Une âme danse : introduction aux oeuvres d’Alice Heit
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Mon âme danse lorsqu’elle se trouve en face à face avec les images qui parlent son langage, un corps, une fleur, une onde. Une feuille, une courbe circonvolutive, une trace de terre poreuse et un glissement, comme un serpent, qui s’insinue dans l’œil et chuchote Ce sont plus que les inspirations de l’âme qui transparaissent des œuvres d’Alice. Chaque parcelle du trait, du grattage, du fil, des ombres et des couleurs forment comme un miroir, un reflet. Ce n’est pas une invitation au voyage, c’est un voyage. Un voyage au profond de notre être. Une rencontre avec la part sauvage qui palpite, quelque part, en Soi. Nous pouvons aposter le silence, il n’y a plus de voile, les Images sont là et nous nous regardons. Si proche de l’abîme nous sombrons, cœur et chair, dans le ruisseau frémissant d’un mystère, celui de la nature des choses, ce qui se cache souvent. Tout appartient et tout est issu de la magie du monde, tous les règnes premiers s’exposent sans malice.
Il n’y a pas de pire envoûtement que celui de se voir, c’est de là que je viens, et c’est là que je vais. Je suis ce corps tendu sous la Narcisse éclose. Je suis cet être là, endormi sous le cygne. Je suis ces larmes aussi qui dans la nuit enclose bercent la chouette effraie, effrayée, esseulée. Je suis ce corps qui bat comme un cœur qu’on affole, cette fleur ténébreuse mère de tout poison. Je suis ces tiges et puis ces ailes. Le cœur de cet oiseau… Je suis cette âme, cette âme est mienne. Je ne suis rien, je suis tout de ce monde d’humus. Nous devinons, obscurément, que si le flux vivant des énergies subtiles parcourent l’ossature de ce qui nous entoure, ce qui fait que nous sommes est tout aussi vibrant. Ce n’est pas un concept, ni même un témoignage, c’est une osmose qui se réveille, une fontaine de jouvence, un tracé qui nous berce et nous accueille dans le sein matriciel.
L’art est souvent témoin, du monde ou du parjure, des affres et des rêves, des histoires du temps. Il est aussi parfois cette plongée sans nom vers les racines obscures qui sous-tendent le cri. L’âme est une beauté qui ondule, se languit et se penche, se mire et peut jaillir alors dans une œuvre impartie. Elle se donne en partage, de l’artiste au regard, du regard au frémissement qui nous saisit.
Je ne dis que cela : restez sans mot dire, à plonger vos pupilles dans les parcours emprunts de ces tracés. Ils ne sont ni dociles, ni sages, ils sont justes fidèles aux méandres de l’aube, aux points des crépuscules. Ils nous rappellent et notre essence et notre appartenance à la nature. Regardez savamment, avec le cœur, vous y verrez le ciel, la terre, l’eau et le feu. Vous y verrez la magique semence d’un sacre du printemps, d’un divin de l’hiver, la main douce et féconde des mystères émergés.
Mon texte est trop d’emphase ? Peut-être ! Mais c’est ce sentiment qui émerge du tout, s’entortille et tournoie, qui fait que je respire, qui fait que je me vois.
Lorsqu’une femme peint avec ses doigts, ses mains, prenant sans retenue la matière qui lui convient, lui plait, quand aucun lien ne bride de poser par l’image ce qu’elle vit en son sein, voilà ce que nous pouvons voir : la qualité de l’âme sans cesse jaillissante : le végétal qui vrille, le corps dans son parcours sur le chemin de terre, enrubanné de gloire, de sang, de larme, de froid et de douceur. La peau a quelques soubresauts, le monde intime un tangage hypnotique… Ces Images posées peuvent alors contempler notre monde intérieur et ces chairs révélées portent dans leur sillage une méditation profonde, un partage de vie.