Parution aux Editions Véga Trédaniel

Les mythes racontent des histoires, ils racontent nos histoires, toutes les mouvances intérieures qui nous agitent, nous blessent ou nous enchantent. La vraie question est « quel est notre mythe personnel ? » en réalité nous sommes chevauchés par différents process qui peuvent au fil du temps changer, onduler, chatoyer différemment suivant nos pensées, nos actes, nos choix et le courage que nous mettons à les agir, les faire vivre, les incarner.

Parfois c’est délicieux, facile. D’autre fois c’est pénible, douloureux. C’est souvent à ce moment là que nous cherchons de l’aide, l’écoute, la parole amie, la prière, mais c’est ici que les mythes peuvent nous accompagner, car ils connaissent Le Chemin, le chemin qu’ils parcourent depuis la nuit des temps, depuis les premières humanités. C’est en eux que nous pouvons trouver l’écho de nos affres intérieures et en eux que se dessinent les possibles rédemptions, les possibles libérations, les possibles guérisons. Et les célébrations de la Vie !

Je me suis attachée dans cet ouvrage à faire éclore le message du mythe. Les féminins joyeux, aimant, puissant, les blessés, les attachés, les perdus, les vilains, les sorciers, tous ces possibles sont approchés avec respect, juste écouter leur souffle et leur message.

Je dis bien féminin, car il évident que tout cela ne parle pas qu’aux femmes mais aussi aux ailes ondulées, colorés ou flétries de l’Anima des hommes.

Oracle des Gardiennes des Mythes

Marija Gimbutas… Marija Gimbutas was right

Quelle satisfaction de voir que certains se sont penchés sur les travaux de Marija Gimbutas sans à priori et avec sérieux, pour enfin lui donner raison. Oui il fut un temps matristique où les peuples vivaient autrement que par la guerre et le sang. Oui il fut un temps où des fils, oubliant leur Mère, apprirent à harnacher les chevaux, fabriquer des armes et s’approprier le vivant… Oui il fut un temps…
Demain … Demain je vais poser mes pieds sur le sol de New Grange,  je vais glisser mes semelles sur le sol des Temples de Malte… J’aurai une pensée, un fil de joie pour cette grande dame, qui a tant apporté.

MG texte

Vous trouverez le texte entier sur le site de Annine van der Meer

Les sociétés matriarcales, Heide Göettner-Abendroth

 

couvertureEditions des femmes 2019

Combien a-t-il fallu d’années pour que cet ouvrage soit édité en France ? Et combien cette essayiste a-t-elle écrit d’ouvrages traduits en français ?  La France, au quatrième rang des pays publiant le plus de livres éditait, en 2015, 293 nouveaux livres par jour ! Combien de ces ouvrages sortent du lot par leur profondeur, leur sérieux ? Combien ne sont pas des copies de copies, des mots différents pour les mêmes teneurs ? Combien de titres anglais, ou allemands, précieux, pouvons-nous voir traduits ?

Mais enfin le voilà ! C’est pour moi une joie féroce que de le lire dans ma langue « maternelle » qui permet la lecture fluide et la compréhension plus fine.

Car enfin nous voici avec un texte qui cherche, qui fouille, qui expose une réalité que nombreux sont à encore nier : l’existence, l’antériorité, l’universalité de sociétés « matriarcales[1] » avec tout ce qu’elles proposent de différent, de « possible ». Non le fonctionnement humain n’a pas toujours et partout été ce que nous en connaissons, ce que nous en vivons tous les jours. Nous sommes esclaves de nos croyances, et nous, Français, sommes particulièrement attachés à nos assises et à « l’institution répressive de l’université[2] » dont parle l’auteure.

Osons, pour une fois au moins, un « pourquoi pas ? », plonger dans ces 574 pages, dépassant notre tendance au moindre effort. Le voyage est rempli de surprises et de conscience acquise. Nous voyageons en Asie orientale, aux Amériques, en Inde et en Afrique pour y croiser ces autres façons de faire, autres façons de voir.

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Heide Göettner-Abendroth annonce la couleur, il s’agit pour elle d’un chemin « intellectuel et spirituel », en quelque sorte il ne s’agit pas pour elle de se contenter d’une seule analyse méthodique, mais aussi d’une profondeur, d’une sensibilité questionnée. Elle raconte combien sa perception elle-même a changé au cours de ces travaux, comme cela lui a permis de comprendre de l’intérieur. Cette manière de travailler, en y mettant de l’âme, si elle se rencontre de plus en plus parmi nos spécialistes est encore bien trop rare. Nous sommes ici loin des études distanciées et « techniques » de nos parents qui, sur des milliers de pages, appliquaient une méthode pointue, mais détachée de la vie, détachée de l’humain dont il était question.  Il y a du Evelyn Reed[3], du Marija Gimbutas[4], du Marylène Patou-Mathis[5], du Olivia Gazalé[6], ou même du Marshall Sahlins[7] (et d’autres que j’oublie) dans ce travail : une recherche sérieuse, une approche sensible, un vivifiant travail.

A lire cet ouvrage nous comprenons qu’être « féministe » est bien autre chose que dupliquer avec application les manières des « hommes », que c’est une autre façon de percevoir le monde, les relations humaines et le rapport avec la nature, la vie, la mort, le cosmos… C’est une autre histoire que celle du pouvoir et de la domination comme le conforte l’archéologie des sites les plus anciens, sans traces de violence ou de guerre[8].

Un jour de ma jeunesse un homme me disait : « Ha ! si on vous a pris le pouvoir c’est que vous avez dû faire bien des saloperies ! ». Vision patriarcale tellement intégrée qu’elle ne laisse aucun autre possible : le travail est ardu pour l’extirper de la chair où elle s’est imprégnée…

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Nous qui avons toujours besoin de preuves, qui croyons que « c’est possible si l’humain l’a déjà fait », n’osant imaginer la créativité dont nous sommes pourtant capables, avons ici la preuve que d’autres archétypes ont fait danser le monde bien plus longtemps que durant les derniers 4000 ans. Oui il s’est bien passé quelque chose, un jour : le goût du pouvoir, la joie de la guerre et la peur de la mort ont remplacé la célébration de la vie[9].

Un seul regret : l’Europe n’est pas traitée, et pour cause, l’auteure s’en explique, les matriarcats européens furent trop tôt et trop profondément modifiés pour en trouver des traces encore prégnantes. Cependant, à parcourir le monde et ses foyers de Mères, en croisant, comparant avec tout ce que nous savons de nos mythes anciens, de quelques us et coutumes accrochés à la mémoire orale, et pour les citer, car elles me sont chères, les anciennes lois de l’Irlande[10], nous pouvons peu à peu remonter aux traces matriarches de nos ancêtres. Ces traces que je m’acharne à trouver sur Mater natale…

 

[1] J’utilise plutôt le terme matristique pour le différencier du sens de pouvoir pyramidal issu du patriarcat. L’auteur utilise matriarcat dans son éthymologie Arkhè , début fondement et non pouvoir. : « mère depuis le début » , fondement par la mère.

[2] Heide Göettner-Abendroth, Les sociétés matriarcales, Des Femmes, 2019, P. 12.

[3] Evelyn Reed, Féminisme et anthropologie, Denoël/Gonthier.

[4] Marija Gimbutas, Le Langage de la déesse, Des Femmes.

[5] Marylène Patou-Mathis, Préhistoire de la violence et de la guerre, Odile Jacob.

[6] Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité, Robert Lafont.

[7] Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance, Folio.

[8] Gobekli Tepe, Catal Yuhuk, Caral…

[9] Hans Peter Duerr, Sedna oder Die Liebe zum Leben (Sedna ou l’amour de la vie).

[10] Où soulever la jupe d’une femme sans son consentement était passible d’amende.

 

‘(Photos : Géo et Le journal d’Abricot)

Sur le site cgjung

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C’st avec un grand plaisir que je me suis prêtée à l’exercice interview pour le site cgjung.net en ce mois de mai. Retrouvons-nous y, avec la présentation de mon dernier livre. S’y trouve aussi tout un ensemble d’articles et de livres conseillés de grande qualité : un magnifique site pour faire connaissance ou approfondir l’approche jungienne.

Apprendre l’Histoire et la Littérature

Suite à une décision de donner à mon petit-fils des cours de soutien dans le rébarbatif programme du lycée, j’ai cherché, comme à mon habitude, comment rendre l’apprentissage plus ludique et plaisant. J’ai le souvenir de mes apprentissages et je le vois peiner à apprendre « par cœur » des dates et des situations qui par ces méthodes ne proposent aucune profondeur, aucun lien au vécu, aucun sens. Dans les métiers de l’apprentissage nous savons très bien qu’il ne peut se faire qu’avec le plaisir d’apprendre et le sens qu’il prend, le lien avec notre propre vécu et notre « humanité ». Je constate que malgré toutes les bonnes volontés, les grandes théories, l’apprentissage en 2019 est aussi rébarbatif qu’il fut quand j’étais moi-même à l’école. Aborder Britannicus de Racine sans lui donner un lien avec notre monde moderne est d’un rébarbatif sans nom. Pour accompagner mon petit trésor je suis donc partie en quête de ce qui pouvait compléter ses cours de façon à leur donner du sens. Pour la littérature et l’histoire je n’ai rien trouvé de mieux que de chercher l’Histoire dans les histoires et par une belle plume, ainsi plusieurs apprentissages se font en même temps et le plaisir d’apprendre s’agrémente du plaisir de lire, de rêver, d’imaginer, de réfléchir, de se faire une idée…

PuyiAlors qu’il était question dans ses cours d’histoire d’aborder la ville de Pékin et la Cité Interdite, je me suis moi-même plongée dans la quête. Nous avons visionné, ensemble, la série Marco Polo. Bien sûr il s’y trouve des libertés avec l’histoire mais elles permettent de regarder chaque scène et de tenter d’y déceler le vrai du faux, un bel apprentissage. J’ai fini par trouver aussi, en cherchant pas mal, le DVD du film Puyi dernier empereur de Chine[1], mais aussi L’Empire du soleil[2]. Et puis, et là j’ai moi-même appris tant de choses, j’ai proposé à mon petit-fils la lecture des ouvrages de Shan Sa ! Une vraie pépite d’Histoire, d’histoire et un apprentissage du français hors pair. Un vocabulaire riche, un style, un français parfait. Nous ne nous contentons pas de lire ou de regarder, nous débattons, resituons le temps et l’espace (que se passait-il à la même époque ailleurs ?) Nous analysons comment l’être humain en est venu là et ce que cela a généré après, sans aucun jugement de ma part afin qu’il fasse sa propre opinion. Je tiens à ce qu’il apprenne à faire son opinion et sa vision de l’histoire. Il ne s’agit pas de fabriquer un perroquet mais un être qui pense par lui-même.Empire_du_soleil

Cette réalité de l’apprentissage m’est apparue lorsque je lisais, il y a fort longtemps, l’ouvrage d’Helen Dunmore, La Faim[3], qui m’a permis de saisir un pan d’Histoire bien mieux que tous les cours que j’avais pu suivre à son sujet. Rien ne m’a mieux appris de l’Histoire des Amériques que de lire leur littérature. J’utilise donc ce croisement de l’histoire, de l’écriture et de l’Histoire dans de nombreux cas de figures. Par exemple je donne à lire ou regarder La Vague[4], à tous mes stagiaires/étudiants en pédagogie ou accompagnement.

Alors que nous planchions sur ce fichu Britannicus, dont mon petit-fils ne comprenait rien car, disait-il, « mamie c’est du vieux français, je ne comprends rien ! » nous avons eu l’idée, qui s’est révélée fructueuse, de le lire en le jouant, avec un tantinet d’exagération et de caricature. Prenant le temps après chaque chapitre de traduire en notre temps et en disséquant le sens, nous adaptions le ton et la posture qui va avec chaque tirade. Un pur bonheur, un vrai plaisir. Britannicus n’a plus de secret pour lui, ni même Racine : nous avons joué avec les Cartes Mentales pour situer les acteurs du temps et les courants littéraires.Carte mentale courants litt

Ces méthodes d’apprentissage, parfaitement connues et souvent mises en œuvre dans l’apprentissage des adultes (socio constructivisme, méthodes actives), développées par les grands chercheurs de la psycho-pédagogie fonctionnent, aussi, parfaitement bien avec les enfants. Nous le savons, pourquoi dans ce cas trouver sur le carnet de devoirs d’un Seconde, « pour jeudi lire l’acte 4 de Britannicus, en faire un résumé ! » ? (pourquoi ne pas le faire ensemble avant ?). Nous pouvons constater que les professeurs préférés et les matières les plus investies sont celles des professeurs qui mettent du cœur à l’ouvrage, qui aiment se dont ils parlent, qui vivent leur cours et explorent « avec » les élèves… Khaldun, Vives, Basedow, Pestalozzi, Owen, Kergomard, Key, Faure, Tagore, Montessori, Parkhusrt, Lechani, Freinet, Piaget, Vygotsky, Hagnauer, Feuerstein, Rogers, Porter, Meirieu…  sont encore à lire et à mettre en œuvre…

« C’est pourquoi il est si important de raconter des histoires aux enfants et aux adolescents. Des histoires qui entrent en résonance avec eux et qui leur permettent tout à la fois de symboliser ce qu’ils vivent et de découvrir de nouveaux horizons. »

Philippe Meirieu

(PS pour la prof de français : il n’est pas inutile, ni interdit, d’utiliser des références modernes de films ou de livres dans les devoirs de français !)

[1] Film Le Dernier Empereur  de Bernardo Bertolucci, sorti en 1987.

[2] Film L’Empire du Soleil, de Spielberg, sorti en 1988

[3] Helen Dunmore, La Faim, le siège de Stalingrad, 2003.

[4] Todd Strasser La Vague, 1981, adaptation du téléfilm La Vague, lui-même inspiré de La troisième vague, une expérience de psychologie pratique réalisée au lycée Cubberley à Palo Alto en 1967 par le professeur d’histoire Ron Jones.

Figures

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« Avec cet ouvrage très érudit, l’auteure nous prouve que si des sociétés sont capables de vivre sans violence, c’est que celle-ci n’est ni naturelle, ni universelle, ni incontournable. Elle donne ainsi tort aux thèses développées par Freud dans l’essai Malaise dans la civilisation qui considère que le désir d’appropriation, l’agressivité, le désir d’humilier, d’abuser sexuellement, et d’infliger des souffrances correspond à la nature profonde de l’homme. Cet ouvrage est donc salutaire : dénaturaliser la violence est le préalable indispensable à la lutte contre la violence. Car si l’humanité est impuissante devant les décrets de la nature, elle a au contraire le pouvoir de défaire ce que l’histoire a fait. Ce livre n’a donc pas seulement le mérite de mettre au jour les premiers récits mythologiques de l’humanité, il possède également une forte dimension politique et émancipatrice. »

Olivia Gazalé

Figures symboliques du Féminin et du Masculin

Vient de paraître aux éditions du Cygne :

Les figures symboliques du Féminin et du Masculin (de la préhistoire à la mythologie)

Des scènes pariétales de la vieille Europe aux cités-mères, de Catal Hüyük aux temples de Göbekli Tepe, des mégalithes de Malte à celles de Stonehenge, puis des mythes du Japon à ceux de la Mongolie, de ceux de l’Egypte à la Scandinavie, de la Grèce aux Amériques, de Sumer à l’Irlande, l’auteure nous propose un voyage dans la symbolique des figures du Féminin et du Masculin. Elle nous permet de suivre un changement de paradigme. Elle nous révèle le glissement des sociétés matristiques aux dictas du patriarcat et les perceptions du monde qui en découlent par les substrats psychiques que nous développons.

D’une Grande Déesse des origines, le féminin chute jusqu’à devenir Parèdre, Mère, Sorcière, Oiseau de malheur. De l’Homme Vert, Sorcier, Fils Taureau, Fils Amant, Dieu Lune, le masculin s’enlise dans les ornières d’un sacrifice sanglant et cruel.

Ce que nous dit ce fil de l’histoire c’est que même gravées dans la pierre, les croyances ne sont pas immuables et nous avons notre propre responsabilité dans la manière dont nous les agissons.

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Ce livre n’a pas seulement le mérite de mettre au jour les premiers récits mythologiques de l’humanité, il possède également une  forte dimension politique et émancipatrice.

Olivia Gazalé

 

Table des matières et contenus :

La préhistoire
.      Des traces dans la terre
.      La violence innée ou acquise ?
Le Féminin
.      Le sang des femmes
.      Le matristique
La Grande Déesse
.      Le serpent
.      Les Vénus
.      Visible et incarnée (Aataensic, Hurons…)
.      L’ombre de la Déesse
Le Masculin
.      L’Homme-Vert (Cernunos, Celtes …)
.      Le Fils-Taureau
.      Le Dieu-Lune
.      Les Fils-Amants
Hiérogamos, l’union sacrée (Eros et Psyché, Grèce)
Des héritières mythologiques
.      Brigid (Irlande)
.      Boan (Irlande)
.      Artémis (Grèce)
.      Neith (Egypte)
.      Isis et Hathor (Egypte)
L’arrivée des Indo-Iraniens.
.      La distorsion du mythe
.      Le viol de la Déesse
.      Ninhursag et Enki (Sumer)
La mauvaise chute de la Déesse
.      Blodeuwedd (Pays de Galles)
.      La chute de la femme
.      La blessure (Amaterasu, Japon)
Les Déesses qui chutent
.      kam-àmàgàn (Mongolie)
.      So-At-Sa-Ki (Pikumi)
.      Inanna, Ishtar (Sumer, Akkadie)
.      Déméter, Koré (Grèce)
.      Sophia (Grèce)
.      Mélusine (Europe)
.      Les sirènes
Méchante
Le Fils du Père
.      Odin (Scandinave)
.      Lleu (Pays de Galles)
.      Le Christ
Métanoïa
La beauté de la Déesse

 

Toutankhamon, de Florence Quentin

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Lorsque je posais le pied sur la dernière marche qui descend dans la tombe de Toutankhamon, je me tournais vers l’espace où frémissait une âme. Je la sentais. Je la vis. Elle était là. Elle était là dans son habit d’éternel printemps. Elle était proche de la momie du grand petit roi. Tenue à l’écart par le cercueil de verre c’était, cependant, comme si elle lui tenait la main, comme si elle avait posé ses doigts sur les mains noires, comme si elle avait caressé son front. C’était comme une mère veillant son enfant, comme une aimante, une éternelle amie. Son silence et son regard flottaient, elle nous regardait entrer et nous disait, tout en silence « il est là mon roi, mon fils, mon trésor, regardez le, reconnaissez-le, ne l’oubliez pas ». Et lui je le sentais confiant, tranquille, apaisé dans son sommeil sans fin. Ce fut la première fois que je vis une momie dans sa tombe. Et cela m’a plu. Je n’aime pas la profanation que représente l’exposition de ces corps dans un musée, sous les lumières, parmi le bruit qui déambule.

FB_IMG_1539722780016Il était dans sa demeure et il n’était pas seul dans ses mystères et ses secrets. Une femme veillait à l’entrée du tombeau. Florence Quentin était là. L’expérience fut étrange car au contraire de reléguer le défunt aux confins de l’histoire, elle nous permettait d’approcher un peu plus, d’en deviner l’humanité, la réalité. Tout d’un coup King Tut n’était plus un mythe mais un être de chair et de sang, qui avait vécu il y a bien longtemps et qui par on ne sait quel mystère s’immisçait dans le présent. Si l’humanité, la beauté de la vie, sa réalité c’est l’âme touchée qui s’émeut (nous pouvons le sentir chaque instant de nos jours) ici, l’émotion, le sentiment, sautaient par-dessus les étoiles et traversaient les siècles.

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Faire le tour de la tombe nous ramenait sans cesse au cercueil transparent, où le noir petit homme dormait bercé par l’amour d’une femme. Il devient alors facile de lier ces beautés peintes sur les murs à la vie qui les ont pensées, dessinées, peintes. A la vie qui les a emportées, d’une manière ou d’une autre, dans un tombeau. Il ne s’agit plus de regarder les yeux ébahis un témoin du temps passés,  un bel objet, une trace, mais d’y sentir, en plus, le cœur qui bat.

Cette émotion, ce cœur qui bat, nous les retrouvons dans l’ouvrage que vient d’écrire Florence Quentin, Dans l’intimité de Toutankhamon, ce que révèlent les objets de son trésor. Tant d’amour ne se permet pas de dire des bêtises, aussi la science se lie à la poésie, le savoir à l’imagination, le sérieux à la tendresse. Florence Quentin nous a habitués à ces ouvrages à la fois érudits et savants, clairs et fluides, mais tout autant d’une ligne de grâce, d’une beauté d’écriture rare. Elle y met à la fois son travail, son savoir mais tout autant son art et son cœur.  Nous voilà au long de dix-huit chapitres, accroupis, à farfouiller parmi les 5398 objets, à choisir les plus intimes, les plus précieux, découvrant leur beauté, leur souffle, leur vie… C’est un merveilleux voyage dans l’espace et le temps de la Kemet antique. Nous apprenons des tas de choses sans sombrer dans un apprentissage lourd et docte. Nous imaginons, voyons les images soulevées par les objets qui bien évidemment dressent devant nous la figure du roi… les pieds dans les sandales du vent… Parler de ceux qui sont partis c’est les faire vivre encore, alors King Tut peut se lever, où qu’il se trouve de l’autre côté, de tous les Pharaons, du haut de ses 17 ans, il rayonne.

Vous avez bien compris, vous pouvez descendre dans la tombe de Toutankhamon, ou lire le livre de Florence, vous ne serez pas sujet à malédiction… à condition de le faire le cœur léger – comme une plume de Maat…

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