frigides éclairent des « objets ». Lui, il est tout petit, rangé dans son habit de mort et son âme est aimée. Envie de me taire, de le laisser tranquille. Il sera temps bientôt de soulever son voile[2].

Une autre tombe s’avance, la descente s’amorce, un seuil, deux seuils, vers le fond de la terre. « Tu as voulu venir ? alors tu vas descendre ! ».

A l’entrée, Elle est là et c’est la première fois que je la vois ainsi, pour de vrai. Isis est sur le mur. Je descends. Ses ailes de milan, d’hirondelle menue, me suivent, comme un souffle de vent. Je pleure, je crois que c’est ma mère qui respire sur moi. Au bas la cuve blanche, c’est un cocon vivant où j’aspire à dormir, où j’aspire à mourir…  Mais il faut remonter et le silence aidant les yeux mouillés on monte, car la vie nous appelle. Elles ouvraient le chemin, Isis et puis Nephtis, elles ouvriront la porte, vers le soleil.

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Le grand fleuve tranquille déroule son ruban bordé des émeraudes les plus pures. Plus loin l’ocre du sable veille au contraste plein. Le Nil est ici la vie, la IMG_0612force vivifiante qui enfante le monde. C’est clair, c’est précis, sans le Nil la terre n’est qu’un désert, un pays gast, un monde sans féminin. Les ancrages des temples sur ses rives dociles célèbrent sa vaillance et les hanches divines des femmes sur les murs ondulent leur bassin à ses rythmes fertiles. J’aurai voulu m’asseoir, là et ne plus bouger. Le ruban rouge de Neith accroché à mon bras j’aurai posé mon front sur les gravures fixes et le Soleil d’Hathor aurait posé sa main sur mon âme apaisée. Mais il fallait partir, courir même, une île m’attendait.

Il est des synchronicités. Il est aussi des archétypes qui se percutent dans les Images sises qu’ils projettent à nos vues. En arrivant, la barque attendait mon voyage mais dans les horizons d’îles parsemées, je ne pouvais pas voir Philae. Ce qui se profilait sous mes yeux ébahis est tellement Avalon que j’en perdais le nord, le temps et puis l’espace. Les granits émergeant des eaux évoquent d’autres paysages. Je me perds. Gavrinis, loin d’ici, IMG_1070propose ce voyage qui ici porte un nom, Isis.

Quand apparut l’îlot, son écrin de verdure pointait d’un au-delà, je me sentais chez moi. A mesure que mon corps parcourait l’esplanade, la cour, les allées, la forêt de plus en plus touffue de colonnes parlantes, mon cœur se mit à battre et mes yeux s’injecter.

Je ne suis plus qu’un œil qui danse sur la pierre.

Tout ça est trop vivant !

J’avance… et je me perds encore…

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Je suis perdue, vraiment. Je ne sais pas où se trouvent les autres. Sous le soleil doré, je fais le tour, je reviens, j’entre, j’entre au cœur. Je suis dans le Naos ombré, je ne veux plus partir, je ne veux plus sortir. Les parois dansent, la paix et la joie éclaboussent. C’est doux comme un bonbon de miel. Les murs se cambrent, les sistres se réveillent… Je suis seule égarée… où je devais aller…

Une ondine s’avance, enfin je la connais, sa jolie main prend la mienne :

« Vite, viens, au Mammisi[3], il n’y a personne ! »

Je suis, j’ai confiance. Nous voguons.

J’entre

20181017_121604Mais il n’y a pas « pas personne ». Elle est là, ma sœur d’âme, elle m’attend. J’entrevois son regard aux larmes qui se glissent, son silence profond. Il n’y a rien à dire, nous sommes deux, telles Isis et Nephtis qui nous guettent dans l’ombre. La voix, sa voix, de prêtresse qui garde, réveille les vieux mots, les prières anciennes. Et la magie opère, unies dans l’Utérus nous basculons. Mes mains, mon front se posent lentement sur le ventre d’Isis. Alors je pleure aussi. Je pleure pour les filles, je pleure pour les femmes, les battues, les brûlées, les violées, celles que l’on enferme de toiles ou de murs, je pleure pour le monde. J’ai 30 ans, j’ai 20 ans, j’ai 4 ans. Je pleure sur ma mère, les femmes de mon sang, je pleure sur ma vie. Je sais d’où c’est venu, je sais ce qui m’attend.

Dame du ciel, Celle au beau visage, aux sourcils fardés, à la gorge brillante … C’est toi qui fais éclater la création dans les cieux, toi qui emplis la terre de poudre d’or… Ton ventre qui enferme la perfection … Tes mains pleines de vie et de prospérité, qui donnent la vie à qui marche sur ton chemin…

Lorsque le soleil portera son regard sur nos yeux embués nous seront là dehors, sans mots, juste des pleurs, encore.

Au retour, et pour toujours me perdre, l’âme de Philae a sorti sur le fleuve un rameau de brouillard, comme pour Avalon. Je regarde incrédule ! Le Nil ne tisse pas de ces écharpes blanches : il est l’après-midi, il fait 38° ! Je demande : « c’est quoi ce truc ? » Le guide m’explique alors qu’un feu est allumé et que c’est sa fumée, blanche, qui dessine ces brumes…

J’ai reposé le pied sur la terre maternelle, et mon corps a frémi. Pouvant sentir l’humus de Séquane[4] alanguie, je me suis alanguie à mon tour. Dans mon cœur, une île irradiant à mon âme flotte encore et flottera toujours. J’ai compris. Il n’y a rien à dire, qu’être là simplement et dans le clair-obscur d’un soir sur la dérive écouter le murmure des Féminins vivants.

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Octobre 2018 © Sylvie Verchère Merle

A lire :

  • Florence Quentin, Isis l’Eternelle, Albin Michel
  • Florence Quentin, Vivante Egypte, DDB
  • Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout
  • Christiane Desroches Noblecourt, La Reine mystérieuse, Hatshepsout, Pygmalion

 

[1] Extrait du papyrus hiératique 3049 de Berlin

[2] Toutankhamon, Exposition Paris mars 2019. Ouvrage à paraître Florence Quentin, février 2019.

[3] Maison de naissance

[4] Séquana est la déesse du fleuve Seine

Eaux profondes, le film (extraits de texte)

e280a61… Comment as – tu envie ? Doucement, fort, humide et chaud ? Pense au lieu de douceur qui couve entre mes jambes. Regarde sans toucher l’eau qui commence à poindre, les perles de rosée sur ma lèvre, comme sur mon pubis. Qu’est-ce que tu veux ? Pénétrer le mystère sous la toison cachée ? Sentir l’odeur de nos effluves, suaves, aigres, animales ? Viens ! Tu peux t’approcher, doucement. Regarde, je danse déjà, je fais le va et vient pour empaler mes hanches …

… Quand je touche la peau de mon amour, il ne sait pas. Il ne sait pas comment je tremble. Il ne sait pas comment le frisson rafraîchit mon âme. Il le devine, comme un secret trop mal gardé, car son regard oblique pose doucement sa lumière sur mon visage. Quel lourd secret se cache dans l’alcôve ? …img_2981

… Mais la sexualité peut être comme un rite initiatique, c’est bien ce qu’elle fut à certaines époques, dans certaines sociétés, non pas comme une « technique » d’extase où j’utilise l’autre à mon épanouissement, mais comme une « communion» dans l’extase, et c’est de cette manière que peut naître l’enfant,  cette fille mythique de Psyché et d’Éros, cette fille qui a pour nom Volupté …

… Je me sens sirène lorsque je suis malheureuse et je suis malheureuse quand je n’ai pas l’amour de l’homme que j’aime, que je n’ai pas ce masculin qui pourrait me hisser, vers le ciel, ce masculin qui seul peut couper ma queue pour en faire des jambes vivantes. Ce masculin qui pourrait me sortir de cette indifférenciation dans laquelle je me trouve avec l’océan, c’est-à-dire avec l’inconscient collectif qui me retient prisonnière. Oui je me sens cette sirène liée à son rocher, et telle Psyché, je  geins. Du coup bien évidemment je chante pour tenter d’attirer les marins, les hommes. S’ils se perdent c’est qu’ils viennent sans amour. Mais si se trouve l’amour alors eaux-profondes-9je redeviendrais cette sirène ailée que nous montre les gravures les plus anciennes …

Extraits des textes écrits et enregistrés pour le film Eaux Profondes d’Alice Heit, que vous pourrez découvrir dès le mois d’octobre 2017.

©Sylvie Verchère Merle, tous droits réservés – 2017 – Les Eaux Profondes, Alice Heit.

La vallée de l’âme !

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Photo Didier Verchère

À force de confrontation à notre monde intérieur, nous arrivons peu à peu, à donner le nom d’Ombre à nos obscurités les plus flagrantes, celles que l’on parvient avec force humilité à reconnaître. S’il est assez identifiable dans les rêves, il nous arrive aussi parfois de saisir le « Logos », ce fameux Logos maître du monde contemporain. Il arrive même de surprendre dans la trame d’un voyage onirique l’Image d’une dynamique d’un Soi qui semble inaccessible. Nous savons de quelques façons sentir frémir en soi l’Esprit qui souffle. Mais nous sommes vite désemparés devant ce flot d’émotions, de sentiments, d’humeurs, de désespoirs, de pleurs, et tout autant de joies, de tremblements, de surprises qui « vivent » quelque part et en même temps coulent dans notre sang sans être notre sang. Je parle de ces émotions qui font frissonner la peau, nous rendent plus légers ou plus lourds. Je parle de ces boules qui montent dans le cœur, des frissons de joie, des frissons de peurs … Où se trouvent « cela » ? Par évidence cela n’est pas que dans le corps, mais quelque part entre la matière et l’esprit. Jung, parce qu’il est homme, a clairement défini cette part de la psyché des hommes qu’il a nommé Anima, cette « Âme » féminine qui s’agit dans son inconscient avec ses humeurs, ses caprices, ses tendances au leurre, mais aussi ses sentiments, ses émotions  qui le bouleverse, le surprenne, prennent possession de lui ou l’inspirent telle les Muses des anciennes croyances. L’Anima, autre chose que l’Ombre et pourtant bien souvent main dans la main l’un de l’autre. Pour les femmes Jung a parlé d’Animus, cette part masculine de la psyché. Nous avons donc une Ombre, Animus et le Soi sans compter toutes les branches et ramifications qui s’y rattachent.

Mais quelle est cette partie en moi, à qui je parle depuis toujours comme une alter égo, qui me12662580_1115185048492905_9033997112179643468_n fait pleurer, souffrir, aimer, danser, rire, qui est comme intrinsèquement tissée à ma chair, comme une robe imprimée dans mon sang. Ce féminin, mis  à l’écart du monde depuis si longtemps est devenu très difficile à approcher dans le monde de la psyché. Pourtant il est là, présent à chaque instant, vivant à chacun de nos souffles. Ce que vous, les hommes, avez sous forme d’Anima, nous, femmes, appelons ça le Féminin en soi. Anima, très proche de la conscience des femmes et plongée dans les méandres de l’inconscient chez l’homme qui comme la décrit parfaitement James Hillman est cette  VALLÉE  au pied des pentes abruptes des MONTS de l’Esprit. L’Esprit dans notre monde « logotisé », nous connaissons, nous le guettons sans cesse, à force de centration, de méditation, de verbe et de silence. L’Âme est dénigrée, écartée, négligée.  Cette Âme « Érotique »  se complaît dans les méandres de sa nature, la chair, la peau, l’odeur, les courbes, les méandres, le chant, la poésie, le sentiment, l’émotion. Elle est chevillée à notre incarnation, aspire à s’émouvoir dans ce qui fait que nous nous sentons « vivants » parce que là nous expérimentons la vie. Je ne pourrais jamais aussi bien décrire la nature de l’âme que James Hillman dans son ouvrage La beauté de Psyché et je ne m’y aventurerai pas, mais ce que je souhaite écrire c’est la complète compréhension que j’ai de ses écrits si j’en projette les Images sur ma vie de femme, mon expérience de femme. Et tenter de l’écrire avec les mots de l’âme …

waterhouse_psyche-boiteÀ force de gravir la montagne nous nous sommes éloignés des vallées, nous nous retrouvons seuls sur les chemins de la quête d’un Autre que nous-même. Nous avons délaissé les rivières et les prairies, les marécages et les chemins creux du fond de la vallée. Nous ne marchons plus pieds nus sur la terre sacrée, nous avançons chaussés de bottes sur les pans des Monts. Nous voulons être acétiques, purs, blancs, transparents… vides.  La vie se trouve dans la vallée. La vie c’est faire frémir un chant, c’est ce que l’âme demande. La vie c’est extirper du noir la palette infinie des couleurs de l’aurore. Ne pas chercher un Autre, mais nous trouver nous – même passe par la vallée. C’est dans la vallée que nous verrons les marécages les plus sombres, la vallée de larmes, mais c’est dans la vallée que nous trouverons les fleurs les plus exquises, les odeurs les plus douces. Les vallées de l’Âme sont les chemins creux de notre incarnation. Si nous devions juste escalader les montagnes nous serions nés chamois, isards, aigles des montagnes. Nous sommes nés humains avec toute la panoplie qui nous blesse, nous alourdit, nous touche, nous émeut, nous fait frémir, nous fait trembler. Vivre c’est laisser émerger notre âme dans l’incarnation. Écouter son chant, tel une Image, un son, un goût, et le suivre sur les sentiers tortueux de son attente, c’est réaliser ce que l’on est soi-même, en laissant les branchages vieillis, comme des feuilles mortes, tomber sur le chemin, ramasser les fleurs fraîches et suaves qui éclosent à nos pleurs, nos chants, nos amours.  Vivre c’est oser explorer ces possibles,  sans frayeurs, totalement, de tout son être, profondément, sans butiner, sans folâtrer, en ouvrant grandement ses poumons et son cœur. Alors les pieds ancrés dans le sable des berges, debout, nous pouvons lever le regard et pointer aux sommets des monts qui lancent leurs cimes. C’est le pic le plus haut et le plus audacieux qui se mire, ici et maintenant, dans l’eau du lac, comme des épousailles. La montagne reflète sa longue pointe dressée dans l’eau de la vallée. C’est un reflet,  le reflet dans l’âme, le reflet qui jaillit par nos yeux.

 « Hillman sert l’âme essentiellement en préservant ses manifestations, l’une d’elle étant son désir de se comprendre elle-même. La psyché réclamant le logos[1] »

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Photo Didier Verchère

Voilà le Hierogamos, l’union du mont et de la vallée, du dieu et de la déesse, de l’Animus et de l’Anima, de l’Esprit et de l’Âme, Logos et Éros. Il ne nous reste plus qu’à marcher notre parole, poser par nos pied sur la terre, malaxer cette terre dans nos mains, par le souffle du vent et la caresse des étoiles, incarner cette union. Que Logos souffle le Verbe et fouille la Matière, que Logos pénètre avec infiniment d’amour et de douceur, de vigueur et de désir cette Terre frémissante. Que la sombre vallée de notre âme se trouve fécondée par le mont dressé et le noir devient vert, rouge, bleu, jaune. La vallée geint, pleure, implore, rêve, imagine, contient en son sein tous les possibles, les promesses, toutes les graines et toutes les racines.  Il suffit d’un vouloir, d’un geste, d’un mot, d’un baiser …

Et Hillman de nous donner les clés du langage de l’âme, ces aspirations à la beauté (non esthétique mais sacrée) ces mots poèmes, ses Images vivantes, son besoin d’eau et de lumière, sa présence immanente en nous et autour de nous, à chaque instant, dans chaque larme, dans chaque rire, dans chaque courbe des collines.

« La beauté de Psyché », James Hillman, Le Jour éditeur.

[1] Introduction de Thomas Moore, James Hillman, La beauté de Psyché, Le Jour éditeur, 1993, p 244

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Cinéma expérimental : Les Eaux Profondes d’Alice Heit

20604539_532443910480693_6105181367908299539_nJ’ai, par quelques textes, le plaisir de participer à un projet que je trouve exceptionnel et audacieux, la création d’un film expérimental sélectionné par Light Cone.

Ce film c’est EAUX PROFONDES d’Alice Heit

Coupées de nos corps et de nos désirs par des siècles d’oppression patriarcale, le continent du plaisir féminin reste encore souvent terra incognita.

LES EAUX PROFONDES ouvre un de ces espaces rares et précieux, où la parole se libère et se partage… Plonge dans les continents mystérieux du plaisir féminin, s’interroge autour de ces « fontaines », qui jaillissent parfois au moment du plaisir sexuel des femmes.

Nous y voyageons, dans un imaginaire « en rhizomes », s’autorisant l’exploration, le jeu, et se nourrissant d’une aspiration profonde à réhabiliter une sexualité féminine riche, joyeuse, et qui retrouve le chemin de ses profondeurs.

Présentation du projet en ligne 

Le projet s’achèvera en Octobre 2017 suite à la résidence post-production au Light Cone à Paris… ensuite commenceront les projections !

Aujourd’hui Alice manque de pellicules pour terminer son projet…Ce mois d’août est le dernier mois de tournage…

Aider Alice : https://www.leetchi.com/c/projets-de-alice-heit

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