Capsule : Amaterasu, Soleil féminin

Je vous parle d’Amaterasu, la déesse Soleil du Japon, son histoire dans le Kojiki, ses symboles, et la lecture que nous pouvons en faire dans un tirage avec l’Oracle des Gardiennes des Mythes. Retour sur un chemin qui va du ciel à la Caverne Céleste, puis, suite à la danse d’Uzumé, qui montre sa vulve, et le face à face dans le fameux miroir, d’un retour dans le Ciel.

La Déesse au Serpent

Le soleil avait accompagné tous mes pas au Japon. Revenue en France il me semblait solaire d’arpenter quelques lieux « sacrés »

Il en est un « petit », pas très loin de chez moi, de ces lieux encore visités, où des femmes en mal d’amour ou d’enfants vont déposer des gerbes, des bougies, des bouquets.

Je n’y trouve pas la joie et la célébration que je trouve au Japon. J’y trouvais la demande, l’attente, le chagrin aussi. Mais imbibée de mille sources je ne pouvais pas regarder cet espace comme l’expression d’un « isme » bien connu qui berça mon enfance, mon peuple : notre histoire.

Le culte est rendu sur une butte, un tumulus plus exactement sous lequel reposent guerriers, épées pliées, cassées et inutilisables. Sur la butte un arbre ! Je retrouvais l’arbre. A l’est, tout au soleil levant, j’avais vu ces forêts protéger les cultes de la Dame. Ici il était seul, mais tellement présent. Comme un gardien il posait sa ramure, protecteur, apaisant.

Le socle et la statue furent posés après la guerre de 1870 pour remercier Celle qui de son grand manteau posa comme une chappe protectrice sur le village. Ce n’est donc pas si vieux. D’ailleurs le socle de pierre posé à mains humaines n’a rien des vestiges antiques, ni leur qualité, ni leur beauté. Tout semble vite fait, monté, soudé. Soit ! Il y a cependant, un passage sous la statue, comme une grotte, un boyau, ombilic, un ventre. L’empreinte des Dolmen est si réelle en l’humain qu’elle rejaillit ici (la lumière jaillit des ténèbres et la vie de la mort). On doit donc « faire le tour », encore et toujours le tour, une « danse du soleil », un cercle de lune, pour que soit exaucés nos vœux les plus secrets.

Et puis je La regarde ! Bien sûr on reconnait en elle, l’image des visions de Catherine Labouré. Même forme, même geste. Mais moi, imprégnée d’univers, je reconnais les signes, éternité des signes, les signes qui semblent ne pouvoir s’éventer. Sont-ils autant prégnants que l’âme, aussi vieux que le monde, aussi vrais donc ? Elle garde des déesses ce don avec les mains, cette attente de fleurs. Elle trône dans le ciel, comme un soleil radieux. Ses voiles se déploient. Et, à ses pieds surtout, se trouve le Serpent. Pas un serpent vaincu, fauteur de trouble, détournement récent de nos « ismes ». Non se trouve le serpent, le plus ancien du monde, celui du tout début, sur toute la terre, celui qui dans sa gueule porte l’œuf, le soleil. Celui qui l’avale au soir et le recrache au matin : celui qui rythme le Cosmos. Serpent, libido (Jung), ADN ?  Il se courbe et fait une boucle comme celui que tient Kernunos sur le chaudron de Gundestrup. Une boucle, un ovale, ovale comme un œuf, couvé dans son long corps. C’est le serpent du Mount Serpent qui avale le soleil au solstice d’été, c’est le serpent sur les pierres de Gobetly Tepe, c’est le serpent des arbres aux Indes excentrées, qui s’enroule aux arbres et fait jaillir la vie. La pierre, l’arbre et le serpent. Le mont, le ciel, le Féminin sacré.

J’ai perdu les croyances des femmes saintes qui enfantent d’esprits, pendant tant de milliers d’années les déesses ont enfanté comme les femmes, alors je les sens plus proches, plus réelles, plus vraies et celle qui trône sur ce Mont est comme une oriflamme zébrant le firmament.

Kagura à Takachiho !  Un rite artistique shintoïste

Un spectacle ? Est-ce réellement un spectacle, un divertissement ?

D’abord le « spectacle » se fait dans un temple. Il n’y a pas de foule comme nous en connaissons, qui se presse bruyante. Il y a salle comble, mais de gens bien assis, enfin sur les genoux, beaucoup ont porté leur coussin. Moi je peine, j’ai mal aux genoux, aux fesses aussi, je suis européenne…

Tous regardent la scène. Loin des 33 tableaux originaux, qui durent toute la nuit, ce soir nous n’en verrons que 4, mais pas des moindres.

Spectacle divertissant ? Danses folkloriques ? Pas vraiment. Nous n’avons pas oublié le sens qui sous tend à ces gestes, ce n’est donc pas du folklore, ce n’est pas juste divertissant. L’impact est symbolique : refaire et rejouer à l’infini les actes divins des Panthéons n’est pas un divertissement. Cela permet de faire écho aux profondeurs de l’être, ce qui se joue dehors, ce qui se joue dedans, une sorte d’Eternel Retour (Cf Eliade) Renouer à l’Instant, aux sources du monde, aux prémices de la vie, de la création … Il s’agit bien de mythe de la création, ici celle du Japon. Retour donc à nos prémices humaines ….

Voilà le Kagura !  Un rite shintoïste

Il n’y a pas de chant, ils sont 2 à frapper du tambour et jouer de la flute. Ce tambour lancinant qui nous relie aux terres et cette flute légère voltigeant vers les cieux. C’est envoûtant. Enivrant.

Il ne s’agit pas vraiment d’une danse, c’est plutôt un mime ! Refaire ce qui s’est passé in illo temporé avec des gestes

Les 4 scènes de ce soir là étaient les principales. Le dieu Tajikarao se morfond que la Grande Amaterasu se soit réfugiée dans la Caverne Céleste. Plus de vie, plus de joie, le monde ne peut rester sans Elle.

Arrive Uzumé, celle qui danse en relevant ses jupes, réveillant le besoin de vivant, faisant rire les dieux.

Le dieu, devenu rouge, ouvre la Caverne et le Miroir est là, où se mire la Dame

Pour finir Izanagi et Izanami, dont les enfants ont façonné le Japon, célèbrent la vie, le couple amoureux, tous les bienfaits offerts aux humains par la déesse réinvestie du Ciel.

J’aime qu’il ne soit pas question d’un bonheur à venir au – delà, d’un paradis au paradis, d’une promesse hypothétique. J’aime que le divin englobe la joie du faire, du chanter, du danser, du manger et du boire et du baiser, celui qu’échange les 2 protagonistes.

Takachiho Japon janvier 2023

La Caverne de la déesse Amaterasu à Takachiho

La journée se révèle douce et le soleil brille fort dans le ciel. La route a défilé sereine. Le lieu, hautement symbolique se révèle tranquille et comme préservé.

Des arbres, des arbres, des arbres.

Les ombres de leurs troncs bien plantés sont tout emmitouflés de réverbération solaire.

Parce qu’il y a des arbres, des arbres, des arbres, l’endroit est tout perclus de paix, de silence qui parle.

Il m’a fallu croiser quelques marchands du temple, bien sûr. Mais rien à voir avec ce que l’on peut imaginer, juste quelques échoppes, quelques vendeurs. Ici les gens ne font pas de grands gestes, ne parlent pas fort, ne gesticulent pas, ils passent, ils se croisent. Un sourire, un salut, bien sûr le salut. Tout semble si paisible.

Ca réverbère, ça renvoie, ça reflète. Oui le miroir est là.

Il ne reste plus qu’à descendre. En bas se trouve la grotte. Non La Caverne !

L’eau dégouline d’en haut, cavalcade, chuchote, humidité de femme entre des cuises ouvertes ; offerte à mes pas silencieux.

Avant de voir la Caverne nous pouvons déjà voir ces petits tas de pierres que les pèlerins entassent. Ils sont fait d’attention, de minutie, de cette application que mettent les Japonais à faire les choses. Il est impossible d’y toucher, de les buter, renverser, détruire. Il rode comme une odeur de sainteté.

Puis la voilà ! Elle émerge. La Caverne, Celle du Mythe, Celle où Elle s’est cachée, celle devant laquelle Uzumé a dansé, en soulevant ses jupes. Le mythe est là vivant.

Moi aussi je ramasse des pierres, moi aussi je fabrique mon tas. Moi aussi je me penche, tête baissée, corps plié. Je marque ma pliure, un temps si court mais qui donne le sens de mon geste, mais non je ne me plie pas, je salue. Moi aussi je baigne dans la béatitude, dans la paix de ce lieu, dans sa fraicheur et sa moiteur, son humidité, sa terre et ses eaux.

Ici je peux m’étaler de toute mon âme. Il n’y a pas de souffrance que celle de vouloir émerger vers la vie. Pas de sang glorifié, pas de chair mortifiée, juste la Nature, la Terre, la Rivière, les Arbres, la Pierre et le Ciel tout auréolé de lumière.

Plus au nord de Kyushu je tombais sur un autre sanctuaire dédié à Amaterasu. Mêmes arbres, même paix, même silence pointé du chant de quelques oiseaux. Est-Elle ainsi sans pleurs, sans larmes. Juste la paix de vivre. On peut s’enrubanner de l’aube ou se couvrir de nuit, à chaque fois ce sera en douceur, en bruissement d’ailes. Pas de martyrs mais pas de grandiloquence non plus. Juste une joie posée comme un manteau, un écho à ce qui tout en moi frémit.

Puiser sans fin à ces courbes graciles, je suis, je suis la terre qui porte ces arbres, je suis ces arbres qui pointent vers le ciel, je suis cette rivière qui chante et qui s’évade, je suis ce ciel où se dresse un soleil de lumière vivace. Je suis de la Nature.

Takachiho Japon janvier 2023.

Carte extraite de l’Oracle des Gardiennes des Mythes

La démonisation de La Grande Déesse chez les Celtes

220px-Sales_contract_Shuruppak_Louvre_AO3760La mythologie et plus exactement la lecture des versions successives des mythes, nous permet d’observer le changement des mentalités, des croyances, et des tendances psychiques qui les a portés. Par exemple la lecture des différentes versions des mythes sumériens, akkadiens ou grecs permet d’observer clairement la lente désacralisation du féminin*, sa relégation à un statut inférieur, soumis, sombre, et pour finir démoniaque. Ainsi pouvons-nous observer que les premiers chants radieux dédiés à Inanna laissent peu à peu la place aux lamentations d’Ishtar. De déesse flamboyante elle devient au fil des récits la « prostituée » du Roi puis le monstre de la nuit. La Déesse est toute puissante dans les inscriptions que Champollion déchiffra sur le fronton du temple qui lui était dédié à Saïs : « je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, et tout ce qui sera » pour terminer par se lamenter dans les Chants de Gasan-gal :

« Je suis la Souveraine, mais à mon temple E-nun-kug, à ma demeure de seigneurie,
L’Eternité de son règne, pour moi, n’a pas été donnée !
Il passe devant moi, dans les lamentions et les larmes !
A cause du temple, lieu d’euphorie où se tenaient les Têtes Noires
Loin de ces fêtes, leur fureur et leur détresse redoublent.
Devant cette Tempête écrasante, sur mon temple, lieu de bonheur
Sur mon temple saint ruiné, on ne jette plus les yeux !
Le cœur déchiré, des lamentations de douleur. »
(Chant III)

Inanna1Après avoir été la Reine du Ciel et de la Terre, elle devient tout d’abord la « parèdre », la « prostituée », puis peu à peu le démon, le serpent perfide, l’ombre et la dévoreuse. Cette démonisation ne semble pas avoir totalement aboutit dans la refonte des mythes Egyptiens ou Japonais. Isis, bien que devenue la femme « de» Osiris ne se retrouve pas tel un ange noir déchu et Amaterasu au Japon retrouve le trône de son ciel.  La mythologie des Celtes conserve aussi de nombreuses figures féminines maintenues et reconnues dans leur souveraineté et leur autonomie, telle Etaine renouant avec sa part solaire dans les bras de Midir1 ou Mebd reine en son royaume dans la Razzia des vaches de Colley. Cependant quelques-unes nous démontrent que cette démonisation fut à l’œuvre et put dans certains cas, certains lieux, aboutir. Les souffrances de Macha en Irlande et le conte de Blodeuwedd au Pays de Galles en sont de parfaits exemples. Dans le Mabinogi gallois  le schéma suit la trame identifié dans les mythes sumériens de la désacralisation du féminin, de son « formatage » en femme servile, jolie, faire – valoir, sans cervelle, sans autonomie, et par évidence répondant aux dictats du patriarcat « d’être vierge puis fidèle ». Il continue sur la révolte du féminin, sa tentative d’émancipation, sa défaite et pour finir sa démonisation.

Le Féminin sacré est dans un premier temps violenté, abusé (Arianrhod doit sauter par-dessus une baguette pour attester de sa « virginité ») dans le but de lui extirper le pouvoir de force. Ce  n’est plus le Féminin qui octroie au roi « l’amitié de ses cuisses », comme il était de coutume (toute symbolique soit-elle) dans la Tradition des Celtes et tout aussi bien (concrètement) à Sumer, mais le roi qui prend possession du Ventre.

Le Féminin avide de vengeance, en colère, en révolte, refuse de reconnaitre les fils issus de ce viol qui ne peuvent que suivre le nouveau chemin tracé par le patriarcat. Eux –même n’auront que le choix de s’engouffrer dans la mort et l’oubli, tel Dylan rejoignant les Océans maternels, ou Lleu « éduqué » par « le » druide.  Ce rejet de l’enfant du patriarcat par la mère divine se rencontre dans différents mythes que nous aurons l’occasion d’étudier ultérieurement.

La Divine écartée les « hommes » fabriquent un féminin utile à leurs dessins, une femme qu’ils « créent » avec des fleurs, dépossédée de ses prérogatives et de son autonomie, de son essence originale : Blodeuwedd. Lorsque Blodeuwedd prend un amant elle se comporte en femme adultère, pécheresse, mauvaise, suivant les critères patriarcaux, alors qu’en définitive elle ne fait que tenter de retrouver le chemin de son Essence sacrée. Comme dans les mythes de Sumer l’homme sauvage, le « green man », Enkidu, ici l’amant de Blodeuwedd, le chasseur, représente la possibilité, la tentative de renouer avec Sa Nature, restaurer son royaume et sa légitimité. Nous pouvons nous attarder sur un passage qui jusque-là peut sembler très obscur. Nous savons par les textes irlandais que les ébats amoureux de La Morrigane et du Dagda se passent au gué d’une rivière : « Le Dagda avait une maison dans le nord. Il avait cependant rendez-vous de femme cette année-là, à la fête de Samain de la bataille à Glenn Etinn. La rivière Unius de Connaught y gronde au sud. Il vit la femme en Unius en Corann, se lavant, l’un de ses deux pieds à Allod Echae, c’est-à-dire Echumed, devant l’eau au sud, et l’autre à Loscuin devant l’eau, au nord. Elle avait neuf tresses libres sur la tête. Le Dagda lui parla et ils firent une union. Le Lit du Couple est le nom de l’endroit à cause de cela.2 » Passage symbolique d’un lien entre deux rives, de deux fonctions pouvant se rejoindre « au bord de l’eau ». Dans le Mabinoggi la situation « au bord » de la rivière représente la possibilité de tuer Lleu car pour pouvoir le tuer : « on devrait me préparer un bain au bord d’une rivière … 3» puis un pied de chaque côté, l’un sur un bouc l’autre sur une cuve, il pourrait être abattu. En quelque sorte tenter de réinstaurer le lien d’amour et de reconnaissance de l’autre dans son intégrité majeure représente effectivement la possibilité unique de couper court à la montée du mouvement patriarcal car il permettrait la restauration d’un Féminin Sacré dans son entière émanation.

Comme dans tous les mythes où la démonisation est aboutie (Mélusine, La ville d’Is etc.) le Féminin se retrouve exclu, égaré, éloigné, relégué dans les nuits sombres, dragon, sorcière, monstre. Ce féminin qui durant des milliers d’années caracolait accompagné d’un lion flamboyant, d’un taureau majestueux se retrouve alors, esseulé, sous la forme d’une chouette, d’un hibou de malheur.chouette-hulotte-chasse-347541

L’épisode du Mabinogi nous livre des précieux renseignements sur les mystères de la Déesse, ses atours, ses magies, sur l’appropriation faite par les mages du patriarcat, mais un article ne suffira pas pour en faire l’étude et ce sera le thème d’une étude ultérieure.

Quoiqu’il en soit nous avons sous les yeux les trames d’un changement graduel de société, y compris dans la société celte qui fut une des moins touchée par l’invertion. Nous avons aussi des indications précises sur l’impact de ces postures psychiques et sur les méandres de notre âme qui virevolte, subie, se rebelle ou cherche les chemins de son Essence. Les pistes qui mènent aux sources du Féminin sacré se révèlent douloureuses et sombres, cependant elles mènent toutes en un lieu de joie, de vie, un Sydhe, une île aux Pommiers … Et ce lieu aux Arbres sacrés de la Déesse nous le trouvons de Sumer à la Grèce, de Catal Höyük à l’Irlande …

  • Françoise Gange, Les Dieux menteurs
  1. Sylvie Verchère Merle, Le Féminin solaire dans la mythologie, Du Cygne, 2016.
  2. Guyonvarc’h, Textes Mythologiques Irlandais, Ogam Celticum, I, 1, P. 53.
  3. Y. Lambert, Les Quatre branches du Mabinogi, Gallimard, P. 114.

 

Le Féminin Solaire

Paru le 6 janvier 2016 aux Éditions du Cygne  (collection les mythes revisités) :


 Alfred Jarry : critique littéraire et sciences à l’aube du XLe Féminin Solaire dans la mythologie
Etude comparée de La Courtise d’Etaine (Irlande) et de La Caverne Céleste (Japon)

Avant – propos d’Anne Bernard Kearney
Postface de Florence Quentin 

ISBN : 978-2-84924-432-6

14 x 21 cm
176 pages
18,00 €

De nombreuses déesses, comme Isis, Ishtar ou Sol, et de nombreuses héroïnes comme Iseult, Grainné, Guenièvre, contiennent la trace d’un féminin solaire.
Elles ne sont pas les reflets lunaires, mais de flamboyantes figures capables d’enchanter le monde. Dans ces mythes, le féminin apparaît souverain, créateur, et le masculin, chevalier de la lune. Leurs épopées sont autant d’initiations et de métamorphoses qui les amènent à la réalisation de leur essence divine — bien avant les inversions que nous connaissons. A travers l’analyse de La Courtise d’Etaine, figure majeure de la mythologie irlandaise ancienne, et de la déesse Amaterasu-ô-mi-kami dans le mythe japonais de La Caverne Céleste, cet ouvrage nous permet de suivre pas à pas ces Soleils-Femmes dans leur confrontation avec l’Animus Lune, leurs métamorphoses et les parallèles que nous pouvons faire avec les méandres de notre âme. Les vieilles déesses porteuses de lumière, représentent la possibilité de renouer avec la nature de la psyché telle qu’elle se mouvait dans les temps les plus anciens mais que, dans leur éternelle réalité, nous pouvons aujourd’hui faire émerger comme un soleil de Vie et de Joie.

Commander en ligne aux Editions du Cygne

Ce joli texte est une joyeuse célébration des avantages qu’il y a à réintégrer le féminin solaire dans notre quotidien. 

Anne Bernard Kearney

 Un “soleil femme”, s’interroge l’auteur dans son prologue ? Il faut bien que Sylvie Verchère Merle en soit une pour nous entraîner à sa suite avec un tel enthousiasme dans le sillage de ces “plus que femmes” qui demeurent nos plus essentielles inspiratrices.

Florence Quentin

Le féminin solaire, à paraître

A paraître : le  10 janvier 2016 

Aux Éditions du Cygne  (collection les mythes revisités) :


 Alfred Jarry : critique littéraire et sciences à l’aube du XLe Féminin Solaire dans la mythologie
Etude comparée de La Courtise d’Etaine (Irlande) et de La Caverne Céleste (Japon)

Avant – propos d’Anne Bernard Kearney
Postface de Florence Quentin

De nombreuses déesses, comme Isis, Ishtar ou Sol, et de nombreuses héroïnes comme Iseult, Grainné, Guenièvre, contiennent la trace d’un féminin solaire. Elles ne sont pas les reflets lunaires, mais de flamboyantes figures capables d’enchanter le monde. Dans ces mythes, le féminin apparaît souverain, créateur, et le masculin, chevalier de la lune. Leurs épopées sont autant d’initiations et de métamorphoses qui les amènent à la réalisation de leur essence divine — bien avant les inversions que nous connaissons. A travers l’analyse de La Courtise d’Etaine, figure majeure de la mythologie irlandaise ancienne, et de la déesse Amaterasu-ô-mi-kami dans le mythe japonais de La Caverne Céleste, cet ouvrage nous permet de suivre pas à pas ces Soleils-Femmes dans leur confrontation avec l’Animus Lune, leurs métamorphoses et les parallèles que nous pouvons faire avec les méandres de notre âme. Les vieilles déesses porteuses de lumière, représentent la possibilité de renouer avec la nature de la psyché telle qu’elle se mouvait dans les temps les plus anciens mais que, dans leur éternelle réalité, nous pouvons aujourd’hui faire émerger comme un soleil de Vie et de Joie.

 

La Grande Déesse

image001Lorsque nous nous penchons avec attention sur les grandes figures qui émanent du divin féminin dans les mythologies de la vieille Europe, et du monde, nous ne pouvons être que subjugués par les correspondances que nous pouvons identifier avec les conclusions de Marija Gimbutas.  Les détracteurs de son œuvre sont assez nombreux et c’est vrai que parfois nous restons un peu perplexes devant ses propositions qui vont à l’encontre de biens d’autres points de vue. Cependant lorsque les mythes corroborent les objets il nous faut repenser les choses. La majorité des grandes figures que Marija Gimbutas identifie sont les mêmes que ceux qui ressortent majoritairement des mythes, à savoir : la déesse oiseau et la déesse serpent, l’onde, les yeux, la protectrice des arts, le bélier, le filet, le deux, le trois, la vulve, l’ours, la terre mère, la colonne de vie, le bateau, le taureau, l’abeille et le papillon, la brosse et le peigne … Sans rentrer dans le détails, l’étude mériterait un ouvrage entier, nous pouvons survoler rapidement ces figures et constater les corrélations.

La déesse oiseau

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Le lien du Féminin sacré et de l’oiseau est une évidence tout autour de la terre. Isis et le milan, Nekhbet et le vautour, Morrigane et le corbeau ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Les cygnes et les petits oiseaux accompagnent toujours la Femme dans sa course divine. Les canards, les oies, les grues, mais aussi les faucons, les éperviers, sans oublier la chouette qu’est Blodeuwedd la femme « visage de fleurs » dans les Mabinogion de la tradition celtique. Ce lien omniprésent de l’oiseau et de la Déesse signe son appartenance céleste.

La déesse serpent

Tout aussi rependue est la femme serpent. Cela va des statuettes de déesses tenant des serpents dans leurs mains à celles de Marie dont les pieds ont parfois hérité de serpents, en passant par Ouadjet l’égyptienne. Mélusine est une figure familière de nos vieilles campagnes, la Vouivre tout autant. Nous ne pouvons oublier la Morrigane qui sous la forme d’une anguille serpentine se faufile entre les pieds du Héros celte Cuchulain. La déesse accompagnée du serpent c’est aussi Hygie, Cybèle ou encore Isis lorsqu’elle lui fait mordre le talon de . Ce serpent si aisément rattaché à la Grande Dame atteste de sa manifestation terrestre et magique.dc3a9esse-mc3a8re-serpent-de-cnossos

Les yeux

Les yeux sont peut-être moins évidents à identifier dans la mythologie et la statuaire que nous connaissons, cependant nous avons l’exemple du Uræus, ce serpent sacré sur le front des pharaons qui  peut prendre l’apparence d’une femme ou d’une lionne dangereuse et se trouve exactement à la place du « troisième œil ». Tout aussi vrais sont les trois yeux de la prophétesse  dans les textes mythologiques de l’Irlande ou encore les yeux de la chouette irlandaise Blodeuwedd qui brillent dans la nuit de son exil.

La protectrice des arts

Elles sont célèbres ces gardiennes des arts comme Athéna chez les Grecs ou Brigid l’irlandaise. A travers leur patronage des artisans et des artistes elles continuent leurs œuvres pour aboutir à leur manifestation sous forme de Muses inspiratrices des poètes et des créateurs.

Le bélier, l’ours, le taureau

Le bélier est la monture de la déesse indienne Kuvera gardienne du Nord et des trésors. C’est le bélier que nous retrouvons sur de très nombreux chenets gaulois. Nous pouvons trouver étrange de trouver liés à la déesse des animaux comme le bélier, le bouc, l’ours dont la déesse gauloise Arduina est une célèbre représentante et le taureau. Cependant lorsque nous identifions cette Femme comme la Vache Céleste – et elles sont nombreuses, comme Boan « la vache blanche », la femme « Bison blanc » des amérindiens ou encore Ahet la vache égyptienne mère du soleil – alors il devient évident que ce taureau, ce bélier sont leurs fruits les plus éminents.

Le filet

Si le filet apparait dans les matières étudiées par Marija, nous le retrouvons souvent dans les mains des déesses fileuses et tisserandes. La majorité des déesses mythologiques sont patronnes du fil, que ce soit Amaterasu la déesse soleil japonaise qui file les habits des dieux dans sa salle de tissage, ou encore Brigid. Sans compter le célèbre « manteau » des déesses comme en porte Brigid lorsqu’elle crée le monde, celui d’Airmed la celte dans lequel elle range les plantes médicinales, ou encore celui d’Epona dont a hérité Saint Martin et Marie.

Le deux et le trois

Le trois rattaché aux Déesses est une évidence, de par les nombreuses représentations de trois matrones ou les trois muses, ou les triples Brigid, triple Macha, triple Morrigane en Irlande. Le deux semble moins évident, cependant à l’étude des mythes nous nous trouvons souvent devant la double manifestation du Féminin, céleste et terrestre (Aphrodite, Etaine), Mère et fille (Demeter et Koré), sœurs (Isis et Nephtys). Le deux signe aussi la carte La Papesse dans le Tarot divinatoire.

La vulve

Nous voici avec les célèbres Bobau, Uzumé, Isis qui montrent leur pubis, avec les Shella Na Gig de Grande Bretagne. Ce signe est par évidence lié à la Déesse. S’il est souvent le « signe » de sa sexualité et de sa fécondité, il va plus loin et génère le tressaillement archaïque de la Vie.

220px-La_Dame_de_Saint-SerninLa Terre-Mère

Cette facette féminine ne peut pas nous échapper tant il est encore omniprésent dans la psyché collective. Ce sont les Mères premières, Nerthus chez les nordiques,  Aditi en Inde,  Gaïa en Grèce, Dana en pays Celtes …les Déesses noires, de la Black Ana aux Vierges noires. Elles sont les mères de dieux, mais aussi les mères des hommes comme Banba fut le nom de la première femme qui s’empara de l’Irlande.

La colonne de vie

Plus étrange, mais pourtant tout aussi identifiable par quelques signes particuliers, la colonne suit la Dame dans ses pérégrinations. Sorte d’Animus magique il pointe sa réalité à travers la pierre noire archaïque du bétyle de Cybèle, dans les « statuts menhir » des déesses premières, comme dans la présence silencieuse entre les mains d’Athéna sous la forme d’une lance, lance que nous retrouvons sur le dos de Morrigane dans la Razzia des vaches de Cooley.

L’abeille et le papillon

L’abeille se retrouve parfois rattachée à Déméter et dans de nombreuses traditions, le papillon est le symbole de la femme. C’est ainsi que se présente Psyché, avec des ailes de papillon, comme Etaine la déesse irlandaise qui est à un instant de son histoire un papillon. Itzpapalotl chez les Aztèques signifie « Papillon d’obsidienne » ou « Papillon à griffes ». Sous cet angle il est le papillon sorcier tel que le décrit Marija Gimburas quand elle identifie le papillon dans le folklore comme une des nombreuses manifestations sous forme d’insecte de la déesse, et de continuer sur le rôle démoniaque de sorcière qu’il peut représenter.

La brosse et le peigne

Il est aisé d’identifier un peigne, ou une brosse, dans les lignes gravées des plus anciennes poteries et statues, et lorsque nous le retrouvons si souvent dans les contes et les mythes nous ne pouvons plus douter de sa fonction majeure au sein du Féminin sacré. Le peigne est souvent dans les mains des héroïnes, Etaine et plusieurs femmes celtes se peignent près des sources, comme les sirènes peignent leurs longs cheveux assises sur les rochers maritimes. Les déesses japonaises sont parées de peignes magiques qui se transforment suivant leur volonté.

L’onde

Marija Gimbutas identifie l’onde comme signe de la Déesse. Nous connaissons parfaiteceramiquement son lien avec les sources et les fontaines, les rivières et les fleuves. Bien sûr je pense à Boan qui fit naître la rivière Boyne en Irlande, mais nous ne pouvons oublier Sequana aux sources de la Seine, les rites de lustration pratiqués aux célébrations de Brigid au 1er février dans l’Irlande anciennes,  le lien du Nil avec Isis

Le bateau

La déesse gauloise Sequana apparaît sur une barque, et qui ne connait pas Morgane, cet avatar de La Morrigane, guidant la barque et son précieux voyageur, Arthur, vers l’île d’Avalon, l’île des femmes ? Isis se glisse sur le bateau, son manteau devenant même la voile, lorsqu’elle se transpose en Grèce. Le bateau n’est pas

Discovered in 1937, this bronze figure of the goddess Sequana, riding a duck-shaped barge, may have graced a temple built in Roman times at the source of the Seine River, where sick pilgrims journeyed in search of cures. The statue is some eighteen inches high.

l’image la plus évidente, mais il est toujours là et défie le temps …

Le poisson

Le poisson comme le bateau n’est pas la manifestation la plus remarquée dans la mythologie, cependant il n’est pas absent, ne serait-ce qu’à travers les femmes – sirènes et les iconographies de Mélusine qui font souvent de sa queue de serpent une queue de poisson.

Ces nombreuses similitudes ne peuvent être le fruit du hasard. Elles nous amènent à considérer ce Féminin comme une grande manifestation de vie – mort –régénération et renouveau. En quelque sorte, comme je l’analyse dans mon ouvrage La Femme dans la société celte  et dans mon étude sur la Femme Solaire, la fertilité, la sexualité, la maternité ne sont que des fonctions parmi d’autres, des manifestations de son pouvoir de métamorphose et de régénération. La Déesse des origines n’est pas seulement une Grande Mère, mais avant tout une Grande Déesse, qui n’est, comme le dit Marija Gibutas, ni une Vénus de beauté, ni l’épouse des dieux, mais l’incarnation du pouvoir de régénération et de transformation. Cela propose une amplification de ce Féminin sacré que nous cantonnons trop souvent à des forces de fertilité de la terre ou des jeux érotiques. En quelque sorte la Déesse est bien plus que cela, ou plus exactement elle est cela et bien plus encore. A travers ces projections attestées depuis la nuit des temps nous ne pouvons que contacter – en Soi – la gamme bien plus riche et nourricière de cette Déesse qui « s’agit » en chacun de nous.

Edith Hamilton, La Mythologie, Poche Marabout, 1997

Ella Young, Récits de la mythologie celtique, Triades, 1996

Esther Harding, Les mystères de la femme, Payot, 2001

J. Guyonvarc’h, Textes mythologiques irlandais, Ogam Celticum, 1980

Florence Quentin, Isis l’Eternelle, Albin Michel, 2012

Jean Markale, Mélusine, Albin Michel, 1993

Jean Paul Roux, La Femme dans l’histoire et les mythes, Fayard, 2004

Marija Gimbutas, Le langage de la Déesse, Des femmes, 2005

Pierre Yves Lambert, Les Quatre branches du Mabinogi, Gallimard, 1993

Sylvie Verchère Merle, La Femme dans la société celte, Le Cygne, 2014

Véronique Guibert de la Vaissière, Les Quatre fêtes d’ouverture de saison de l’Irlande ancienne, Armeline, 2003
© Sylvie Verchère Merle 2015