Webinaire : La Grande Déesse des Origines

Samedi 8 janvier de 14 h à 17 h

A partir des travaux de Marija Gimbutas nous partirons à la recherche des iconographies dédiées à la Grande Déesse des Origines et de son Aimé, le Dieu des cycles. Nous pourrons identifier le schéma archétypal qui sous-tend à cette iconographie. Aucun mythe ne nous est parvenu de ces temps lointains mais des schémas précis et récurrents. Nous comparerons les gravures et autres sculptures trouvées dans les plus vieux temples du monde :  Göbekly Tepe, Malte, Catal Höyük. Nous irons tout au creux des grottes pariétales observer les gravures des étoiles, des lunes, des vulves et des taureaux en retraçant leur parcours stellaire et les mécanismes psychiques qui furent projetés. Des mythes les plus archaïques issus des croyances amérindiennes ou mongoles nous étaieront dans les méandres de ces mémoires ancestrales.

Inscriptions sylviewebinaires @ gmail.com 30 € (ou forfait de 6 webinaires – 20 %)

Webinaires

Pour faire suite à la parution de l’Oracle des Gardiennes des Mythes (fin d’année) j’animerai à partir de janvier des webinaires sur chaque déesse mais aussi sur d’autres thématiques. Je commencerai par :

Première DameSamedi 8 janvier
BrigidSamedi 5 février
AphroditeSamedi 7 mars
AetaensikSamedi 3 avril
NinhursagSamedi 8 mai
AirmedSamedi 4 juin
  
ErosSamedi 22 janvier
OsirisSamedi 26 février
EnkiSamedi 27 mars
KernunosSamedi 24 avril
DionysosSamedi 22 mai
NarcisseSamedi 25 juin

Présence dans le mythe, schéma archétypal, présence onirique, symbole, impact psychologique, etc.

A la fin du webinaire vous serez en mesure de connaitre le mythe porteur de la Figure, de l’identifier dans vos rêves, d’en extraire le message psychique et la guidance qu’elle véhicule.

Dates et modalités d’inscription bientôt en ligne.

D’autres thèmes en prévision

  • Les autres déesses de l’Oracle des gardiennes des mythes
  • D’autres dieux
  • La tête dans les étoiles (les archétypes et l’astrologie)
  • Anima, Animus etc.

Pan et Dionysos, retrouver le chemin des dieux

Le mode de perception et de contrôle du monde patriarcal engendrent la phase clé de sa conception : la prise de pouvoir, le rapport de force. Le mode masculin est sorti de son essence première qui est de façonner, de mettre en forme, de percer, de pénétrer tout en restant complice, aimant.

Entré dans ce système le féminin lui-même se meut dans cette essence et joue tout autant les jeux de pouvoirs et les rapports de force. Le Féminin sous-jacent, dans sa nature profonde, blessé, contraint et refoulé s’est transformé en bête terrifiante, en guerrière sanguinaire, en sorcière lubrique ou castratrice. C’est-à-dire que son propre masculin, son animus, est devenu un phallocrate. Il n’est plus le compagnon joyeux créatif de la vie qui est son origine. L’analyse que fait Silvia Di Lorenzo dans son livre La femme et son ombre, du glissement des mouvements féministes vers une guerre de pouvoir, en est révélateur. En quelque sorte il s’agit de s’approprier le pouvoir au détriment de l’autre plutôt que de retrouver les complicités de jeux créatifs et au service de la vie.

La majorité des dieux, dans les mythes et les croyances nous montrent ces masculins poussés à l’extrême de leur force et orientés vers le pouvoir, jusqu’à la guerre, donner la mort pour posséder.  C’est une image précise de la « perversion » des valeurs au détriment de la force précieuse et majeure du masculin. Ces dieux sont des colonisateurs, des guerriers, des violeurs. A charge pour eux d’en supporter le poids et la souffrance qui sous-tend à la déformation de leur nature profonde.

Les dieux archaïques et ceux qui sont unis, complices et forts de leur Nature apparaissent ça et là, quelques bribes. Nous pourrions nous attarder sur les anciens dieux Lune, ceux qui sont dans un rapport d’union et d’amour, qui ne font pas la guerre mais construisent des jardins. Les cornus qui percent la nuit pour porter la lumière, qui font et qui défont, qui rythment pour engendrer la vie.

D’autres dieux, plus proches de nous, gardent encore les traces de cette essence divine. Pan lorsqu’il est encore Conseiller sage et bienveillant. Pétri de nature sauvage il n’a pas oublié son appartenance et sa complicité au féminin. C’est lui qui conseille Psyché, lui dit de continuer sur le chemin de l’amour d’Eros au lieu de se suicider dans la rivière. Il n’est pas encore cette image déchue d’un vieillard lubrique que nous lui connaissons. Il ne dissocie pas le charnel de l’âme, l’instinct de la sacralisation. Le corps doit être sauf pour agir l’âme et ce qui la contient, le cœur. Il est cet animus ultime de la femme déployée qui ne la coupe ni de son corps, ni de son aspiration à la complétude. Merlin en est, sans aucun doute, l’héritier direct. Lui qui parle aux animaux, et par quelques entourloupes disloque la tour d’Uther dans une tentative de restauration des lois naturelles.

Plus encore, plus précis, Dionysos est celui qui n’a jamais renié son essence masculine véritable. C’est le dieu qui nous propose la prise de conscience que si nous ne respectons pas Ses lois nous perdrons la tête. Il nous prévient du danger. Ce dieu nous dit qu’un féminin, en soi, non respecté, se transforme en infanticide, en castratrice. Le sort réservé à Penthé en témoigne.  

Dionysos porte en lui à la fois les énergies incarnées, la chair, la joie et le plaisir. Les fleurs, le vin et l’ivresse. Il garde leur essence sacrée. Les « détails », les « sentimentalités » féminines ne sont pas pour lui des sensibleries niaises. Lorsque Chloris crée la rose c’est lui qui lui donne son parfum. Cette sensibilité au monde cosmique, environnant et « incarné » fait partie de son cortège. En faire une réalité spirituelle est son pouvoir divin. Dionysos s’unit sans cesse à son anima, il rend fous ceux qui ne le font pas. C’est un dieu cornu, un taureau, un bélier qui produit la poussée magistrale d’un mâle fécondant la matrice féminine spirituelle dans un orgasme sans fin. C’est avec Son insondable mystère qu’il porte haut et fort les magies de son être.  Il est le dieu qui passe sans équivoque de la mère à l’épouse.  Les représentations de Dionysos et Ariane ne montrent jamais un dieu aux ordres de sa femme, ne montrent jamais, non plus, un dieu avec une parèdre assujétie. Pas de rapport de pouvoir, d’esclave et de maître. Elles montrent un duo, un couple alangui et complice, relié par la magie de l’amour[1]. Sur leur couche il n’y a que des roses et des coupes de vins, des regards et des gestes de reliance[2].


Retrouver le chemin de ces dieux là, nous demande un effort magistral, une cassure, un sacrifice, celui de se trouver au banc d’une société qui ne voit plus que poindre les ondes des compétitions et des guerres de pouvoir. C’est se trouver blessé d’un écart de posture, mais se trouver vivant.

[1] Maria Daraki, Dionysos et la déesse Terre

[2] Alain Danielou, Shiva et Dionysos

Dionysos

téléchargement (3)Approcher Dionysos n’est pas une mince affaire, nous pouvons y laisser la raison, devenir « fou ». Mais sans lui nous ne connaîtrons pas les mystères, les transes libératrices, les ivresses fécondes et les chemins de la création.

Peu de dieu ont autant fait parler d’eux, tant il est représentant d’un domaine qui fascine et hypnotise, écho de nos plus profondes aspirations et confrontation avec l’Ombre. Dionysos nous attire car son mystère touche aux couches les plus archaïques de notre aspiration à passer les portes de la perception. Il nous effraie aussi par les excès et les dérives qui nous menacent lorsque nous basculons dans nos propres folies mortifères.

La lecture d’un mythe dans son contexte est toujours une grande révélation sur le sens qu’il porte, celui de Dionysos ne fait pas exception. A travers son histoire, ses cheminements et ses actes nous pouvons suivre le message induit pour la psyché qu’il sous-tend, comprendre et intégrer le sens qu’il nous propose de ses fonctions, de ses réalités et de ses fantasmes. Nous pourrons aisément saisir l’essence même, la quintessence, de ce qui se cache sous l’extase, l’ivresse et la folie dont il est le porteur et le gardien.

Le gardien

Le culte de Dionysos dont les traces nous sont parvenues se situe à la jonction des cultures. Les anciens mythes, les anciennes croyances, ne peuvent pas avoir totalement disparues, comme les archétypes ne peuvent mourir et ne s’accommodent que peu à peu au temps qui les incarnent. Or lorsque se trouvent encore les traces vivantes des anciens dieux, que les nouveaux sont tout juste montés sur les marches de l’Olympe, nous trouvons de ces dieux « troubles », qui tentent par tous les moyens de rééquilibrer le monde.Diony statue antique

Nous trouvons de ces figures divines qui mues par leur nature même, essaient sous toutes les formes d’éviter le pire, la bascule dans un extrême et la perversion de la Nature profonde des « choses ». Dionysos est un de ces dieux, un dieu majeur, car il parle des profondeurs psychiques les plus archaïques, les plus fascinantes, les plus « magiques ».

Qu’il fasse partie de ces anciennes croyances refoulées par les nouvelles est attesté dans le fait que dès son enfance, puis tout au long de son parcours, Dionysos est confronté à la non-reconnaissance de sa nature divine. Dans le contexte grec de l’archétype en marche il est clair que la croyance au divin Féminin dans toute sa royauté et en son Fils aimé, avec toutes leurs fonctions, ne sont plus reconnues. C’est ce qui met en souffrance et rend les gens « fous ».

Dionysos est le fils de Zeus et de Sémélé. Zeus, nous le connaissons, est un dieu majeur du monde patriarcal faisant régner sa loi qui, dans la majorité des cas, fait de lui un violeur. Sémélé est d’une toute autre espèce. Si l’origine de son nom semble incertaine, les spécialistes semblent s’accorder sur le fait qu’il est lié à la terre, plus encore, par son origine à la fois indo-européenne et phrygienne il fait part du lien de la Déesse à la nature sacrée de la Terre, de l’Humus. Par conséquent nous pouvons voir Sémélé comme un avatar de l’ancienne Grande Déesse et de son incarnation terrestre. Le détail n’est pas anodin, il fait de Dionysos le fils de la Grande Déesse, toute déchue soit-elle et il saura se souvenir de ça.

Diony coupeComme dans tous les mythes « retournés » par le patriarcat, l’épouse du Dieu Senex[1], réduite au rôle de « femme de », ne peut que s’offusquer des infidélités de son « mari » et se venge : Héra met en place un stratagème pour détruire Sémélé. Elle lui propose de regarder le dieu Zeus en face, pour être sûre qu’il n’est pas un monstre afin qu’elle soit brûlée par le feu du dieu. Cet épisode n’est pas sans rappeler celui dans le mythe d’Éros et de Psyché où les sœurs de Psyché lui conseillent de regarder à quoi ressemble son monstre d’amant. Si Psyché se retrouve déchue, tombée dans les affres tortueuses de l’amour pour Éros, Sémélé meurt brûlée et se retrouve en enfer : voir les réalités mène aux prises de conscience douloureuses et initiatiques.

Ce féminin blessé ne peut porter ses fruits à maturité, il en ressort des calamités et des douleurs, c’est ainsi que naissent les jumeaux d’Arihanrod, la Grande Déesse galloise, violée par la baguette d’un druide, c’est ainsi que vient au monde Narcisse, fruit du viol de Liriope par Zeus, encore une fois.

Ce dieu Senex qui veut tous les pouvoirs, y compris celui d’enfanter, récupère l’enfant et le porte dans sa cuisse, tout comme il se veut père et mère d’Athéna, façonnant des enfants à sa guise, dans le culte du seul père.

Or,  le rôle de Dionysos, la fonction qu’il représente, est de nous rappeler que l’absence de Féminin sacré et de tous les mystères qu’il recèle, mènent à la démence. Cette énergie primitive du Masculin allié au Féminin ne peut être détruite : soit elle est sanctifiée et joue son rôle de reliance avec la magie du Cosmos, nous relie à notre âme, nous laisse éprouver la transe cosmique, soit elle est occultée et se « pervertie », devient dangereuse : elle rend « fou ».

La folie

Dionysos n’est pas le dieu encourageant les excès, la folie meurtrière et la démesure, il est celui qui peut nous en libérer en donnant accès aux portes de la saine folie, de la transe inspiratrice, de l’ivresse sacrée. Tous les personnages qui refusent de le reconnaître deviennent « fous », fous furieux, jusqu’à dépecer leurs propres enfants. C’est la porte ouverte à la cruauté, à l’inhumanité. La fonction archétypale de Dionysos est claire, il nous invite à vivre l’expérience, il nous confronte à cette réalité de l’âme. Coupés de nos élans vitaux, de nos instincts, de notre écoute aux chants de l’âme la plus lointaine, nous perdons la tête. Ce que dit Dionysos c’est que relié au Féminin en soi, au Féminin sacré, nous avons accès aux mystères. Renouant aux sources de l’âme, portant les habits des femmes (tout symboliques qu’ils soient) acceptant cette part de nous-même, sauvage, intuitive, inspiratrice et lui donnant la place de s’exprimer, la place sacrée parmi les dieux de l’Olympe (voir Sémélé), lui offrant notre couronne ( abandonnant le pouvoir de l’égo, de la « loi » patriarcale) comme Dionysos le fait pour Ariane, nous pouvons accéder à ces canaux qui ne sont pas les chemins de l’esprit mais ceux de l’âme (cf James Hillman) : l’émotion, la sensibilité, l’intuition, la tendresse, la créativité, la sensualité (ce que disent les sens) et l’Érotisme (du dieu Éros).  Redonner un sens sacré à ces fonctions nous permet de renouer avec l’âme qui alors soutenue par Dionysos porte une couronne de fleurs, danse et chante, se meut, se courbe et parsème le monde de joie.

.Dionu parlant avec Hermes

Si tel n’est pas le cas, s’ouvrent les portes de la folie démoniaque, orgiaque, destructrice, et Dionysos de nous proposer la tentation, d’y puiser à la source. Qu’allons- nous faire de ce que nous ressentons, sentons, ce à quoi nous vibrons ? Allons-nous le bafouer au risque de tout pervertir ou bien le sanctifier pour en faire une danse  ? A notre choix Il portera la démesure et la folie mortifère ou la transe vivante de la joie de vivre.

Dionysos le dieu taureau, le dieu du Féminin

Il ne fait, pour moi, aucun doute que Dionysos est un dieu héritier des dieux archaïques. De par ses cornes de taureaux, ou d’agneau, il est relié aux iconographies classiques des dieux « jardiniers[2] », Taureaux, Béliers. Mais sa nature même, fils et époux, qui guide le Féminin vers sa propre réalisation, monté au ciel (Il ramène sa mère auprès des dieux de l’Olympe et honore Ariane de sa couronne, voir plus bas) en confirme l’hypothèse.

Il est dans de nombreux mythes question du chemin initiatique des hommes, qui demande d’aller de la Mère à l’Épouse, de la Mère à la Femme, de sortir des jupons de « Maman » pour caresser les jupes de L’Alter Ego. De nombreux dieux font ce parcours initiatique, avec plus ou moins de réussite. Éros y arrive après avoir pleuré dans les chambres maternelles en retournant auprès de Psyché, lui redonnant vie. Lleu quant à lui ne réussit pas le test quand moribond dans l’arbre, dépecé et dévoré par la truie il tombe dans le « giron » d’un druide et non dans les bras, le cœur, de Blodeuwedd. Christ n’y parvient pas plus, disant à Marie Madeleine « ne me touche pas » et passant des bras de Sa Mère éplorée au service de Son Père.

cratère psykter Diony et le thiaseDionysos est différent, car non seulement il est le fils direct de la Grande Déesse, mais dans la version orphique du mythe les Titans coupent Dionysos en morceaux et le font cuire dans une marmite, ce qui a tout de l’initiation primitive : cuire dans un chaudron. Il est initié d’emblée. De ce démembrement c’est son cœur qui sera ramassé pour être donné à Zeus. Il est question de cœur, d’âme. Il grandit dans une grotte, une île où il s’imprègne et développe sa Nature « sauvage » de même nature que la Grande Déesse, grande pourvoyeuse de fruits de fleurs, d’animaux.

C’est dans le domaine de Cybèle, manifestation de la Grande Déesse, qu’il est initié aux cycles de la résurrection après la mort, de la gestation interrompue et de la reprise, souterraine et céleste à la fois. C’est ici qu’il est initié aux mystères de la transe et de l’ivresse, ivresse de l’âme et de la chair, physique et métaphysique. En quelque sorte il est initié aux mystères du Féminin par le Féminin lui-même, il se relie avec son âme, il est à la rencontre de son Anima.  Lorsque la femme déploie son Anima, son féminin (le double voir P. Solié M. Cazenave), c’est qu’un Animus dionysiaque le lui a révélé, percé, mis au jour. Lorsque l’homme est en prise avec Anima, il fait face à tout ce qui est féminin en lui, il en approche alors les mystères. Il pourra, de cette manière, passer de la mère à l’épouse, de la maman à La femme, et laisser vibrer en lui les cordes sensibles, atteindre la plénitude de son être, la magie de la Vie.

De la mère à l’épouse

dionysos et séméléA aucun moment Dionysos ne blesse le féminin, le viole, l’enferme dans une tour, lui bloque une porte, l’enferme dans le silence, nous sommes loin des héros guerriers de la mythologie grecque. Mieux, sa mère reléguée aux Enfers, il descend la chercher en plongeant dans un lac, le lac Lerne, en quelque sorte en plongeant dans les strates humides de l’inconscient. Il est attesté que ce plongeon est associé à de nombreux rites initiatiques en Grèce ancienne, liés au passage de l’adolescence à l’âge adulte et nous ne pouvons que constater que sur le plan symbolique, il s’agit d’approcher la mère morte (celle tuée par l’idée patriarcale), et de la « monter au ciel », parmi les dieux, où elle devient immortelle sous le nom de Thyomé. Dans le contexte du mythe Dionysos redonne à la Grande Déesse sa place légitime, de Déesse primordiale, de Féminin Sacré.

Mais Dionysos ne s’arrête pas là, il va chercher l’Épouse. Non pas l’épouse telle qu’elle est conçue dans le monde patriarcal, celle de la raison, il va chercher l’Épouse du cœur. Il va chercher celle qui est blessée, trahie, abandonnée par ce monde patriarcal, Ariane, sur l’île de Naxos. En cadeau d’épousailles, en hommage, Dionysos jette sa couronne dans le ciel (Couronne Boréale) geste qui divinise Ariane. Ce détail est explicite du Roi, du Dieu, du Masculin qui relie sur un plan symbolique et sacré sa couronne, sa royauté, au Féminin aimé. Nous sommes en présence d’un vieux schéma mythique du monde, comme Enki et Ninhursag de Sumer, jusqu’au Roi Celte qui ne peut régner sans la royauté première de la Déesse.

Diony et ariane Albacini

Dionysos se révèle le Grand Dieu qui tend à réparer le Féminin, à le réhabiliter en la femme et en Anima. A ce titre il est un dieu majeur et précieux, particulière guérisseur dans un monde déjà entaché par les schémas patriarcaux de la période grecque.

Il n’est pas possible de conclure cette approche sans parler de l’essence même de la thématique. Il y a dans l’approche spirituelle dont je parle, un lien tenu entre la matière et l’âme, un lien sacré entre la chair et l’âme. Cela induit une expérience particulière de tous les actes qui mettent en œuvre la chair, c’est à dire sentir, goûter, écouter, ressentir, voir et bien évidemment, (il est question de Dionysos), la sexualité. Il est question d’extase, il est question de transe, quand toutes les dimensions sont réunies, la matière, l’esprit et l’âme. Cette expérience tant décrite dans les textes les plus anciens de Sumer ou dans les Chants de l’Inde à la déesse Kali, nous donne une clé pour la lecture de Dionysos. Ces expériences vibratoires qui jaillissent lors de connexions profondes entre la matière et l’âme ouvrent les portes des mystères et de la joie dionysiaques. Il ne suffit pas de s’enivrer, de se défoncer, de se faire vibrer à coups de butoir pour ressentir l’extase, Dionysos nous indique que nous devons y mettre du féminin, de l’âme, c’est l’âme qui donne la vibration ultime et la jonction la dimension sacrée : le Hierogamos. Hors de ce lien, de cette intention, le clivage s’installe et la folie meurtrière nous guette, ne serait ce que le meurtre de l’âme. L’âme esseulée se cloître, s’insurge et l’ombre, sans oxygène, explose de tous les maléfices. Les hystériques du XIXe siècle ne ressemblent-elles pas à des Ménades délirantes ? En acceptant de perdre la tête tout en sanctifiant l’expérience, en se laissant glisser dans la transe sous l’égide du dieu, dont il ne reste qu’un cœur après démembrement, alors nous pouvons faire l’expérience du sacré.  En acceptant de perde la tête, entreront dans la danse les deux grands Archétypes que sont Éros et Psyché …

[1] Vieux roi, dans le sens qui n’a pas été renouvelé, ne veut pas laisser sa place.

[2] Voir Figures symboliques du Féminin et du Masculin, S. Verchère M 2019, Du Cygne.

Marija Gimbutas… Marija Gimbutas was right

Quelle satisfaction de voir que certains se sont penchés sur les travaux de Marija Gimbutas sans à priori et avec sérieux, pour enfin lui donner raison. Oui il fut un temps matristique où les peuples vivaient autrement que par la guerre et le sang. Oui il fut un temps où des fils, oubliant leur Mère, apprirent à harnacher les chevaux, fabriquer des armes et s’approprier le vivant… Oui il fut un temps…
Demain … Demain je vais poser mes pieds sur le sol de New Grange,  je vais glisser mes semelles sur le sol des Temples de Malte… J’aurai une pensée, un fil de joie pour cette grande dame, qui a tant apporté.

MG texte

Vous trouverez le texte entier sur le site de Annine van der Meer

Aataensic Awenhai, partie 2 du mythe

MosaiCulture Gatineau 2018: Mother Earth, the Legend of Aataensic
MosaiCulture Gatineau

Première femme, première mère, première grand-mère sur terre

La plus ancienne version de la deuxième partie du mythe[1]
(voir première partie du mythe : Aataentsic Femme du Ciel))

L’histoire d’Aataensic ne s’arrête pas quand elle arrive sur le dos de la tortue et que les animaux remontent du fond de l’eau la première Terre…

Aataensic arriva sur le dos de la tortue enceinte d’une petite fille qu’elle appela Lynx (ou celle qui porte des fleurs). Sur ce qui était devenu Turtle Island elle construisit une maison longue (telle que les construisaient les Iroquois). Elles y vécurent heureuses et fusionnelles.

Lorsque Lynx fut en âge de procréer elle tomba enceinte du dieu du Vent du Nord..

Ses enfants furent deux paires de jumeaux. Deux filles, fille du Nord et fille du Sud. Et, deux garçons, garçon de l’Est et garçon de l’Ouest.

Épuisée Lynx mourut et fut inhumée sur Turtle Island où elle se transforma en terre féconde et nourricière : le « lait de la terre », le maïs, jaillit de ses seins, la courge de son nombril, les haricots de ses pieds. Ce sont ses trois autres enfants, trois filles sacrées. Dans certaines versions le tabac jaillit de sa tête.

La mort de Lynx affecta tellement Aataensic qu’elle sombra dans un chagrin profond. Pour attirer l’attention de leur grand-mère les enfants rivalisèrent entre-eux en agrémentant la Terre de forêts et d’animaux. Leurs créations étaient antagonistes, dès que l’un eut inventé les fraises, l’autre inventait la rose épineuse. Quand l’un produisit de paisibles animaux, l’autre créait les bêtes rugissantes. Pour finir l’un d’eux provoqua un âge de glace, menaçant toute vie. La Grand-Mère sortit de sa torpeur et demanda alors qu’il reste sage à l’intérieur d’une montagne où son frère l’enferma.

La vie repris son cours.

Devenue vieille La Déesse partit se retirer dans le monde souterrain et en partant créa la Voie Lactée, le « Chemin des Esprits » pour montrer à ses petits-enfants le chemin vers elle. Pour qu’ils puissent mesurer le temps elle plaça la lune dans le Ciel.

Son petit-fils de l’Ouest et sa petite fille du Nord vivaient avec elle sous les Rocky Mountains. Ils divertissaient les Esprits de la Terre des morts. Son petit-fils de l’Est et sa sœur du Sud hissèrent leur grand-mère jusqu’à la lune et, depuis, son visage y sourit. Eux trois divertissent les Esprits du Ciel des morts et Aataensic les renvoient afin qu’ils renaissent.

Voie lactée
La Voie Lactée

La version de cette partie du mythe n’est pas encore entravée par les censures catholiques et ne porte aucune trace d’une trame patriarcale. Son schéma très archaïque nous montre parfaitement celui que nous retrouvons dans les mythes les moins déviants de leur origine. Le Féminin descend du Ciel, s’incarne, puis descend dans le monde souterrain pour enfin remonter au Ciel. C’est bien le même schéma que nous avons dans le mythe irlandais de La Courtise d’Etaine, dans La Caverne Céleste du Japon d’Amaterasu. Mais plus archaïque encore, il ne montre pas de Masculin violent, violeur, guerrier, qui signe l’arrivée du patriarcat. Le Masculin est présent, mais il est « petit- fils », ce qui n’est pas sans rappeler le schéma archétypal de la Grande Déesse et de son fils-Amant, tout en exposant des caractéristiques encore plus anciennes : Lynx ne conçoit qu’avec le dieu du Vent du Nord. Le Masculin met en œuvre le monde crée par la grand-mère, il ranime la grand-mère, il hisse la grand-mère. La seule force qui meut l’ensemble c’est l’amour de la mère pour la fille, de la grand-mère pour les petits-enfants, des enfants pour leur mère et grand-mère. Pas de conquête, de volonté de possession, de « contrôle ». Ce mythe n’est pas naïf, il est archaïque, cosmique, à la source du monde. Il nous écrit la nature profonde du divin, le sacré de la Nature et du lien que nous avons avec « elle ». Il nous rappelle comment nous sommes à l’origine. Il est la Nature seule et notre Danse sacrée, Le Féminin créateur et nourricier, le Chemin qui est le sien dans son essence profonde, quand il peut agir sans diktas.

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Du coté des Archétypes féminins Aataensic couvre le spectre d’un bout à l’autre : fille, mère, grand-mère. Chute, descente, remontée[2], du Ciel à la Terre, de la Terre au Monde souterrain, du Monde souterrain au Ciel : Elle a accompli l’unification de la Terre et du Ciel. Et, surtout, elle joue le rôle de celle qui fait passer de la mort à la renaissance, cette fonction très caractéristique des Grandes Déesses, telle que Morrigu[3] ou Kali. Cette énergie particulière qui fait émerger la vie de la mort, comme Isis avec Osiris … Il y a aussi du Déméter… qui pleure sa fille. Nous n’avons pas le mythe original de Déméter, celui que nous connaissons est déjà passé par le prisme patriarcal, mais nous pouvons aisément imaginer combien la remontée de Koré/Perséphone devait être plus aisée et moins violente que celle que nous lui connaissons. Depuis Aataensic il a fallu « manger les pépins de grenade » qui n’ont pas la réputation d’être très agréables ! Et depuis les pépins de Grenade acidulés, le Féminin a avalé bien d’autres amertumes.

Mais la mythologie amérindienne nous dit aussi autre chose comme Heide Goettmer-Abendroth n’oublie pas de le mentionner (Et nous prendrons le temps de nous pencher sur cette particularité). Les « sociétés médecines[4] » amérindiennes travaillaient (travaillent encore) avec ces mythes, ce mythe chez les Iroquois. Cela nous donne une vision réelle de la pratique chamanique qui n’est pas détachée des mythes, des dieux, du religieux : « La croyance traditionnelle en la divinité de la féminité est aussi en train d’avoir de nouveau cours aujourd’hui et elle est particulièrement associée aux cérémonies des sociétés médecines de femmes. Le plus ancien et le plus puissant des esprits est la mère totale, dans tous ses aspects, en tant que fille, mère et grand-mère. Son nom iroquois est « Aetensic » ou « Awenhai »[5]… »

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J’aime profondément ce conte d’Aataensic, de cette Femme du Ciel, sans aucun doute parce que j’y trouve mon chemin, moi qui suis à l’âge des grands-mères : il couvre le cercle de ma vie de femme. Je l’aime aussi par sa beauté, sa vibration sauvage, sa forme cosmique, sa poésie…  J’y entends le bruissement des feuilles des arbres, le chuchotement des sources, le reflet de la lune et le cri des oiseaux. J’y sens l’humus de la terre, le terreau… J’y vois le soleil qui se lève et qui chute, tourne sa lourde tête dans le flanc des montagnes, puis revient à moi, dès l’aube…. Cette poésie touche l’âme car nous sommes de même nature que les feuilles des arbres, le chuchotement des sources, le soleil et la lune… de la poussière d’étoile…

 

 

 

[1] Après de nombreuses recherches sur les différentes versions proposées du mythe d’Aataensic, cette version est donnée par Heide Goettner-Abendrothqui tient ses sources de Barbara Alice Mann (Les sociétés matriarcales, Editions des femmes, 2019). Elle rejoint en de nombreux points les plus anciens mythes connus de la Grande Déesse des origines.

[2] Voir mon ouvrage Les Figures symboliques du Féminin et du Masculin, Du Cygne, 2019.

[3] Voir mon ouvrage La Femme dans la société celte, Du Cygne, 2014.

[4] Médecines mais avant tout spirituelles

[5] Heide Goettmer-Abendroth, Les sociétés matriarcales, Editions des femmes, 2019, p. 378.

Les séminaires voyage d’Anima Mundi

 

Je vous présente les séminaires voyage d’Anima Mundi auxquels je participe en tant qu’animatrice

​​Les réservations pour le séminaire à Malte : « sur les traces de la Grande Déesse »  sont en ligne

Visite des temples et de l’hypogée, séminaire, ateliers, sur les traces de la Grande Déesse
Je vous parlerai des plus anciennes croyances du monde, de l’évolution de la Figure du Féminin sacré, des rites et de la perception archaïque du Divin
Nous prendrons le temps de confronter nos échos intérieurs aux vestiges extérieurs d’un archétype majeur du Féminin …

Pour des impératifs de réservation, les inscriptions doivent être faites au plus tard le 1 mars 2020.

Il reste des places pour le séminaire « Les chemins mythiques et spirituels de l’Irlande, célébration des feux de Beltaine »

Visite du Centre sacré de l’Irlande, de Tara, de New Grange et Bru na Boinne, célébration des feux de Beltaine, séminaire, ateliers
Je vous parlerai de la spiritualité celtique, des liens tenus qu’elle gardait avec les croyances antérieures, la place prépondérante de la Grande Déesse
Nous célébrerons Beltaine sur le lieu même où cette célébration avait lieu à l’époque celtique, le Centre Mythique et sacré d’Eriu.
Je vous conterai les mythes en faisant le lien archétypal qui s’y rattache…

Pour des impératifs de réservation, les inscriptions seront closes le 15 novembre 20219.

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Célébrer Beltaine en Irlande

Tara feu de BeltaineVoyage en Irlande mythique et spirituelle : célébrer les feux de Beltaine sur le site mythique de Uisneach, arpenter les sentiers de Tara, entrer dans le ventre de New Grange.... Appréhender par la présence et le regard ces sites vieux de milliers d’années. Ecouter l’écho de ce paysage en Soi. Explorer les mythes et les archétypes qui s’y rattachent… Je serai l’accompagnatrice de ces voyages extérieurs et intérieurs du 9 au 11 mai 2020. Je m’en réjouie d’avance.

 

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Artémis

artémis ephese
Artémis d’Éphèse

En Grèce une déesse a développé une adaptation particulière au monde patriarcal qui la soutenait. Artémis, Ἄρτεμις / Ártemis, est la fille de Zeus et de Léto et la sœur jumelle d’Apollon. Pour Platon elle est ρτεμές / artémès, « intègre, sain et sauf ». Il est un fait qu’Artémis peut naître malgré la malédiction d’Héra, malgré le sort elle sera « saine et sauve ». Première à naître elle aidera sa mère à accoucher de son frère Apollon. En ce sens Artémis accompagne la naissance du masculin, d’un Animus qui est de même nature qu’elle-même, un frère jumeau.

D’autres ont rapproché son nom avec ἄρταμος / artamos, « boucher », Artémis est donc aussi « celle qui tue ou qui massacre ». La dichotomie de son nom parle du double profil : celle qui accompagne la vie et celle qui la prend. Voilà une des caractéristiques qui nous rapproche de la Grande Déesse des origines, comme l’écrit Marija Gimbutas « Celle qui donne la vie et celle qui donne la mort sont une même déité[1] » et nous allons voir comme la déesse donne la mort, non pas n’importe comment, ni à n’importe qui, mais dans une dynamique toute particulière, avec une grande force, dans une justice établie et divine, l’Ombre ancestrale de son aïeule.

Certaines versions disent que Zeus se désintéressa de Léto dès qu’il prit connaissance de sa grossesse et qu’elle se retrouva, en quelque sorte, bannie. Il est arrivé la même chose à Nout en Egypte. Ayant eu connaissance de la liaison qu’elle eut avec Geb le dieu de la terre, « Ré entra dans une grande colère et, lorsqu’il apprit qu’elle était enceinte, il lança contre elle une imprécation : il ne tolérerait pas qu’elle accouchât, ni dans les jours ni dans l’année qui suivraient. Or les jours passaient, le terme approchait, l’angoisse de Nout augmentait. Elle chercha où se cacher, mais ne trouva nul endroit où elle eût pu se réfugier et se soustraire, ainsi que sa progéniture attendue, à la vigilance implacable de Rê dont l’œil ne la quittait pas, relayé la nuit par celui tout aussi vigilant de la lune. C’est alors que Thot vint à son secours[2]. »

zeus et hera
Zeus et Héra

En Grèce, la version la plus courante est celle d’Héra en colère, « méchante », car jalouse et délaissée par son mari, qui va lancer la malédiction. Elle interdit à Léto d’accoucher sur terre ou sur mer ou encore elle demande à tous les dieux de ne pas l’accueillir. « Désespérée, elle erra, cherchant partout un refuge. Elle vit enfin une parcelle de terre qui flottait sur la mer ; ce fragment n’avait pas de fondation et dérivait de-ci de-là, au gré des vagues. C’était Délios, de toutes les îles la plus exposée au danger et, en outre, rocheuse et stérile. Mais lorsque Léto y mit le pied et demanda asile, l’îlot l’accueillit avec joie et, dans le même instant, quatre solides piliers surgirent du fond de la mer et la maintinrent à jamais fermement ancrée[3]. » Il est intéressant de voir que l’île n’est pas ancrée et stérile tant qu’aucune présence divine ne se pose sur son sol. De voir aussi comme elle est exposée au danger, tant que la Vie ne se propose pas, elle est comme un possible, un rêve, une promesse mais pourrait à chaque instant disparaître ou se dissoudre. Par contre, il suffit d’une

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Léto, Apollon et Artémis

déesse prête à enfanter pour que non seulement elle fasse son ancrage et que « quatre piliers la maintiennent. » Comme dans les rêves, chaque détail compte et l’ancrage se matérialise par un symbole de projet d’incarnation car enfin, c’est dans l’inconscient que se prépare la conscience. Il est même rajouté parfois que Poséidon pose une voûte liquide afin de soustraire la mère et ses enfants du regard des dieux et en particulier d’Héra. Une île au milieu de l’océan protégée par le dieu de la mer est sans conteste possible assimilable au symbole du Soi dans l’inconscient. L’image est très forte et suggère que, quoiqu’il arrive, le Soi peut toujours, dans le secret de l’inconscient, générer une nouvelle essence de l’être, un nouveau possible, y compris du féminin. Cela nous ramène à Thot qui vint au secours de Nout, Thot étant le Dieu-Lune, le maître de la nuit, de l’inconscient.

leto artemis apollon

Léta eut deux enfants, une fille et un garçon. Artémis, tout comme Isis avec son frère Osiris, est porté dans le sein de sa mère. Pour Isis, son frère est aussi son amant, son amour, pour Artémis son frère est son ami le plus sûr et le plus complice.

Sur le plan symbolique l’inceste divin exprime une union sacrée entre deux entités de même nature-sacrée, issus de la même source divine, le ventre de la Déesse. Apollon est le fils solaire des pères dominateurs. Lorsque le fils lunaire, tel Osiris ou Tristan, fait place au fils solaire, il perd ses prérogatives d’amant, mais reste un frère qui peut nous aimer, nous verrons qu’Artémis intègre l’Animus différemment des déesses et de leur fils/frère-amant. Artémis protège le féminin et toute son essence de ce monde hostile. Et son frère ne sera pas en reste pour l’accompagner dans ce périple. Nous ne devons pas oublier qu’Apollon est le dieu de la Vérité, de la conscience pure qui fait face et éclaire l’ombre. Nous oublions trop souvent qu’Apollon n’est pas le soleil, « précisons que le Dieu-soleil était Hélios[4] ». Cette vérité, cette lumière est « frère » de la déesse qui aida à sa naissance et qu’il protégera, aidera dans son combat pour la survie et la maintenance de son règne. De leurs combats et de leurs tueries nous retiendrons qu’ils protègent « la » mère et ce féminin archaïque, fécond, indépendant d’où le terme « virgo » affublé à Artémis sur lequel nous reviendrons.

dianeIl est dit qu’à peine nés ils tuèrent un dragon venu les attaquer tous trois, ce dragon des fonds de l’inconscient collectif, cherchant à engloutir la conscience à peine éclose. Ce dragon, Mère Archaïque, omniprésent dans de si nombreux mythes menace le royaume conscient. C’est le premier monstre que combat Tristan sur la terre d’Iseult. Cette libido énergie archaïque ayant le pouvoir d’un seul de ses appétits de dévorer ses enfants. Lorsqu’un possible sursaut de la conscience, qu’elle soit collective ou personnelle, émerge, elle est menacée par les vagues surgies des profondeurs. L’élan de vie s’effondre, se dissout, est englouti. Pourquoi la Mère première ne dévore pas ses enfants, mais les couvent, alors que la Mère ultérieure devient ce dragon malfaisant ? La réponse est induite dans le personnage même d’Artémis, le féminin, comme le serpent bienfaisant, peut devenir destructeur lorsqu’un danger se présente, la justice, la sagesse du féminin originel qui est capable de tuer d’un coup de dents, d’une morsure venimeuse, le germe d’un processus qui pourrait être mortifère. Dans ce cas l’attaque n’est pas « méchante » par nature, mais « juste ». Lorsque les chevaliers des contes mènent un combat contre le dragon primordial, ils gagnent toujours s’ils ont le cœur pur…

C’est frère et sœur, qu’Artémis et Apollon tuent les enfants de Niobé qui « ordonna aux Thébains de lui rendre un culte au détriment de celui de Léto : « Vous brûlerez de l’encens à Léto » leur dit-elle « qu’est-elle auprès de moi ? Elle n’a que deux enfants, Apollon et Artémis. J’en ai sept fois autant. Je suis Reine. Elle n’était qu’une errante sans foyer jusqu’à ce que la petite Délos, seule de toutes les cités de la terre à consentir à la recevoir. Je suis une muse puissante et grande-trop grande pour que quiconque, hommes ou dieu, puisse me faire du mal. Offrez-moi des sacrifices dans le temple de Léto, qui sera désormais le mien et non plus le sien. » Les mots insolents proférés par l’arrogante conscience du pouvoir étaient toujours entendus dans le ciel et toujours punis. Apollon et Artémis, l’archer divin et la divine chasseresse, glissèrent rapidement de l’Olympe jusqu’à Thèbes, et décochèrent leurs flèches avec un art mortel, ils tuèrent tous les fils et toutes les filles de Niobé[5]. » Niobé veut prendre la place de Léto par fierté, par jalousie, les enfants divins ne peuvent l’accepter. Chaque fois que le féminin est en danger, menacé de blessure, de viol et de désacralisation, un tabou est transgressé. Chaque fois l’agression est commandée par une méchante sorcière ou un Senex, un dieu pour qui l’amour a fait place au pouvoir.

temple artémis
Temple d’Artémis

Il n’y a pas pour Artémis d’époux possible, dans son monde le masculin est unilatéral, patriarcal. Lorsque la conscience du temps présent n’offre pas au féminin un possible Animus fidèle à sa nature, il peut faire appel à ses ressources intérieures et archétypales, s’armer d’un Animus de la vérité, frère jumeau de sa naissance ou qui se manifeste dans son intériorité même : un arc et des flèches. Lorsqu’elle est cachée, reléguée dans l’ombre, elle peut encore briller de tous ses feux par son Esprit éclairé. C’est le feu antique, le soleil antique de sa manifestation qui glisse et œuvre à travers son essence. Artémis garde les traces du feu flamboyant de son origine et les feux gardés dans ses temples en étaient la preuve irréfutable.

C’est pourtant à son père Zeus, l’Animus hérité, qu’elle ira demander les armes qui seront siennes. À l’âge de trois ans, assise sur ses genoux, elle lui demande : de rester toujours vierge, et de porter assez de noms divers pour qu’Apollon ne puisse le lui disputer. Elle veut, comme son frère un arc et des flèches, tout en précisant que ce n’est pas à son père de lui donner, mais aux Cyclopes. Ce n’est donc pas de la conscience ambiante qu’elle aura ses armes défensives et guerrières, mais des strates les plus anciennes, plus archaïques, des strates prenant racine dans la psyché collective où la Grande Déesse règne en maîtresse. De son père elle obtiendra de pouvoir porter des flambeaux et de revêtir une tunique à franges qui ne lui descende que jusqu’aux genoux, pour ne point, l’embarrasser. Forte des puissances naturelles d’une Grande Déesse antique elle se pare d’attributs lui permettant d’être libre et mouvante, ayant la capacité de se défendre, de ne pas tomber dans la dépendance d’un patriarcat dominant. Pour renforcer son lien à l’origine première, elle s’assure d’être accompagnée de soixante filles de l’Océan, qui soient toutes à l’âge où l’on ne porte point encore de ceinture. Il n’y a pas, pour Artémis, de compagne entachée de suggestion, de malédiction, de « culture patriarcale », seulement des filles encore « sauvages » rodant dans l’inconscient.

Elle demande les montagnes sur lesquelles courent les forêts et les animaux sauvages. « Que toutes les montagnes soient les miennes », déclare-t-elle dans l’hymne de Callimaque de Cyrène. Elle s’y cache et s’y renforce, c’est Son Royaume, le royaume d’origine de la Grande Déesse des premiers millénaires. Elle erre aussi dans les agros, les terres en friches, incultes et peu fréquentées. Si elle ne demande qu’une ville, son père lui en offre trente, mais elle ne s’approchera qu’aux moments où les femmes, travaillées des douleurs aiguës de l’enfantement, l’appelleront à leur aide.

Pan lui donne les chiens de sa cour et elle capture quatre biches aux cornes d’or. En quelque sorte elle s’approprie ce qui lui revient, aidée du dieu le plus ancien, le plus obscur, le plus « naturel » qui soit, Pan, l’allié de toujours dont nous avons déjà parlé. Ici le féminin se relie à ses forces primitives, qui sont son essence, sa nature, la force instinctuelle et la con-naissance naturelle du monde. Elle nous guide sur le chemin qui est celui de notre nature, constamment entourée d’une troupe d’animaux sauvages, d’où son nom Ἡγημόνη / Hêgêmónê, « la Conductrice ». Pour ce faire nous voyons déjà avec Artémis que nous avons besoin de l’assistance d’un Animus sauvage mais généreux, confiant et sûr, qui lui donne accès à ce qu’Elle est, la maîtresse de la nature sauvage et des animaux, c’est-à-dire l’instinct. L’instinct n’est pas à prendre dans le seul sens moderne que nous lui donnons, ce n’est pas juste l’instinct animal, mais aussi l’intuition qui est un instinct psychique particulier. Ce n’est pas un hasard si le porte-parole « inspiré » d’Apollon était une femme, la Pythie de Delphes. C’est cette intuition, cet instinct naturel et sûr qui fait que Zeus ne peut pas lui refuser ce qui lui revient de droit, le monde sauvage et la protection des chemins et des ports, « Elle a sa place en bordure de mer, dans les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises. » Artémis porte aussi le nom de Trivia, « celle qui éclaire la route aux carrefours de la vie », lumière de la conscience à l’heure des choix dont l’intuition et l’instinct ne sont pas les moindres conseillers !

Déesse des carrefours et des frontières, elle est par analogie déesse à la frontière entre le monde sauvage et le monde civilisé où la culture prévaut, elle est la déesse du « passage », de l’initiation. κουροτρόφος/kourotróphos[6] qui préside à l’initiation des petits d’hommes et d’animaux et les accompagne jusqu’au seuil de la vie adulte. Cette capacité de ressource aux mondes sauvages, d’intuition, d’instinct et de vie, corrobore la fonction de porteuse de vie associée à Artémis. Si elle aide à la naissance, relie à la source vitale et naturelle, Artémis est aussi guérisseuse. C’est elle qui guérit Enée, fils d’Aphrodite, blessé à la guerre de Troyes.

Ces qualités, ces capacités du féminin, Artémis en est la dépositaire, et elle va les défendre corps et âme. C’est pour cette intégrité, cette entière réalité sauvegardée qu’Artémis est dite « vierge ». Il ne s’agit pas de vierge dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui et qui est entaché d’une vision patriarcale d’appropriation du féminin par le masculin, d’une vision qui fait de la sexualité féminine une pulsion démonique, une propriété du mâle. Nous devons pour comprendre le sens premier du terme faire l’effort de sortir de nos paradigmes et prendre le temps de percevoir le monde sous un autre angle. Le féminin est vierge lorsqu’il ne porte pas d’enfant, que son ventre est en attente d’accueil (consentant). Mais plus encore ce féminin Vierge est l’héritage direct de la Grande Déesse qui est capable de se suffire à Elle-même ; qui, s’il peut, veut et aime, va à la rencontre du masculin, ne s’assujettit pas à lui mais lui propose un face à face. D’ailleurs si Artémis n’est pas épouse, elle a cependant des amours et des amants, et des enfants. Endymion, champion de la course à pied est un de ses amants. Ils eurent cinquante filles, les Amazones voilà qui, pour une vierge, fait beaucoup d’enfants. Orion, lui, devenu aveugle suite à quelques confrontations avec Oenopion qui demanda à Dionysos de le punir, s’enfuit en Crète où il devint « le chasseur » d’Artémis.

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Dionysos

Et nous avons vu comment cet homme sauvage, cet « Homme-Vert » est par nature et essence le compagnon originel de la Grande Déesse. Entre ces deux-là, il s’agit vraiment d’une histoire d’amour. Mais lorsqu’il délaisse sa bien-aimée pour une autre, et c’est Aurore qui sème le trouble entre Orion et Artémis, la Déesse n’hésite pas, elle décoche une flèche et tue. Il est dit d’autres fois qu’il aurait entraîné sa colère en la défiant à l’épreuve du disque où il aurait tenté de la violer, elle ou l’une de ses nymphes, Opis. Artémis ne prend pas de risque avec un Masculin qui peut à chaque instant se retourner contre elle. Et chaque fois que se présente un masculin renégat à sa cause, chaque fois que sa nature intrinsèque est malmenée, en danger, que la Nature est en danger, que les humains tuent « une de ses chères créatures sauvages[7] » elle n’hésite pas, elle donne la mort, comme le dragon des origines.

Au moindre irrespect, au moindre risque, elle frappe. Observée nue en train de se baigner dans un torrent par Actéon, elle le métamorphosa en cerf. Les chiens d’Actéon, ne le reconnaissant pas, se jetèrent sur lui, le déchirèrent, et le dévorèrent vivant sous le regard d’Artémis. Réponse brutale mais juste à la transgression du tabou, « laisser le féminin tranquille lorsqu’il se régénère et prend des forces », « ne violente pas ». Elle s’en prit à Héraclès qui captura une de ses biches aux cornes d’or  pour la ramener à son cousin Eurysthée. Agamemnon aussi, orgueilleux après la chasse d’un cerf tint ces mots : « Artémis, elle-même n’aurait pu le tuer de la sorte! ». Pour se venger de cet affront, elle immobilisa sa flotte qui se dirigeait alors à la guerre de Troie, et exigea le sacrifice de sa fille Iphigénie. Sur le bûcher, elle l’échangea au dernier moment par une biche, et en fit une prêtresse dédiée à son culte dans un sanctuaire en Crimée. Elle ne passe rien, le moindre oubli engendre son courroux. À Calydon, le roi Oenée oublia Artémis et son sacrifice lors d’un culte. Pour se venger, elle envoya un énorme sanglier dans le pays qui ravagea les terres et tua le bétail.  Otos et Éphialtès, les Aloades tentent de l’enlever et de la violer, elle leur donne la mort. Même ses nymphes ne sont pas épargnées, lorsque l’une d’elles est « souillée » ou risque de l’être, elle la chasse si elle a été séduite, comme lorsque l’une d’elles, séduite par Zeus, telle Callisto qui se retrouve enceinte, elle la chasse de sa suite ou comme Aréthuse qui, poursuivie par le dieu du fleuve Alphée, est transformée en nuage puis en fontaine. On ne rigole pas avec Artémis, on ne joue pas avec le Féminin et l’intégrité de sa personne. Elle intervient toujours lorsque le Féminin est « sali », forcé, désacralisé.

Heracles et la biche
Héraclès tuant le biche sacrée d’Artémis

à la moindre velléité de porter préjudice au Féminin « l’archère » iokhéairê, la déesse « à l’arc d’or », khrysêlakatos, tire et tue. Son arc agit tel un Animus épée de lumière, portant la vérité Cette vérité est déjà ce que représente Apollon, frère jumeau, Animus inconscient dans une psyché féminine en cours de régénération. Au départ, l’Animus est ce père qui renie la fonction créative du féminin. Puis, dans une psyché en cours de métamorphose, il devient le frère aimé Apollon. Comme le dit Jung, « dans un clair-obscur[8] », un complexe autonome personnifié (Apollon !) pour finir par devenir une fonction psychologique avec laquelle nous agissons de concert : « une manière de passerelle qui mène vers l’inconscient[9]. » Cette fonction sûre lui permet de détruire tout ce qui pourrait porter atteinte à son essence divine. Avec Artémis, le ver n’entrera pas dans le fruit. Chez Homère, l’arc se dit βιός/biós, qui se rapproche de βίος/bíos, « la vie ». Artémis est celle qui protège la Vie dans son cycle et pour ce faire n’hésite pas à donner la mort, à tout ce qui représente un danger de distorsion, de perversion, de destruction. Ce n’est pas un hasard non plus si Écho, une de ses suivantes, babillante et volubile tombe dans les filets destructeurs d’Héra dans le mythe de Narcisse, le grand modèle de la perversion « narcissique ». L’essence d’Artémis, représentée par Echo, est ciblée par le féminin mortifère, car Artémis apporte la justice de la vérité, la vérité sur le féminin sacré. Elle porte la lumière, elle guide et son nom est parfois « la radiante », le feu divin, elle possède le qualificatif de phōsphóros « qui apporte la lumière ». Cette lumière est un trait de l’esprit, un Animus, une conscience éclairée capable d’irradier. Florence Quentin le note à propos de l’Egypte « On pourrait d’ailleurs s’interroger sur le fait que, dans la symbolique égyptienne, c’est le féminin qui transmet, bien plus que son pénis manquant, son phallus (symbolique) au masculin, tout autant qu’elle lui transfuse l’esprit[10]. » D’ailleurs en Egypte aussi se trouve une déesse qui tue les démons de ses flèches, Neith

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[1] Marija Gimbutas, Le Langage de la déesse, éditions des Femmes, 2005, p. 336.

[2] Nadine Guilhou, Mythologie égyptienne, Poche Marabout, Kindle, 2005, emplacement 1307.

[3] Edith Hamilton, La Mythologie, Marabout, p. 384.

[4] Ibid. p. 32.

[5] Ibid. p. 311.

[6] Diodore de Sicile, V, 73.

[7] Edith Hamilton, La Mythologie, Marabout, p. 233.

[8] Carl Gustav Jung, Dialectique du moi et de l’inconscient, Folio, 1964, p. 140.

[9] Ibid.

[10] Florence Quentin, Isis l’Eternelle, Albin Michel, Kindle, emplacement 424-426.