Kagura à Takachiho !  Un rite artistique shintoïste

Un spectacle ? Est-ce réellement un spectacle, un divertissement ?

D’abord le « spectacle » se fait dans un temple. Il n’y a pas de foule comme nous en connaissons, qui se presse bruyante. Il y a salle comble, mais de gens bien assis, enfin sur les genoux, beaucoup ont porté leur coussin. Moi je peine, j’ai mal aux genoux, aux fesses aussi, je suis européenne…

Tous regardent la scène. Loin des 33 tableaux originaux, qui durent toute la nuit, ce soir nous n’en verrons que 4, mais pas des moindres.

Spectacle divertissant ? Danses folkloriques ? Pas vraiment. Nous n’avons pas oublié le sens qui sous tend à ces gestes, ce n’est donc pas du folklore, ce n’est pas juste divertissant. L’impact est symbolique : refaire et rejouer à l’infini les actes divins des Panthéons n’est pas un divertissement. Cela permet de faire écho aux profondeurs de l’être, ce qui se joue dehors, ce qui se joue dedans, une sorte d’Eternel Retour (Cf Eliade) Renouer à l’Instant, aux sources du monde, aux prémices de la vie, de la création … Il s’agit bien de mythe de la création, ici celle du Japon. Retour donc à nos prémices humaines ….

Voilà le Kagura !  Un rite shintoïste

Il n’y a pas de chant, ils sont 2 à frapper du tambour et jouer de la flute. Ce tambour lancinant qui nous relie aux terres et cette flute légère voltigeant vers les cieux. C’est envoûtant. Enivrant.

Il ne s’agit pas vraiment d’une danse, c’est plutôt un mime ! Refaire ce qui s’est passé in illo temporé avec des gestes

Les 4 scènes de ce soir là étaient les principales. Le dieu Tajikarao se morfond que la Grande Amaterasu se soit réfugiée dans la Caverne Céleste. Plus de vie, plus de joie, le monde ne peut rester sans Elle.

Arrive Uzumé, celle qui danse en relevant ses jupes, réveillant le besoin de vivant, faisant rire les dieux.

Le dieu, devenu rouge, ouvre la Caverne et le Miroir est là, où se mire la Dame

Pour finir Izanagi et Izanami, dont les enfants ont façonné le Japon, célèbrent la vie, le couple amoureux, tous les bienfaits offerts aux humains par la déesse réinvestie du Ciel.

J’aime qu’il ne soit pas question d’un bonheur à venir au – delà, d’un paradis au paradis, d’une promesse hypothétique. J’aime que le divin englobe la joie du faire, du chanter, du danser, du manger et du boire et du baiser, celui qu’échange les 2 protagonistes.

Takachiho Japon janvier 2023

La Caverne de la déesse Amaterasu à Takachiho

La journée se révèle douce et le soleil brille fort dans le ciel. La route a défilé sereine. Le lieu, hautement symbolique se révèle tranquille et comme préservé.

Des arbres, des arbres, des arbres.

Les ombres de leurs troncs bien plantés sont tout emmitouflés de réverbération solaire.

Parce qu’il y a des arbres, des arbres, des arbres, l’endroit est tout perclus de paix, de silence qui parle.

Il m’a fallu croiser quelques marchands du temple, bien sûr. Mais rien à voir avec ce que l’on peut imaginer, juste quelques échoppes, quelques vendeurs. Ici les gens ne font pas de grands gestes, ne parlent pas fort, ne gesticulent pas, ils passent, ils se croisent. Un sourire, un salut, bien sûr le salut. Tout semble si paisible.

Ca réverbère, ça renvoie, ça reflète. Oui le miroir est là.

Il ne reste plus qu’à descendre. En bas se trouve la grotte. Non La Caverne !

L’eau dégouline d’en haut, cavalcade, chuchote, humidité de femme entre des cuises ouvertes ; offerte à mes pas silencieux.

Avant de voir la Caverne nous pouvons déjà voir ces petits tas de pierres que les pèlerins entassent. Ils sont fait d’attention, de minutie, de cette application que mettent les Japonais à faire les choses. Il est impossible d’y toucher, de les buter, renverser, détruire. Il rode comme une odeur de sainteté.

Puis la voilà ! Elle émerge. La Caverne, Celle du Mythe, Celle où Elle s’est cachée, celle devant laquelle Uzumé a dansé, en soulevant ses jupes. Le mythe est là vivant.

Moi aussi je ramasse des pierres, moi aussi je fabrique mon tas. Moi aussi je me penche, tête baissée, corps plié. Je marque ma pliure, un temps si court mais qui donne le sens de mon geste, mais non je ne me plie pas, je salue. Moi aussi je baigne dans la béatitude, dans la paix de ce lieu, dans sa fraicheur et sa moiteur, son humidité, sa terre et ses eaux.

Ici je peux m’étaler de toute mon âme. Il n’y a pas de souffrance que celle de vouloir émerger vers la vie. Pas de sang glorifié, pas de chair mortifiée, juste la Nature, la Terre, la Rivière, les Arbres, la Pierre et le Ciel tout auréolé de lumière.

Plus au nord de Kyushu je tombais sur un autre sanctuaire dédié à Amaterasu. Mêmes arbres, même paix, même silence pointé du chant de quelques oiseaux. Est-Elle ainsi sans pleurs, sans larmes. Juste la paix de vivre. On peut s’enrubanner de l’aube ou se couvrir de nuit, à chaque fois ce sera en douceur, en bruissement d’ailes. Pas de martyrs mais pas de grandiloquence non plus. Juste une joie posée comme un manteau, un écho à ce qui tout en moi frémit.

Puiser sans fin à ces courbes graciles, je suis, je suis la terre qui porte ces arbres, je suis ces arbres qui pointent vers le ciel, je suis cette rivière qui chante et qui s’évade, je suis ce ciel où se dresse un soleil de lumière vivace. Je suis de la Nature.

Takachiho Japon janvier 2023.

Carte extraite de l’Oracle des Gardiennes des Mythes

Emission Lunatiq sur Balistiq web radio

Retrouvez le podcast du 1er novembre de l’émission Lunatiq sur Balistiq web radio : Lien vers podcast
Des femmes, l’âge de la ménopause, des hommes et l’âge de l’andropause
Temps des métamorphoses. J’y parle de la déesse celte Morrigu et du 1er de l’an celte Samain. Des points de vues et des conseils en naturopathie, le témoignage de Frédéric, à écouter jusqu’au bout !

« Vieillir c’est vivre ! »

Dionysos

téléchargement (3)Approcher Dionysos n’est pas une mince affaire, nous pouvons y laisser la raison, devenir « fou ». Mais sans lui nous ne connaîtrons pas les mystères, les transes libératrices, les ivresses fécondes et les chemins de la création.

Peu de dieu ont autant fait parler d’eux, tant il est représentant d’un domaine qui fascine et hypnotise, écho de nos plus profondes aspirations et confrontation avec l’Ombre. Dionysos nous attire car son mystère touche aux couches les plus archaïques de notre aspiration à passer les portes de la perception. Il nous effraie aussi par les excès et les dérives qui nous menacent lorsque nous basculons dans nos propres folies mortifères.

La lecture d’un mythe dans son contexte est toujours une grande révélation sur le sens qu’il porte, celui de Dionysos ne fait pas exception. A travers son histoire, ses cheminements et ses actes nous pouvons suivre le message induit pour la psyché qu’il sous-tend, comprendre et intégrer le sens qu’il nous propose de ses fonctions, de ses réalités et de ses fantasmes. Nous pourrons aisément saisir l’essence même, la quintessence, de ce qui se cache sous l’extase, l’ivresse et la folie dont il est le porteur et le gardien.

Le gardien

Le culte de Dionysos dont les traces nous sont parvenues se situe à la jonction des cultures. Les anciens mythes, les anciennes croyances, ne peuvent pas avoir totalement disparues, comme les archétypes ne peuvent mourir et ne s’accommodent que peu à peu au temps qui les incarnent. Or lorsque se trouvent encore les traces vivantes des anciens dieux, que les nouveaux sont tout juste montés sur les marches de l’Olympe, nous trouvons de ces dieux « troubles », qui tentent par tous les moyens de rééquilibrer le monde.Diony statue antique

Nous trouvons de ces figures divines qui mues par leur nature même, essaient sous toutes les formes d’éviter le pire, la bascule dans un extrême et la perversion de la Nature profonde des « choses ». Dionysos est un de ces dieux, un dieu majeur, car il parle des profondeurs psychiques les plus archaïques, les plus fascinantes, les plus « magiques ».

Qu’il fasse partie de ces anciennes croyances refoulées par les nouvelles est attesté dans le fait que dès son enfance, puis tout au long de son parcours, Dionysos est confronté à la non-reconnaissance de sa nature divine. Dans le contexte grec de l’archétype en marche il est clair que la croyance au divin Féminin dans toute sa royauté et en son Fils aimé, avec toutes leurs fonctions, ne sont plus reconnues. C’est ce qui met en souffrance et rend les gens « fous ».

Dionysos est le fils de Zeus et de Sémélé. Zeus, nous le connaissons, est un dieu majeur du monde patriarcal faisant régner sa loi qui, dans la majorité des cas, fait de lui un violeur. Sémélé est d’une toute autre espèce. Si l’origine de son nom semble incertaine, les spécialistes semblent s’accorder sur le fait qu’il est lié à la terre, plus encore, par son origine à la fois indo-européenne et phrygienne il fait part du lien de la Déesse à la nature sacrée de la Terre, de l’Humus. Par conséquent nous pouvons voir Sémélé comme un avatar de l’ancienne Grande Déesse et de son incarnation terrestre. Le détail n’est pas anodin, il fait de Dionysos le fils de la Grande Déesse, toute déchue soit-elle et il saura se souvenir de ça.

Diony coupeComme dans tous les mythes « retournés » par le patriarcat, l’épouse du Dieu Senex[1], réduite au rôle de « femme de », ne peut que s’offusquer des infidélités de son « mari » et se venge : Héra met en place un stratagème pour détruire Sémélé. Elle lui propose de regarder le dieu Zeus en face, pour être sûre qu’il n’est pas un monstre afin qu’elle soit brûlée par le feu du dieu. Cet épisode n’est pas sans rappeler celui dans le mythe d’Éros et de Psyché où les sœurs de Psyché lui conseillent de regarder à quoi ressemble son monstre d’amant. Si Psyché se retrouve déchue, tombée dans les affres tortueuses de l’amour pour Éros, Sémélé meurt brûlée et se retrouve en enfer : voir les réalités mène aux prises de conscience douloureuses et initiatiques.

Ce féminin blessé ne peut porter ses fruits à maturité, il en ressort des calamités et des douleurs, c’est ainsi que naissent les jumeaux d’Arihanrod, la Grande Déesse galloise, violée par la baguette d’un druide, c’est ainsi que vient au monde Narcisse, fruit du viol de Liriope par Zeus, encore une fois.

Ce dieu Senex qui veut tous les pouvoirs, y compris celui d’enfanter, récupère l’enfant et le porte dans sa cuisse, tout comme il se veut père et mère d’Athéna, façonnant des enfants à sa guise, dans le culte du seul père.

Or,  le rôle de Dionysos, la fonction qu’il représente, est de nous rappeler que l’absence de Féminin sacré et de tous les mystères qu’il recèle, mènent à la démence. Cette énergie primitive du Masculin allié au Féminin ne peut être détruite : soit elle est sanctifiée et joue son rôle de reliance avec la magie du Cosmos, nous relie à notre âme, nous laisse éprouver la transe cosmique, soit elle est occultée et se « pervertie », devient dangereuse : elle rend « fou ».

La folie

Dionysos n’est pas le dieu encourageant les excès, la folie meurtrière et la démesure, il est celui qui peut nous en libérer en donnant accès aux portes de la saine folie, de la transe inspiratrice, de l’ivresse sacrée. Tous les personnages qui refusent de le reconnaître deviennent « fous », fous furieux, jusqu’à dépecer leurs propres enfants. C’est la porte ouverte à la cruauté, à l’inhumanité. La fonction archétypale de Dionysos est claire, il nous invite à vivre l’expérience, il nous confronte à cette réalité de l’âme. Coupés de nos élans vitaux, de nos instincts, de notre écoute aux chants de l’âme la plus lointaine, nous perdons la tête. Ce que dit Dionysos c’est que relié au Féminin en soi, au Féminin sacré, nous avons accès aux mystères. Renouant aux sources de l’âme, portant les habits des femmes (tout symboliques qu’ils soient) acceptant cette part de nous-même, sauvage, intuitive, inspiratrice et lui donnant la place de s’exprimer, la place sacrée parmi les dieux de l’Olympe (voir Sémélé), lui offrant notre couronne ( abandonnant le pouvoir de l’égo, de la « loi » patriarcale) comme Dionysos le fait pour Ariane, nous pouvons accéder à ces canaux qui ne sont pas les chemins de l’esprit mais ceux de l’âme (cf James Hillman) : l’émotion, la sensibilité, l’intuition, la tendresse, la créativité, la sensualité (ce que disent les sens) et l’Érotisme (du dieu Éros).  Redonner un sens sacré à ces fonctions nous permet de renouer avec l’âme qui alors soutenue par Dionysos porte une couronne de fleurs, danse et chante, se meut, se courbe et parsème le monde de joie.

.Dionu parlant avec Hermes

Si tel n’est pas le cas, s’ouvrent les portes de la folie démoniaque, orgiaque, destructrice, et Dionysos de nous proposer la tentation, d’y puiser à la source. Qu’allons- nous faire de ce que nous ressentons, sentons, ce à quoi nous vibrons ? Allons-nous le bafouer au risque de tout pervertir ou bien le sanctifier pour en faire une danse  ? A notre choix Il portera la démesure et la folie mortifère ou la transe vivante de la joie de vivre.

Dionysos le dieu taureau, le dieu du Féminin

Il ne fait, pour moi, aucun doute que Dionysos est un dieu héritier des dieux archaïques. De par ses cornes de taureaux, ou d’agneau, il est relié aux iconographies classiques des dieux « jardiniers[2] », Taureaux, Béliers. Mais sa nature même, fils et époux, qui guide le Féminin vers sa propre réalisation, monté au ciel (Il ramène sa mère auprès des dieux de l’Olympe et honore Ariane de sa couronne, voir plus bas) en confirme l’hypothèse.

Il est dans de nombreux mythes question du chemin initiatique des hommes, qui demande d’aller de la Mère à l’Épouse, de la Mère à la Femme, de sortir des jupons de « Maman » pour caresser les jupes de L’Alter Ego. De nombreux dieux font ce parcours initiatique, avec plus ou moins de réussite. Éros y arrive après avoir pleuré dans les chambres maternelles en retournant auprès de Psyché, lui redonnant vie. Lleu quant à lui ne réussit pas le test quand moribond dans l’arbre, dépecé et dévoré par la truie il tombe dans le « giron » d’un druide et non dans les bras, le cœur, de Blodeuwedd. Christ n’y parvient pas plus, disant à Marie Madeleine « ne me touche pas » et passant des bras de Sa Mère éplorée au service de Son Père.

cratère psykter Diony et le thiaseDionysos est différent, car non seulement il est le fils direct de la Grande Déesse, mais dans la version orphique du mythe les Titans coupent Dionysos en morceaux et le font cuire dans une marmite, ce qui a tout de l’initiation primitive : cuire dans un chaudron. Il est initié d’emblée. De ce démembrement c’est son cœur qui sera ramassé pour être donné à Zeus. Il est question de cœur, d’âme. Il grandit dans une grotte, une île où il s’imprègne et développe sa Nature « sauvage » de même nature que la Grande Déesse, grande pourvoyeuse de fruits de fleurs, d’animaux.

C’est dans le domaine de Cybèle, manifestation de la Grande Déesse, qu’il est initié aux cycles de la résurrection après la mort, de la gestation interrompue et de la reprise, souterraine et céleste à la fois. C’est ici qu’il est initié aux mystères de la transe et de l’ivresse, ivresse de l’âme et de la chair, physique et métaphysique. En quelque sorte il est initié aux mystères du Féminin par le Féminin lui-même, il se relie avec son âme, il est à la rencontre de son Anima.  Lorsque la femme déploie son Anima, son féminin (le double voir P. Solié M. Cazenave), c’est qu’un Animus dionysiaque le lui a révélé, percé, mis au jour. Lorsque l’homme est en prise avec Anima, il fait face à tout ce qui est féminin en lui, il en approche alors les mystères. Il pourra, de cette manière, passer de la mère à l’épouse, de la maman à La femme, et laisser vibrer en lui les cordes sensibles, atteindre la plénitude de son être, la magie de la Vie.

De la mère à l’épouse

dionysos et séméléA aucun moment Dionysos ne blesse le féminin, le viole, l’enferme dans une tour, lui bloque une porte, l’enferme dans le silence, nous sommes loin des héros guerriers de la mythologie grecque. Mieux, sa mère reléguée aux Enfers, il descend la chercher en plongeant dans un lac, le lac Lerne, en quelque sorte en plongeant dans les strates humides de l’inconscient. Il est attesté que ce plongeon est associé à de nombreux rites initiatiques en Grèce ancienne, liés au passage de l’adolescence à l’âge adulte et nous ne pouvons que constater que sur le plan symbolique, il s’agit d’approcher la mère morte (celle tuée par l’idée patriarcale), et de la « monter au ciel », parmi les dieux, où elle devient immortelle sous le nom de Thyomé. Dans le contexte du mythe Dionysos redonne à la Grande Déesse sa place légitime, de Déesse primordiale, de Féminin Sacré.

Mais Dionysos ne s’arrête pas là, il va chercher l’Épouse. Non pas l’épouse telle qu’elle est conçue dans le monde patriarcal, celle de la raison, il va chercher l’Épouse du cœur. Il va chercher celle qui est blessée, trahie, abandonnée par ce monde patriarcal, Ariane, sur l’île de Naxos. En cadeau d’épousailles, en hommage, Dionysos jette sa couronne dans le ciel (Couronne Boréale) geste qui divinise Ariane. Ce détail est explicite du Roi, du Dieu, du Masculin qui relie sur un plan symbolique et sacré sa couronne, sa royauté, au Féminin aimé. Nous sommes en présence d’un vieux schéma mythique du monde, comme Enki et Ninhursag de Sumer, jusqu’au Roi Celte qui ne peut régner sans la royauté première de la Déesse.

Diony et ariane Albacini

Dionysos se révèle le Grand Dieu qui tend à réparer le Féminin, à le réhabiliter en la femme et en Anima. A ce titre il est un dieu majeur et précieux, particulière guérisseur dans un monde déjà entaché par les schémas patriarcaux de la période grecque.

Il n’est pas possible de conclure cette approche sans parler de l’essence même de la thématique. Il y a dans l’approche spirituelle dont je parle, un lien tenu entre la matière et l’âme, un lien sacré entre la chair et l’âme. Cela induit une expérience particulière de tous les actes qui mettent en œuvre la chair, c’est à dire sentir, goûter, écouter, ressentir, voir et bien évidemment, (il est question de Dionysos), la sexualité. Il est question d’extase, il est question de transe, quand toutes les dimensions sont réunies, la matière, l’esprit et l’âme. Cette expérience tant décrite dans les textes les plus anciens de Sumer ou dans les Chants de l’Inde à la déesse Kali, nous donne une clé pour la lecture de Dionysos. Ces expériences vibratoires qui jaillissent lors de connexions profondes entre la matière et l’âme ouvrent les portes des mystères et de la joie dionysiaques. Il ne suffit pas de s’enivrer, de se défoncer, de se faire vibrer à coups de butoir pour ressentir l’extase, Dionysos nous indique que nous devons y mettre du féminin, de l’âme, c’est l’âme qui donne la vibration ultime et la jonction la dimension sacrée : le Hierogamos. Hors de ce lien, de cette intention, le clivage s’installe et la folie meurtrière nous guette, ne serait ce que le meurtre de l’âme. L’âme esseulée se cloître, s’insurge et l’ombre, sans oxygène, explose de tous les maléfices. Les hystériques du XIXe siècle ne ressemblent-elles pas à des Ménades délirantes ? En acceptant de perdre la tête tout en sanctifiant l’expérience, en se laissant glisser dans la transe sous l’égide du dieu, dont il ne reste qu’un cœur après démembrement, alors nous pouvons faire l’expérience du sacré.  En acceptant de perde la tête, entreront dans la danse les deux grands Archétypes que sont Éros et Psyché …

[1] Vieux roi, dans le sens qui n’a pas été renouvelé, ne veut pas laisser sa place.

[2] Voir Figures symboliques du Féminin et du Masculin, S. Verchère M 2019, Du Cygne.

Les séminaires voyage d’Anima Mundi

 

Je vous présente les séminaires voyage d’Anima Mundi auxquels je participe en tant qu’animatrice

​​Les réservations pour le séminaire à Malte : « sur les traces de la Grande Déesse »  sont en ligne

Visite des temples et de l’hypogée, séminaire, ateliers, sur les traces de la Grande Déesse
Je vous parlerai des plus anciennes croyances du monde, de l’évolution de la Figure du Féminin sacré, des rites et de la perception archaïque du Divin
Nous prendrons le temps de confronter nos échos intérieurs aux vestiges extérieurs d’un archétype majeur du Féminin …

Pour des impératifs de réservation, les inscriptions doivent être faites au plus tard le 1 mars 2020.

Il reste des places pour le séminaire « Les chemins mythiques et spirituels de l’Irlande, célébration des feux de Beltaine »

Visite du Centre sacré de l’Irlande, de Tara, de New Grange et Bru na Boinne, célébration des feux de Beltaine, séminaire, ateliers
Je vous parlerai de la spiritualité celtique, des liens tenus qu’elle gardait avec les croyances antérieures, la place prépondérante de la Grande Déesse
Nous célébrerons Beltaine sur le lieu même où cette célébration avait lieu à l’époque celtique, le Centre Mythique et sacré d’Eriu.
Je vous conterai les mythes en faisant le lien archétypal qui s’y rattache…

Pour des impératifs de réservation, les inscriptions seront closes le 15 novembre 20219.

Tous les renseignements sont sur le blog Anima Mundi : https://animamundi.home.blog/

 

Les sociétés matriarcales, Heide Göettner-Abendroth

 

couvertureEditions des femmes 2019

Combien a-t-il fallu d’années pour que cet ouvrage soit édité en France ? Et combien cette essayiste a-t-elle écrit d’ouvrages traduits en français ?  La France, au quatrième rang des pays publiant le plus de livres éditait, en 2015, 293 nouveaux livres par jour ! Combien de ces ouvrages sortent du lot par leur profondeur, leur sérieux ? Combien ne sont pas des copies de copies, des mots différents pour les mêmes teneurs ? Combien de titres anglais, ou allemands, précieux, pouvons-nous voir traduits ?

Mais enfin le voilà ! C’est pour moi une joie féroce que de le lire dans ma langue « maternelle » qui permet la lecture fluide et la compréhension plus fine.

Car enfin nous voici avec un texte qui cherche, qui fouille, qui expose une réalité que nombreux sont à encore nier : l’existence, l’antériorité, l’universalité de sociétés « matriarcales[1] » avec tout ce qu’elles proposent de différent, de « possible ». Non le fonctionnement humain n’a pas toujours et partout été ce que nous en connaissons, ce que nous en vivons tous les jours. Nous sommes esclaves de nos croyances, et nous, Français, sommes particulièrement attachés à nos assises et à « l’institution répressive de l’université[2] » dont parle l’auteure.

Osons, pour une fois au moins, un « pourquoi pas ? », plonger dans ces 574 pages, dépassant notre tendance au moindre effort. Le voyage est rempli de surprises et de conscience acquise. Nous voyageons en Asie orientale, aux Amériques, en Inde et en Afrique pour y croiser ces autres façons de faire, autres façons de voir.

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Heide Göettner-Abendroth annonce la couleur, il s’agit pour elle d’un chemin « intellectuel et spirituel », en quelque sorte il ne s’agit pas pour elle de se contenter d’une seule analyse méthodique, mais aussi d’une profondeur, d’une sensibilité questionnée. Elle raconte combien sa perception elle-même a changé au cours de ces travaux, comme cela lui a permis de comprendre de l’intérieur. Cette manière de travailler, en y mettant de l’âme, si elle se rencontre de plus en plus parmi nos spécialistes est encore bien trop rare. Nous sommes ici loin des études distanciées et « techniques » de nos parents qui, sur des milliers de pages, appliquaient une méthode pointue, mais détachée de la vie, détachée de l’humain dont il était question.  Il y a du Evelyn Reed[3], du Marija Gimbutas[4], du Marylène Patou-Mathis[5], du Olivia Gazalé[6], ou même du Marshall Sahlins[7] (et d’autres que j’oublie) dans ce travail : une recherche sérieuse, une approche sensible, un vivifiant travail.

A lire cet ouvrage nous comprenons qu’être « féministe » est bien autre chose que dupliquer avec application les manières des « hommes », que c’est une autre façon de percevoir le monde, les relations humaines et le rapport avec la nature, la vie, la mort, le cosmos… C’est une autre histoire que celle du pouvoir et de la domination comme le conforte l’archéologie des sites les plus anciens, sans traces de violence ou de guerre[8].

Un jour de ma jeunesse un homme me disait : « Ha ! si on vous a pris le pouvoir c’est que vous avez dû faire bien des saloperies ! ». Vision patriarcale tellement intégrée qu’elle ne laisse aucun autre possible : le travail est ardu pour l’extirper de la chair où elle s’est imprégnée…

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Nous qui avons toujours besoin de preuves, qui croyons que « c’est possible si l’humain l’a déjà fait », n’osant imaginer la créativité dont nous sommes pourtant capables, avons ici la preuve que d’autres archétypes ont fait danser le monde bien plus longtemps que durant les derniers 4000 ans. Oui il s’est bien passé quelque chose, un jour : le goût du pouvoir, la joie de la guerre et la peur de la mort ont remplacé la célébration de la vie[9].

Un seul regret : l’Europe n’est pas traitée, et pour cause, l’auteure s’en explique, les matriarcats européens furent trop tôt et trop profondément modifiés pour en trouver des traces encore prégnantes. Cependant, à parcourir le monde et ses foyers de Mères, en croisant, comparant avec tout ce que nous savons de nos mythes anciens, de quelques us et coutumes accrochés à la mémoire orale, et pour les citer, car elles me sont chères, les anciennes lois de l’Irlande[10], nous pouvons peu à peu remonter aux traces matriarches de nos ancêtres. Ces traces que je m’acharne à trouver sur Mater natale…

 

[1] J’utilise plutôt le terme matristique pour le différencier du sens de pouvoir pyramidal issu du patriarcat. L’auteur utilise matriarcat dans son éthymologie Arkhè , début fondement et non pouvoir. : « mère depuis le début » , fondement par la mère.

[2] Heide Göettner-Abendroth, Les sociétés matriarcales, Des Femmes, 2019, P. 12.

[3] Evelyn Reed, Féminisme et anthropologie, Denoël/Gonthier.

[4] Marija Gimbutas, Le Langage de la déesse, Des Femmes.

[5] Marylène Patou-Mathis, Préhistoire de la violence et de la guerre, Odile Jacob.

[6] Olivia Gazalé, Le mythe de la virilité, Robert Lafont.

[7] Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d’abondance, Folio.

[8] Gobekli Tepe, Catal Yuhuk, Caral…

[9] Hans Peter Duerr, Sedna oder Die Liebe zum Leben (Sedna ou l’amour de la vie).

[10] Où soulever la jupe d’une femme sans son consentement était passible d’amende.

 

‘(Photos : Géo et Le journal d’Abricot)

Journal poétique : Parler, toucher, jouir

Fabienne FOrelLa photo ne rend pas justice à la réalité de l’ouvrage reçu ce matin. Je reste un peu coite : ce n’est pas juste « un journal », c’est de l’âme poétique à l’état pur, un frisson de la rivière, c’est magnifique. Le format, le papier, la mise en page, les extraits, les textes, les photos et les images. C’est le féminin dans toute la beauté de son incarnation, dans sa chair vivante, dans son eau mystérieuse. Une Ode… Coite parce que j’ai la joie profonde d’y rencontrer mes mots, ceux de divines inspirées et des images chargées de palpitation vitale, de chair, et qui plus est, côte à côte avec Alice Heit. Edition limitée, je vous conseille vite de le commander auprès de Fabienne Forel.