Le Verbe au féminin

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Le nom d’Etaine est à lui seul déjà tout un symbole. Il veut textuellement dire « poésie». […] Par ce nom, Etaine renvoie à Brigid[1], qui est la patronne des poètes (mais aussi des arts, des forgerons — du feu, des médecins, des tissages, protectrice de la maison et des animaux, etc.[2]). Le « verbe » féminin, envoûtant, est clairement identifié dans le conte d’Ella Young ouvrant son recueil de récits de la mythologie celtique  Les créateurs de la terre . L’acte premier de la création du monde se trouve être le chant de Brigid. Après son chant Oengus lui dit : « Je voudrais n’avoir jamais entendu ton chant, car maintenant je ne puis plus écarter la pensée de la terre[3]. » Ce chant fascine. Il n’est pas celui qui ordonne, il est celui qui insuffle. Il ne donne pas d’ordre, il jette un charme.[…]

Une des premières caractéristiques du féminin nous apparaît donc être le chant, la poésie, la voix, le verbe. Cela peut nous sembler difficile à concevoir, nous qui attribuons au verbe le pouvoir créateur masculin. Il s’agit donc, à la suite de Pierre Solié, de prendre conscience qu’à côté du verbe créateur masculin, Logos Spermaticos, qui ordonne et pointe du doigt, « Le lo­gos masculin est un logos qui affirme »[4], existe bel et bien un verbe féminin, qu’il nomme Logos Hystéricos : « Le Logos Hysté­ricos va justement beaucoup plus loin, il est beaucoup plus près du mystère[5]. » En quelque sorte, le verbe féminin est plus proche de la vaticination, de l’incantation et de la transe que de la rhétorique et renvoie à la poésie antique : « Platon a comparé le délire de la Pythie, « le plus beau des arts », à l’inspiration poétique due aux muses et aux transports amoureux d’Aphrodite (Grimal, Mythologie, p. 41). Déjà, en Mésopotamie antique, on confondait poésie et vaticination.[6]. »

[1] Déesse celte de la poésie, de la médecine, de la forge, de la lumière… deesse_kishijoten

[2] Véronique Guibert de la Vaissière, Les Quatre fêtes d’ouverture de saison de l’Irlande ancienne, Armeline, 2003.

[3] Ella Young, Récits de la mythologie celtique, Triades, 1996, p. 14.

[4] Michel Cazenave, « Entretien », Revue Phréatique n° 72.

[5] Ibid.

[6] Jean Paul Roux, La Femme dans l’histoire et les mythes, Fayard, 2004, p. 340.

Extrait du Féminin solaire dans la mythologie

Alfred Jarry : critique littéraire et sciences à l’aube du X

 

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