Les noces royales incestueuses

Isis-Osiris

Les mythes foisonnent d’incestes et chacun de pouvoir se référer au mythe d’Œdipe, qui tua son père et connu sa mère. Freud n’est pas étranger à cette célébrité. A moins que l’on se réfère à Electre que Jung su mettre en parallèle. Mais le monde gréco romain connait d’autres incestes. Zeus se marie avec sa sœur Héra, thème que les Romains reprendront avec Jupiter et Junon. Adonis serait le fils de Théias roi d’Assyrie et de sa propre sœur. Les unions incestueuses égyptiennes ne sont pas en reste, à tel point que Pharaon épouse sa sœur, à l’image d’Isis et Osiris, si ce n’est sa propre fille. Et cela jusque dans la Bible, si on ne devait parler que des filles de Loth. Du coté des Celtes l’inceste est tout aussi explicite. Nous rencontrons Arthur  et Morgane, dont le fruit défendu sera Mordred,  la naissance du Llew gallois né du Frère et de la soeur ou en Irlande le célèbre Cuchulain …

L’éternelle question est de savoir pourquoi les mythes abondent, partout dans le monde, d’un tel thème alors qu’il est un tabou essentiel dans la société des hommes. Il me semble parfois bien puéril d’imaginer que tout cela se résume à une histoire de zizi et nous pouvons lire l’inceste autrement qu’à la lettre. Soit, le sexe est d’une importance capitale, mais l’être, et encore plus simplement le petit enfant, ressent dans son rapport amoureux filial, même confusément, être en contact avec une autre dimension, une dimension qui transcende en quelque sorte.  Sommes – nous loin de ces incestes divins ? Oui parce que nous sommes des êtres humains et les lois biologiques ne s’accordent pas à ce fait… et non : c’est qu’il y a bien quelque chose de cet ordre dans la psyché humaine. Et c’est ce que tentent de dire les mythes et de différentes manières. Le désir, non c’est plus que du désir, l’aspiration de toute notre âme, de fusion avec l’autre si proche est si grande qu’elle peut sans doute engendrer la peur d’être englouti. Nous avons alors à faire à cet inceste terrible, dangereux et primordial, dont Pierre Solié dira que «  pour les deux sexes, a obligatoirement lieu avec la Mère et ses métaphores et il demeurera le prototype des métonïa successives qui jalonnent notre vie. »[1]. C’est ainsi que nous le trouvons plusieurs fois explicité par Jung, par cet attrait et cette peur de retourner dans le ventre de la Mère (l’inconscient) et d’y être anéanti.  Ce schéma apparait de nombreuses fois dans les mythes, pour nous guider dans sa résolution. Car en fait tous les récits de métamorphose, de mort et de renaissance, de séjour dans le ventre des baleines, des poissons, dans les barques égarées sur les océans, les combats avec les monstres et les sorcières sont les symboles de ce retour dans le ventre Maternel plein de danger et de terreur. Dans ces « combats » que nous livrons pour ne pas mourir ou devenir « fou » nous sommes confrontés à l’inceste primordial. Que nous soyons fille ou garçon. J’ai le souvenir, pas très vieux, d’un rêve où je devais tirer par les pieds, un enfant déjà en partie englouti dans la gorge d’un poisson archaïque et gluant. Le schéma sexuel (la pénétration) ne fait pas de doute, à condition de le lire sur un plan symbolique. Lu sur le plan du sujet, les trois figures étant parties intégrantes de ma propre psyché, je retournais moi-même dans le ventre de ma mère, sous une forme masculine (animus). Un autre rêve me vient à l’esprit. Quelques jours avant d’apprendre que j’allais être grand-mère je vis dans mon rêve un paysage composé d’une montagne d’une forme oblongue et nettement phallique, « pointant » vers une large grotte béante. Ces deux « figures » étaient faites de la même terre, reposant sur le même sol et si  j’avais dû les mettre en Images mythologiques je n’aurai sans doute trouvé que le terme d’inceste divin pour exprimer la nature de leur épousailles : la grotte copulait avec son frère le pic, voilà un des thèmes des plus anciens et des plus primitifs des mythologènes. La conception de mon petit-fils, loin d’être un fruit incestueux m’apparaissait alors comme un destin voulu des dieux, tel qu’ils le veulent depuis la nuit des temps.

alchimie

Grotte et pic, féminin, masculin, si les Dieux s’épousent charnellement entre frères et sœurs, filles, fils, pères et mères c’est qu’ils doivent le faire quand ils doivent s’unir « de même nature », donc de même famille. Quand les dieux et les déesses en tant qu’Archétypes, s’unissent au sein d’une même psyché, entre eux, sur un plan inconscient et sur un même plan, l’inceste divin est bien un inceste symbolique, qui a du sens, et quel sens ! Car enfin, si l’on considère la « conjonction » alchimique, le « mariage intérieur », l’union sacrée en soi, nous procédons bien à une union symboliquement, psychologiquement incestueuse : « Le secret de l’art (arcanum artis) à savoir la conjonction du soleil et de la lune comme union suprême des contraires ennemis,[…] Le roi et la reine, l’époux et l’épouse s’approchent l’un de l’autre, s’acheminant vers les fiançailles. L’aspect incestueux se révèle dans la relation frère – sœur de Diane et Apollon. En effet, chaque membre du couple se tient respectivement sur le soleil et la lune ».[2] Il s’agit bien de l’union de deux figures de notre psyché, issues d’une même nature « spirituelle ».  Il semble impossible de traduire ce fait psychologique autrement que par le terme inceste.

Les pulsions archaïques peuvent nous entrainer à la déviance et l’horreur de l’inceste humain se réaliser dans toute son ignominie. A nous d’intégrer que ces figures sont celles de notre âme. Alors nous saurons tenter le grand voyage sur l’Océan, y boire le vin herbé qui unira dans un amour « fou » et donc « sage » les deux figures qui s’y cherchent. Nous saurons aussi trouver dans les méandres des chemins de la vie cette âme « sœur » dont nous nous languissons …

 

[1] Pierre Solié, Les Odyssées du Féminin

[2] C. G. Jung, Psychologie du transfert

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