Le chant des oiseaux, la langueur du soleil caressant la peau : c’est le temps de l’été. Avoir cueilli sur un bord de chemin les blés mûrs, les seigles et les triticales, blondes, sèches et poilues. Assise sur une souche, sans mots dire, sans maudire, tresser les tiges, rajuster les plants, assembler les touffes. Bouquet. Ajouter par malice quelques brins de lavande, pour la couleur, pour la senteur, pour la joie exprimée. Tenir le tout ensemble par un ruban au couleur de juillet.
Lorsque le soir tombe et que la nuit s’avance, descendre dans la cave. Vingt mètres carrés. La cave est délestée de ses tonneaux, de ses cuves, elle est vide, en attente, disponible, elle est Virgo. Descendre à petit pas, se mettre en rond. Éteindre les lumières qui sur le front des enfants nous ouvraient le passage. Noir complet. Silence.
C’est un havre, un ventre, c’est une grotte. C’est un ventre de Femme, c’est un Ventre, utérus. Seules les odeurs s’expriment, attisent les esprits, et les présences. Les présences attendent, sages, elles guettent, elles se cherchent et se rencontrent. Nous sommes bien là, nous nous reconnaissons. Apprendre à sentir sans voir, à voir sans yeux.
Du silence émerge les voix mâles, un fil qui se tend, un bourdon. La résonance est forte.
Alors les voix femelles s’élèvent, menues d’abord, fluettes puis de plus en plus fortes. Elles partent à l’assaut, escaladent le fil tendu par les mâles soudés. Elles s’élancent telles les tiges souples des plantes grimpantes, elles se glissent, s’enflent, fleurissent. Elles se tournent et contournent le mat planté, s’accrochent et repartent. Volubiles. Le son se fait vibrant dans la nuit de la terre. La chair tremble, l’âme écoute. Tressaillements et transes. Les voilà en serpent, sifflantes, corolles évasées, toujours, toujours plus haut. Apprendre à se parler, s’écouter, se répondre, sans parler, juste en faisant des sons, des danses de la voix. Jouer avec l’espace, l’écho, la rondeur de la place. Sentir la joie, la profondeur en espace cosmique.
Ô quand le chant s’arrête, il n’y a qu’un espoir, c’est de recommencer.